La coordination nationale pour le boycott s’inscrit dans l’après 17 avri
Le déroulement de la campagne électorale pour la présidentielle algérienne du 17 avril 2014 « conforte l’idée qu’un plan de fraude massive et organisée, en faveur du Président candidat, est en place » ont souligné mercredi soir les représentants en France de la coordination nationale pour le boycott avant d’appeler à une journée de protestation à Paris ce samedi, premier jour du vote en France.
Paris / De notre correspondante
Comment la CNPB a –t-elle pu rassembler des partis politiques si opposés ? Quelle convergence possible avec les mouvements citoyens comme Barakat, Bzaeid et autres ? L’ex-Fis ou ses membres peuvent-ils intégrer la coordination nationale de boycott ? Quelle réaction à la proposition du FFS sur la tenue d’une transition nationale ? Quel devenir pour la coordination après le 17 avril ? Autant de questions soumises aux conférenciers.
Mohammed Khendek, secrétaire national du RCD à l’Emigration souligne qu’ « on n’a jamais pensé qu’un jour des partis politiques avec des programmes différents, des idéologies différentes puissent se retrouver dans une action coordonnée. C’est une action conjoncturelle ». Selon Abdelouhab Yagoubi, représentant le HMS-France, « Le dénominateur commun » entre les partis composant la CNPB ce sont « élections libres et transparentes, Etat de droit, alternance politique ». Et au-delà du 4ème mandat, « nous sommes pour la disqualification du scrutin ». Mohammed Khendek (RCD) ajoute que « même si le régime avait présenté un autre candidat nous aurions boycotté cette élection. Bouteflika a été présenté parce que les clans ne se sont pas entendus sur un autre candidat ».
Quant à une convergence avec les collectifs citoyens, le représentant du RCD estime que « toutes les initiatives en faveur d’un changement du régime sont les bienvenues, y compris Barakat ». « Ce qui nous différencie, c’est l’approche ». Zoheir Rouis, secrétaire national de Jil Jadid ajoute qu’ « il faut qu’on arrive à soutenir les dynamiques qui se présentent ». Et aussi « nous sommes des partis politiques, nous devons nous garder de donner l’impression que nous voulons embrigader les mouvements citoyens, nous sommes sur les mêmes objectifs et on finira par trouver un terrain commun ».
Sur la proposition du FFS d’une transition démocratique, la conférence nationale de la CNPB est « ouverte à tous ceux qui croient en le changement de système », répond Mohammed Khendek (RCD). « Comment sortir d’une gestion chaotique, d’institutions mal élues, comment arriver à une bonne gouvernance », seront au cœur de la conférence nationale dont une commission composée de trois représentants de chaque parti membre de la coordination plus des personnalités politiques est chargée de préparer. Et « si les propositions du FFS et de la coordination sont similaires, nous trouverons un consensus pour faire converger nos deux projets ».
Saïd Harri, membre du conseil national de Adala reprend : « Les mouvements, personnalités en accord avec notre plateforme sont les bienvenus ».
Y compris des membres de l’ex-FIS ? « Lors du meeting de la CNPB à la salle Harcha on a relevé la présence de Ali Benhadj et des militants du parti dissous avec une pancarte FIS Transition », a relevé un participant à la conférence de presse.
Pour Zoheir Rouis (Jil Jadid) « les personnes qui partagent les objectifs de la coordination, qui s’engagent pour un Etat de droit et pour les libertés ont leur place dans la CNPB ». Et cette précision : « Ali Benhadj ne fait pas partie de la coordination, ni à titre d’un parti dissous, ni à titre de personnalité politique ». Mohammed Khendek ajoute : « Nous n’avons rien à voir avec l’ex FIS, ni hier, ni aujourd’hui, ni demain». « Le FIS est un parti interdit, il n’a plus d’existence légale », rappelle Saïd Harra (Adala).
Et Youcef Merrouche, membre du conseil national du RCD, animateur de la rencontre avec la presse de conclure que « le problème n’est pas en terme de personne mais de système, la transition démocratique ce n’est pas une innovation, d’autres pays sont passés par cette étape ».
CNPB-France : Appel à une journée de protestation samedi
Dans une déclaration appelant à un « boycott actif », les représentants de la coordination nationale pour le boycott-France (RCD, Jil Jadid, HMS et Adala) soulignent que « la communauté algérienne à l’étranger en général et en France en particulier, est naturellement inquiète et attentive à l’évolution de la situation politique de notre pays. Consciente des enjeux de cette mascarade électorale, elle manifeste régulièrement son rejet de ce régime honni et, ce faisant, apporte son soutien actif à la démarche de tous ceux qui aspirent à l’édification d’une véritable République démocratique. »
La CNPB-France appelle la communauté algérienne en France à boycotter cette énième mascarade et l’invite à une journée de protestation samedi à partir de 10 h à l’angle de l’Avenue Jean- Jaurès / Rue Bourret dans le 19ème arrondissement de Paris (métro Jaurès) autour des mots d’ordre suivants : « boycott actif ; dissolution de la police politique ; changement pacifique du régime ; pour un Etat de droit, préalables incontournables vers une transition et des élections libres et démocratiques ».
