Qu'ils soient diplomates ou hauts fonctionnaires du ministère de l'Intérieur, les Allemands confirment « le grand intérêt » accordé par leur pays aux ressources énergétiques de l'Algérie. Le déplacement d'Angela Merkel à Alger se fera essentiellement à cet effet même s'il est probable que les deux pays signeront, par la même occasion, d'importants accords de coopération sécuritaire et culturelle.
«Nous, les Allemands, avons la réputation d'être carrés, mais ce n'est pas systématique, nous pouvons répondre à des questions de dernière minute », nous a déclaré lundi, un diplomate allemand autour d'un déjeuner à Berlin à propos de la visite à Alger de la chancelière Angela Merkel. Nos interlocuteurs étaient au nombre de trois mais aucun d'eux n'a voulu être cité nommément parce que, disent-ils, « nous ne savons pas très bien ce que va faire la chancelière en Algérie, nous n'avons pas eu de programme précis ». Ce dont ils sont sûrs, c'est que l'Allemagne se tourne résolument vers le Maghreb après « s'être occupé en général de l'Est». Ils reconnaissent qu' «aujourd'hui, nous avons compris que le Maghreb, ce n'est pas le voisin de nos voisins, mais c'est aussi le nôtre ». Bien que nos interlocuteurs ont, le temps d'un entretien, fait drôlement dans la rétention de l'information, ils lâcheront « le Maghreb peut être, pour nous, le pont qui relie l'Europe au monde arabe et à l'Afrique ». Et selon eux, «l'Algérie, plus particulièrement, est un des pays les plus importants de ces deux régions, elle peut jouer un rôle central, en évidence économique ». Il est avancé d'emblée que « l'économie allemande a besoin des populations de l'Afrique pour vendre, les potentiels sont énormes ». Et tout est possible à leurs yeux puisqu'ils font remarquer que « les relations entre Merkel et Bouteflika sont très bonnes, ils se sont rencontrés plusieurs fois, ils s'estiment mutuellement, ce qui a forcément une répercussion sur la coopération entre les deux pays ». Les responsables allemands affirment ainsi qu'au plan bilatéral « les relations politiques sont très très bonnes », celles économiques «sont à élever davantage ».
Une forte délégation de haut niveau
Ainsi, certaines précisions sur ce soudain regain d'intérêt de Berlin à l'égard d'Alger, ont-elles été données aisément. « Je ne suis pas si sûr que ce n'est que 1%, il y a de grands intérêts dans ce sens », nous a indiqué un haut fonctionnaire du ministère allemand des Affaires étrangères, à propos de la couverture par l'Algérie des besoins énergétiques de l'Allemagne tel que précisé par des sources diplomatiques allemandes accréditées à Alger. (Voir le Quotidien d'Oran du jeudi 29 juin 2008). L'on souligne « il est vrai que l'Algérie n'est pas pour nous un grand fournisseur, mais nous avons un grand intérêt pour les questions énergétiques ». Les responsables allemands en veulent pour preuve « la chancelière sera accompagnée d'une forte délégation de haut niveau dont des représentants du secteur énergétique ». Elle aura aussi, à ses côtés, le secrétaire d'Etat auprès du ministère des Affaires étrangères ainsi que celui de l'Economie, les usages protocolaires de cet Etat fédéral ne permettant pas, selon les diplomates, le déplacement d'autres membres du gouvernement avec la chancelière.
Ce grand intérêt de Berlin pour l'énergie en Algérie
L'énergie est donc ce dossier qui aurait poussé Merkel à décider « dès le début de l'année » de se rendre à Alger, couronnant ainsi un cycle de visites de responsables allemands y compris celle du président fédéral, qui se sont étalées sur près de trois ans. En fait, en accordant cet intérêt à l'Algérie et à ses ressources énergétiques, Berlin cache mal son intention d'alléger sa dépendance de Moscou en la matière. L'Allemagne s'est en effet toujours approvisionnée auprès de la Russie. Pour rappel, cette dernière a déjà agité, à la face de l'Europe, la livraison de son gaz comme arme de chantage. Il a bien bloqué le gazoduc qui livre l'Europe du Nord par l'Ukraine. Les questions énergétiques, figurant comme point focal dans l'agenda de Merkel, il reste que les deux pays auront, comme discussions probables, disent les diplomates, «les politiques internationales d'intérêt commun à savoir le Moyen-Orient, l'Iran, l'Irak ».
