Par Hasna Yacoub

Que va faire Hosni Moubarak ? Honni par son peuple, soutenu par des rĂ©gimes arabes et appelĂ© Ă  plus d'ouverture par les Etats-Unis et des pays occidentaux, le prĂ©sident Ă©gyptien, qui fait face au soulĂšvement le plus violent depuis sa prise de pouvoir, n'a pas rĂ©ussi Ă  calmer la rue en s'adressant Ă  son peuple hier. Son discours qui annonçait des rĂ©formes dĂ©mocratiques, un nouveau gouvernement sous la coupe du ministre de l'Aviation, le gĂ©nĂ©ral Ahmad Chafik - aprĂšs la dĂ©mission hier de l'ExĂ©cutif d'Ahmed Nazif - et plus de libertĂ© aux citoyens n'a pas convaincu. Les Egyptiens n'ont pas quittĂ© la rue. Ils ont manifestĂ© de nouveau. Par milliers. Bravant le couvre-feu dont la durĂ©e a Ă©tĂ© prolongĂ©e, les protestataires ont affrontĂ© violemment les forces de l'ordre pour rĂ©clamer le dĂ©part du prĂ©sident Hosni Moubarak. Des heurts qui ont fait plus d'une centaine de morts et plus de 2 500 blessĂ©s. Face au tsunami de colĂšre, Hosni Moubarak, dont les deux fils auraient quittĂ© le pays pour Londres dans la journĂ©e d'hier, a nommĂ© le chef du renseignement, Omar SouleĂŻman, comme vice-prĂ©sident. Une alternative pour quitter le pouvoir sans trop de dĂ©gĂąts ? Possible puisque dans la Constitution Ă©gyptienne, l'article 82 prĂ©cise que dans le cas oĂč le prĂ©sident de la RĂ©publique serait empĂȘchĂ© provisoirement d'exercer ses fonctions, il peut dĂ©lĂ©guer ses pouvoirs au vice-prĂ©sident de la RĂ©publique. Jusqu'Ă  hier, Moubarak, toujours prĂ©sident de l'Egypte, faisait face au soulĂšvement populaire, Ă  la forte pression du prĂ©sident amĂ©ricain Barack Obama qu'il a eu vendredi dernier au tĂ©lĂ©phone et au refus de l'armĂ©e, appelĂ©e en renfort d'une police dĂ©passĂ©e par les Ă©vĂ©nements, de rĂ©primer la rĂ©volte. L'armĂ©e Ă©gyptienne, prĂ©sente avec des hommes en armes et des blindĂ©s, a dĂ©cidĂ© de protĂ©ger les lieux stratĂ©giques, d'empĂȘcher le pillage et d'enjoindre les Egyptiens Ă  respecter le couvre-feu. Mais cela n'empĂȘche pas les manifestations de se poursuivre. Les actes de vandalisme Ă©galement. D'ailleurs, l'armĂ©e a appelĂ© la population Ă  se protĂ©ger face aux pilleurs. Des centaines de commerces ont Ă©tĂ© saccagĂ©s dans toutes les villes et un supermarchĂ© - Carrefour - a Ă©tĂ© totalement pillĂ©. Plusieurs incendies ont Ă©tĂ© provoquĂ©s par les manifestants. Selon les services de sĂ©curitĂ©, 60% des postes de police du pays ont Ă©tĂ© incendiĂ©s. Les services de tĂ©lĂ©phonie mobile, coupĂ©s vendredi, comme l'Internet, pour contrecarrer les manifestations, Ă©taient partiellement rĂ©tablis hier en milieu de matinĂ©e. Mais l'Internet ne semblait toujours pas accessible. Dans cette situation chaotique, chaque force politique tente de rĂ©cupĂ©rer la colĂšre populaire. C'est le cas des FrĂšres musulmans, premiĂšre force d'opposition en Egypte, officiellement interdite, qui ont annoncĂ© Ă  l'AFP avoir recrutĂ© des volontaires parmi leurs membres pour former des comitĂ©s de quartier autour de la capitale, afin de protĂ©ger les Ă©tablissements publics et privĂ©s. Les FrĂšres musulmans ont appelĂ©, hier, le prĂ©sident Moubarak Ă  une passation pacifique de pouvoirs et Ă  la mise en place d'«un gouvernement de transition sans le Parti national dĂ©mocrate (au pouvoir) et d'organiser des Ă©lections honnĂȘtes». Pour sa part, l'opposant Mohamed El Baradei a promis la poursuite de la contestation jusqu'au dĂ©part du PrĂ©sident. 
Le plus influent prĂȘcheur du monde arabe, cheikh Youssef  Al Qardaoui, a affirmĂ© que seul le dĂ©part de Moubarak pourrait rĂ©gler la crise.Dans le monde, les appels Ă  des rĂ©formes, Ă  la  retenue et Ă  l'arrĂȘt des violences se multiplient. Si l'Union africaine s'est dĂ©clarĂ©e «prĂ©occupĂ©e» par la situation en Egypte, la France a pris position, assez tĂŽt cette fois, en affirmant par la voix de son Premier ministre que «c'est le peuple Ă©gyptien qui dĂ©cide». L'UE a appelĂ© Ă  cesser les violences, le Japon au dialogue et la Russie Ă  «garantir la paix civile». Seul le roi Abdallah d'Arabie saoudite a tĂ©lĂ©phonĂ© au prĂ©sident Ă©gyptien Hosni Moubarak pour lui exprimer sa solidaritĂ© et dĂ©noncer «les atteintes Ă  la sĂ©curitĂ© et Ă  la stabilité» de l'Egypte. Il s'agit de la premiĂšre rĂ©action officielle arabe. Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi a, lui aussi, appelĂ© le dirigeant Ă©gyptien, a rapportĂ© l'agence officielle libyenne Jana, sans autre dĂ©tail.