Dans peu de temps, le tsunami Wikileaks nous touchera, dit-on. En gros, tous ceux qui, depuis 1996, ont parlé à un diplomate américain pourraient être mis en situation d’assumer leur propos. Si, bien entendu ces propos sont professionnellement ou moralement difficiles à assumer. Si le déballage est aussi copieux qu’on nous le promet, on risque de découvrir que ceux qui portent préjudice à la nation ne sont pas ceux qu’on accable de “ternir l’image du pays dans les chancelleries”.
Inutile de préjuger, pour l’heure, des éventuelles retombées nationales de ce prodigieux “buzz”. à l’évidence, la révolution Internet, au sujet de laquelle on épiloguait jusqu’ici, si elle n’a pas déjà eu lieu, vient de se produire avec cette énorme entreprise de mise à nu des rapports réels des diplomates américains avec leurs interlocuteurs et partenaires. L’inédit ne vient pas de ce que l’intelligence diplomatique, qui a peut-être précédé l’intelligence sécuritaire, date d’aujourd’hui ou même de ce siècle. L’espionnage est aussi vieux que la guerre et bien plus que les états. L’inédit ne vient pas, non plus, du fait que des archives électroniques fussent violées par un hacker : on a déjà visité le Pentagone et bien d’autres sites réputés inviolables. Il vient de ce qu’il confirme que, là où il y a transcription, il n’y a plus de risque zéro d’infraction du secret.
Désormais, et les états viennent de s’en rendre compte, la pratique diplomatique ne sera plus ce qu’elle était. Si la récolte diplomatique relève toujours, en principe et par éthique internationale, du secret d’état, ce secret n’est simplement plus possible. En tout, il sera difficile de convaincre les protagonistes de la vie diplomatique que ce secret reste possible.
Les premières révélations donnent déjà la mesure du décalage possible entre la vie publique internationale et la réalité des relations entre états telle que saisie à travers les confidences “officielles”. Ainsi en va-t-il des états arabes que les premières fuites de Wikileaks révèlent plus inquiets de la menace iranienne que du défi israélien ! Même si la nouvelle qui relève de la confirmation plutôt que du scoop, il étale au grand jour une des vérités dont l’énoncé aurait arraché des cris d’Orfraie à toute la confrérie des despotes de la Ligue arabe. La terreur du mot de trop, particulièrement efficace à l’endroit des journalistes, gagne, avec la révolution Wikileaks, le royaume des politiques, mais aussi de tous les notables qui se lâchent dans les salons de souveraineté, à l’abri des oreilles suspectes des peuples.
Seuls ceux qui, n’ayant pas de discours de soirée, traînent leur verbe des heures ouvrables, fruit de leur réelles préoccupations et de leurs sincères convictions, jusque dans les officines de souveraineté et les salons VIP, pourront encore s’exprimer en toute sérénité.
La libre parole, y compris en direction des interlocuteurs étrangers, ne sera plus la même. Et la responsabilité, dans sa connotation patriotique, ne sera plus un attribut ni de la notabilité circonstancielle ni de la fonction officielle.
Enfin, il n’y a plus que le journaliste qui devra faire attention à ce qu’il dit, maintenant que tout ce qui se dit s’écrit et que tout ce qui s’écrit pourrait être lu.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr
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