La Jordanie et la Libye ont anticipĂ© les Ă©meutes de la vie chĂšre en procĂ©dant aussi Ă la baisse des prix des produits alimentaires de premiĂšre nĂ©cessitĂ©. Les rĂ©gimes arabes ont en partage tous les facteurs qui ont conduit in fine Ă lâexpulsion de Ben Ali.
Un prĂ©sident chassĂ© par sa rue ! Une premiĂšre dans les annales de lâhistoire politique du monde arabe pourtant largement ponctuĂ©e de coups dâĂtat, de transmissions au sommet des pouvoirs, dâinstaurations de rĂ©gimes dynastiques et de rĂ©pressions violentes.
Les Ă©meutes en Tunisie ont Ă©tĂ© suivies avec inquiĂ©tude dans le monde arabe oĂč des situations plus ou moins identiques pourraient advenir. Les mĂȘmes causes produisent les mĂȘmes effets dans d'autres pays aussi vulnĂ©rables Ă la contestation. Et il nây a pas un seul pays arabe qui, aujourdâhui, peut se targuer dâĂȘtre un havre de paix, encore moins un Ăźlot de sĂ©curitĂ©. LâAlgĂ©rie vient de connaĂźtre des troubles imputĂ©s Ă lâhuile et au sucre !
La Jordanie et la Libye ont anticipĂ© les Ă©meutes de la vie chĂšre en procĂ©dant aussi Ă la baisse des prix des produits alimentaires de premiĂšre nĂ©cessitĂ©. Les rĂ©gimes arabes ont en partage tous les facteurs qui ont conduit in fine Ă lâexpulsion de Ben Ali. Lâimage du prĂ©sident tunisien fuyant prĂ©cipitamment le palais de Carthage pour voler au-dessus de la MĂ©diterranĂ©e plus de six heures avant dâobtenir lâasile en Arabie Saoudite est certainement dans leurs esprits.
MĂȘme la France qui lâa protĂ©gĂ© durant les Ă©meutes, aprĂšs avoir fermement couvĂ© sa dictature, ne sâest pas sentie redevable de quoi que ce soit, dĂšs lors quâil nâĂ©tait plus assis sur le fauteuil prĂ©sidentiel. Une leçon Ă mĂ©diter par tous les pairs de Ben Ali qui estiment tirer des forces dâappuis Ă©trangers. Et lâhistoire est pleine de ces dirigeants abandonnĂ©s Ă leur sort comme lâont Ă©tĂ© le shah dâIran et le dictateur des Philippines, pour ne citer que des piĂšces maĂźtresses de stratĂ©gies amĂ©ricaines. Et cette autre image plus frappante : des membres et clients de la nomenklatura, abandonnant des biens mal acquis pour essayer de joindre par mer, des cieux plus clĂ©ments, aĂ©roports et frontiĂšres terrestres leur Ă©tant fermĂ©s. Il est vrai cependant que la situation en Tunisie est assez diffĂ©rente de ce qui prĂ©vaut sur la scĂšne arabe. Câest toute la Tunisie qui est descendue pour dire non Ă Ben Ali. Refusant toutes les concessions de celui-ci, les Tunisiens sont restĂ©s fermes dans leur revendication de voir sâinstaurer chez eux la dĂ©mocratie, lâuniverselle et non plus celle spĂ©cifique, inventĂ©e par les autocrates et dictateurs arabes : les droits de lâhomme, le pain dans la dignitĂ©, câest-Ă -dire une bonne gouvernance transparente et rĂ©vocable par des Ă©lections libres et une presse libre. Le sempiternel paradigme sĂ©curitaire a volĂ© en Ă©clats, dĂ©montrant, sâil en est besoin, que lâhistoire de rempart au terrorisme est derriĂšre le pays. Le plus, qui a caractĂ©risĂ© les Ă©meutes tunisiennes, est que dans ce pays, paradoxalement, Ben Ali aura rĂ©ussi le pari de forger une vĂ©ritable classe moyenne, bien Ă©duquĂ©e, entrepreneuriale et au sens aigu du service public. Dans les pays pĂ©troliers, les âbagarrasâ ont pris la place des classes moyennes en gestation pour miner des apparatchiks dans lâaccumulation par la rapine. Câest ce quâa fait la belle-famille de Ben Ali dont les biens ont Ă©tĂ© particuliĂšrement ciblĂ©s par les pilleurs Ă propos desquels on ne finit pas de sâinterroger chez les manifestants tunisiens. Reste que les Ă©vĂšnements de Tunis ont montrĂ© en tout cas que des rĂ©volutions de velours peuvent se faire dans un pays arabe. Pour la premiĂšre fois, des gens se sont levĂ©s pour dire ça suffit et cela a Ă©tĂ© une rĂ©ussite. Quel que soit le montage du nouvel attelage, le nouveau pouvoir qui apparaĂźtra devra composer avec la rue.Tout a Ă©tĂ© verrouillĂ© sous Ben Ali, tout est donc Ă revoir. Il lui sera difficile de ne pas tenir compte de ce miracle tunisien dans un monde arabe tĂ©tanisĂ© par ses dirigeants : les Tunisiens ont montrĂ© quâils ne sont plus un peuple qui sombre dans lâobĂ©issance, ils ont dĂ©sobĂ©i mĂȘme en payant le prix fort. Ce rĂ©veil doit ĂȘtre la hantise chez de nombreux rĂ©gimes arabes. Lâeffet de dominos de la rĂ©volution tunisienne nâest pas du tout une vue de lâesprit.