Et d’estimer que « le discrédit, par un boycott actif et massif, est la seule réponse cohérente et constructive, pour le devenir national algérien, aux manigances de ceux qui surfent sur le désarroi et la misère de la population »
La désaffection de la majorité des citoyens par rapport à la campagne électorale n’est pas une nouveauté. Ce qui l’est, par contre, c’est l’expression de leur rejet des prochaines présidentielles par de multiple initiatives : rassemblements et marches, empêchement des meetings des candidats ou de leurs représentants... La mobilisation des services de police pour protéger les animateurs de la campagne est sans précédent.
Le groupe des partis et personnalités qui appellent au boycott des présidentielles du 17 avril a annoncé la mise en place d’une commission politique pour se pencher sur l’élaboration d’une proposition de pacte de transition.
Selon les initiateurs de cette coordination, il s’agira d’une part, de montrer que la décision du boycott des élections s’inscrit dans la perspective d’un renouveau national et, d’autre part, d’offrir une proposition consensuelle aux autres acteurs politiques, y compris le pouvoir. L’objectif est la tenue d’une conférence nationale qui adopte des instruments de transition pour le retour à la souveraineté du peuple. Exercice difficile s’il en est.
Mouloud Hamrouche, quant à lui, alerte sur les périls qui pèsent sur la nation. Resté en marge de la vie politique depuis son retrait de la course aux présidentielles de 1999, il estime qu’aujourd’hui, « la cohésion nationale est en jeu, les formations politiques manquent de crédit et d’enracinement populaire pour l’endiguer, et le système est incapable de renouveler ses hommes ». C’est tout « logiquement » donc qu’il s’adresse aux décideurs identifiés à travers le chef de l’Etat, le chef d’état major et le chef du Département du renseignement et de la sécurité (DRS, services spéciaux de l’armée) pour prendre une initiative salvatrice.
L’armée, au cœur du problème
A première vue cette position qui, au demeurant, a peu de chance d’être saisie par ce trio dirigeant, semble éloignée de ce regroupement de partisans du boycott, quand on sait que Saïd Sadi, dont le parti est membre de cette coordination, n’inclut pas l’institution militaire dans la solution politique à l’impasse du système estimant qu’elle est une partie du problème, sinon le problème même.
D’aucuns, parmi ceux qui ont accompagné Saïd Sadi dans son parcours politique, estiment que cette position relève plus de la tactique. Mouloud Hamrouche presse le pouvoir en place à prendre l’initiative afin de ne pas se retrouver au mieux dans une position d’acteur ordinaire et, au pire, disqualifié par l’irruption de la rue.
A ces deux positions, il faudra ajouter celle de l’ancien président de la république Liamine Zeroual, qui considère que la sortie de crise passe par la poursuite du processus électoral et la consécration du prochain mandat présidentiel comme mandat de transition. Le candidat Ali Benflis semble être sur cette trajectoire en estimant qu’on ne peut pas « réformer sans légitimité populaire ».
S’ajoute depuis quelques jours l’appel du FFS à une « conférence de consensus national ». Le parti du vieux leader historique Hocine Aït Ahmed, qui a longtemps gardé le silence sur la crise exacerbée par la candidature de Bouteflika, ne donne pas plus de précisions au sujet de cette initiative. Une chose est sure, depuis l’avènement du pouvoir de Bouteflika, son analyse de la situation politique du pays n’est pas très éloignée de celle de Mouloud Hamrouche.
L’avenir se jouera après le 17 avril 2014
La désaffection de la majorité des citoyens par rapport à la campagne électorale n’est pas une nouveauté. Ce qui l’est, par contre, c’est l’expression de leur rejet des prochaines présidentielles par de multiple initiatives : rassemblements et marches, empêchement des meetings des candidats ou de leurs représentants... La mobilisation des services de police pour protéger les animateurs de la campagne est sans précédent.
Il devient évident pour tous les acteurs que le salut ne peut venir des seuls résultats de l’élection présidentielle. Même le staff électoral du candidat-président, qui ne doute pas de la reconduction de son protégé, promet une sorte de « deuxième république » après le scrutin. Le Premier ministre Abdelmalek Sellal a ainsi déclaré qu’après avoir consolidé la paix, Bouteflika s’attellera à la démocratisation du pays.
Dans tous les cas, il apparaît que l’élection du 17 avril ne constitue qu’une halte. Elle indiquera néanmoins les rapports de force dans le système et les projections de ses tenants. Ira-t-on alors vers une transition contrôlée ou bien une tentative à haut risque d’une perfusion du système ?