Le militant républicain, défenseur des causes justes, Francis Jeanson, est décédé hier à Paris à l’âge de 87 ans. Il était connu pour avoir fondé le célèbre réseau de porteurs de valises durant la guerre de Libération nationale.
La mémoire algérienne vient de perdre un de ses transmetteurs. Francis Jeanson, celui qui a créé le réseau des porteurs de valises en soutien à la lutte du peuple algérien pour son indépendance, est parti hier après une longue maladie. Né en 1922, Francis Jeanson a vécu deux périodes phares, la lutte contre l’oppression nazie et la lutte contre l’autre ignominie, le colonialisme. Issu de la petite bourgeoisie, étudiant en philosophie et écrivain, Francis Jeanson était imprégné des véritables idéaux de gauche, épris de liberté et de justice. En 1943, il rejoignit les rangs des Forces françaises libres, fuyant le Service du travail obligatoire (STO) et le transfert obligatoire en Allemagne. En Espagne et dans l’Algérie coloniale, il découvrira, bouleversé, l’inhumanité dans les geôles franquistes, la boucherie du 8 mai 1945 et la situation abjecte des colonisés. Dès 1948, Francis Jeanson fit partie des principaux rédacteurs des Temps modernes Inspiré de l’existentialisme de Jean-Paul Sartre, qui fut son mentor dans les cercles intellectuels de la métropole, et opposé intellectuellement à Albert Camus, Francis Jeanson croyait fermement que le sens de l’humanité était dans la lutte contre l’oppresseur et le système qui a secrété l’oppression. Conviction qui le motiva à s’engager pleinement dans la lutte d’indépendance, conduite par le Front de libération nationale (FLN). En 1955, Francis Jeanson publie, avec sa femme Colette, L’Algérie hors la loi, une publication révolutionnaire qui a fortement contribué à rendre visibles les mouvements de décolonisation à travers le monde. Persuadé que le combat n’avait de sens que quand il était mené pour des causes justes, Francis Jeanson entre en 1957 dans la clandestinité anticolonialiste. Il publia une revue de propagande, Vérité pour, destinée à expliquer le sens de son engagement. Il fonde le réseau des militants indépendantistes qui porte son nom, le Réseau Jeanson. Un réseau dont le procès, en 1960, a révélé le rôle et l’action d’illustres intellectuels, artistes et militants français qui se sont sacrifiés par conviction républicaine. Homme de gauche, qu’il voulait régénérer, Francis Jeanson s’attira l’hostilité de la gauche communiste et socialiste, bridée par son attitude prudente à l’égard de la guerre d’Algérie. Il subit une certaine forme de marginalisation durant les décades suivantes, voire accusé de trahison. Malgré son procès et sa condamnation par contumace, il a poursuivi sa quête de justice et son combat pour l’indépendance de l’Algérie. Pour les jeunes générations qui ne le connaissent pas et celles plus âgées qui l’ont connu en bien ou en mal, il demeure ce porteur d’idéal. Celui qui assurait que «d’âme et de cœur, nous ne pouvions laisser tomber ce peuple car, comme lui, nous étions Algériens».
Chérif Bennaceur
Ses écrits sur l’Algérie
Francis Jeanson a écrit plusieurs livres sur la guerre d’Algérie et son engagement dont l’Algérie hors la loi, en collaboration avec Colette Jeanson, en 1955, Notre guerre, en 1960 et La Révolution algérienne, problèmes et perspective en 1962, mais aussi Algéries en 1991.
Les porteurs de valises
Leur rôle principal consistait à collecter et à transporter des fonds et des faux papiers pour les militants du FLN opérant dans la métropole, dans des valises ou des cabas. D’où leur surnom de «porteurs de valises». Parmi les 4 000 membres que comptait le réseau, figure le célèbre activiste anticolonialiste communiste Henri Curiel, assassiné en 1978. Le réseau fut démantelé en février 1960 et son procès s’ouvrit le 5 septembre 1960. Quinze des inculpés furent condamnés le 1er octobre à 10 ans de prison, la peine maximale, trois furent condamnés à cinq ans, trois ans et huit mois de prison. Neuf furent acquittés. Francis Jeanson s’est toujours défendu d’avoir trahi la France. Au contraire, il justifie son attitude par la fidélité aux idéaux sur lesquels cette même communauté française doit s’appuyer.
Source Wikipedia.org