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Edition du Dimanche 16 Janvier 2011
Actualité
âLa nation est en danger et le pays Ă la dĂ©riveâ
Le constat sans appel de Benbitour
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Lâancien chef du gouvernement, Ahmed Benbitour, cherchant visiblement Ă rebondir sur les rĂ©centes Ă©meutes, en partant du fait quâelles nâont pas seulement pour origine la flambĂ©e des prix, a rendu public hier un communiquĂ© dans lequel il appelle Ă âun rassemblement des forces du changementâ. Son constat, justifiant cette initiative, est sans appel, âla nation est en danger et le pays Ă la dĂ©riveâ, dit-il en estimant que âle moment est venu dâexprimer notre solidaritĂ© avec la jeunesseâ. Lâancien chef du gouvernement pointe dans son appel la crise de confiance irrĂ©mĂ©diable entre le pouvoir et la population. âLes mĂ©contents, câest-Ă -dire lâimmense majoritĂ© de notre peuple, nâont aucune confiance dans ce pouvoir. Ils ne rĂ©agiront positivement Ă aucun geste des autoritĂ©s en place. Câest lâimpasseâ, insiste-t-il en avertissant que âcette double violence du pouvoir et de la sociĂ©tĂ© menace de devenir incontrĂŽlable Ă tout momentâ. AprĂšs le constat, Benbitour dĂ©finit les objectifs de son appel. Ils sont trois : le premier est dââunifier les forces du changement pour obtenir lâinstauration des conditions minimales du changement pacifiqueâ, en prĂ©cisant que ces conditions passent par âla levĂ©e de lâĂ©tat dâurgence, lâouverture du champ politique avec la possibilitĂ© de crĂ©er de nouveaux partis politiques reprĂ©sentatifs de la population et de la jeunesse en particulier, ainsi que lâouverture du champ mĂ©diatiqueâ. Le deuxiĂšme, câest la promotion âpar une saine compĂ©tition politique arbitrĂ©e par le peuple lors dâĂ©lections non manipulĂ©es, lâarrivĂ©e Ă tous les Ă©chelons du pouvoir, dâune nouvelle gĂ©nĂ©ration de dirigeants politiques, compĂ©tents et honnĂȘtes, aptes Ă mener un vĂ©ritable programme de dĂ©veloppement assis sur un projet dĂ©mocratique et moderne et Ă bĂątir des institutions et des mĂ©canismes de gouvernance et de fonctionnement solides et modernesâ. Le troisiĂšme est dâordre Ă©conomique, Ă savoir la sauvegarde des ressources de lâAlgĂ©rie âpar la mise en Ćuvre des prĂ©rogatives de contrĂŽle sur lâExĂ©cutif dâun Parlement lĂ©gitime en ce qui concerne les recettes dâhydrocarburesâ. Lâancien chef du gouvernement, qui avait dĂ©missionnĂ© en aoĂ»t 2000 pour marquer son opposition Ă lâadoption par ordonnance de la loi sur les capitaux marchands, met en garde contre les tentatives de rĂ©cupĂ©ration de la rĂ©volte des jeunes. âLes citoyens, qui se joignent Ă cet appel, prennent lâengagement de ne pas utiliser le combat de la jeunesse de 2011 Ă des fins personnelles ou idĂ©ologiques, ni dâattiser la violence entre AlgĂ©riens, ou de prĂŽner lâanarchie ou lâeffondrement de lâadministration ou de lâĂ©tat.â Et de conclure son appel en affirmant que âcâest le moment de penser Ă nos enfants et de construire lâAlgĂ©rie dont ils vont hĂ©riter. MobilisĂ©s et unis, rien ne nous sera impossibleâ. |