Les Allemands veulent régler
leurs problèmes culturels avec Alger
Ceci étant dit, Berlin veut régler avec Alger des questions d'ordre culturel auxquelles il accorde la plus grande importance. Merkel plaidera pour l'octroi d'un agrément à l'institut Goethe Algérie qui, soulignent les diplomates, « active par accord tacite avec les autorités algériennes». Mais ils avouent que « ces derniers temps, c'est devenu difficile de continuer de le faire parce qu'il y a un problème de statuts légaux des professeurs allemands qui enseignent en Algérie ». Il est avancé que « l'Algérie serait prête à donner l'agrément à l'institut Goethe, en plus il est probable que les deux pays signent un accord culturel important par lequel nous réglerons les problèmes qui se posent en Algérie à nos enseignants dans les universités et les écoles ainsi que pour l'ensemble des services académiques qu'ils assurent là -bas, nous réglerons une fois pour toute la question de leur statut qui flotte depuis longtemps tout autant que celui de nos experts ». Les Allemands tiennent beaucoup à la coopération culturelle pour laquelle ils revendiquent fortement « le règlement du volet institutionnel ». Des responsables de l'institut Goethe, à Berlin, font savoir que « l'institut, qui active dans les locaux de l'ambassade, a besoin d'un siège à Alger et qui doit être construit selon les normes sécuritaires requises. Nous en avons fait la demande au gouvernement allemand (ministère des Affaires étrangères) mais ce genre d'autorisation peut prendre trois ans pour être délivré ». L'émigration clandestine sera aussi dans l'ordre du jour de cette visite même si Berlin indique « que nous n'avons pas de gros problèmes avec l'Algérie (et que) la collaboration est assez bonne ».
Accord sécuritaire entre Alger et Berlin
Les questions sécuritaires sont cette autre évidence, aux yeux des Allemands, qui s'imposera dans les discussions entre les responsables des deux pays « parce qu'il y a problème au Maghreb et en Algérie ». L'on s'attend même à la signature d'un accord de coopération sécuritaire entre les deux pays puisqu'il y a eu déjà , selon nos interlocuteurs « deux ou trois rounds de négociations à ce sujet » avec en préambule « l'Algérie est victime du terrorisme et non pas un pays terroriste, elle a été la première à en faire malheureusement l'expérience ». Il est, bien sûr, question d'échange de renseignements et pourquoi pas d'achat d'armement, l'Algérie étant un pays qui tient à diversifier ses partenaires.
Visas : pas de traitement préférentiel pour Alger
La libre circulation des personnes, contre toute attente, ne semble pas figurer en bonne place dans l'agenda de la chancelière. « Nous n'avons pas de traitement préférentiel pour l'Algérie, nous sommes liés par l'accord Schengen, en plus, on travaille avec le Maghreb comme entité », nous disent nos interlocuteurs. Mais, en cas de changement, il viendrait par la création dans chaque pays d'un office «européen» pour l'octroi des visas Schengen. Les diplomates expliquent que c'est une sorte de guichet unique regroupant l'ensemble des pays européens de l'espace Schengen qui sera ouvert dans chaque pays demandeur de visas. L'idée semble faire son chemin dans l'esprit de la commission européenne. En attendant, « chaque pays décide de l'octroi de visas selon sa législation nationale ».
UPM : Sarkozy et Merkel pour convaincre Bouteflika
L'Union pour la Méditerranée est cette autre question abordée au cours de cette discussion berlinoise. « Nous sommes persuadés que Sarkozy sera aidé par Merkel pour convaincre Bouteflika d'être présent le 13 juillet à Paris au sommet inaugural de l'UPM », ont assuré les responsables allemands. La confirmation ne s'est pas fait attendre. Elle est venue le lundi même de l'île japonaise où se tenait le sommet du G8 et à partir de laquelle le président a fait savoir, officiellement, qu'il ira à Paris. Les énergies renouvelables et la gestion des catastrophes entre autres naturelles figurent en pole position sur la liste des projets devant être retenus par le premier sommet de l'UPM. Une réunion des ministres des Affaires étrangères des deux rives se tiendra en automne prochain et programmera le lancement de projets additionnels. « Nous voulons faire sentir aux pays du Maghreb qu'il y a quelque chose d'important qui va se faire, il y a des potentiels importants pour ça », nous disent les Allemands. La nouveauté de l'UPM par rapport au processus de Barcelone ? « dans la coopération, il faut être deux partenaires, on va voir du côté du Sud qu'est-ce qu'il y aura comme proposition et engagement parce que les problèmes viennent du Sud, du Moyen-Orient, de l'Algérie et du Maroc à cause du problème du Sahara occidental; il faut montrer qu'avec une coopération très ciblée et très concrète, on peut les régler; on l'a fait entre Berlin et Paris après la guerre mondiale et ça a marché », répondent nos interlocuteurs. L'idée de Kadhafi d'intégrer dans l'UPM la Ligue arabe et l'Union africaine n'emballe pas les Allemands parce que, disent-ils, « l'Union européenne est un véritable ensemble, c'est une entité qui existe véritablement, il faut prendre l'offre UPM sérieusement et la considérer ». La présence d'Israël ne devrait pas, selon eux, poser problème à aucun pays arabe parce qu'il « vaut mieux être autour d'une table et parler, la solution du conflit israélo-arabe ne se trouvera pas au sein de l'UPM, c'est évident ». Ajoutant tout simplement que « il faut établir des liens de coopération pour pousser Israël à accepter la paix ».