La France montre une défiance croissante à l’égard de l’islam

La France montre une défiance croissante à l'égard de l'islam
 
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L'islamophobie aurait en partie supplanté un racisme « ordinaire » visant les Maghrébins

Mahi porte la barbe, une barbe qui marque son attachement à l'islam. Lorsqu'il prend les transports en commun, à Marseille, cet éducateur spécialisé lit régulièrement dans les yeux des autres passagers une forme de défiance, voire de crainte. « Beaucoup hésitent à s'asseoir à côté de moi, quand ils ne changent pas carrément de wagon », déplore-t-il.

De tels comportements, constate-t-il, sont plus ou moins fréquents, selon les soubresauts de l'actualité. « Qu'Al-Qaida revendique un attentat quelque part dans le monde, et la suspicion reprend le dessus », note cet homme de 36 ans, qui dit aussi avoir vécu douloureusement « en tant que citoyen et musulman » le récent débat autour du voile intégral. « Quel signal la représentation nationale donne-t-elle à la population quand elle vote une loi en faisant fi de l'avis défavorable du Conseil d'État ? » s'interroge-t-il.

Ce qui est sûr, veut croire Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman, c'est que « l'on est passé d'un racisme "ordinaire", anti-maghrébin, anti-arabe, à une hostilité, voire une haine visant l'islam ». Ce phénomène se traduit, affirme-t-il, par une multiplication, ces dernières années, des dégradations de mosquées ou de sépultures. « De même, de plus en plus de femmes portant le voile sont insultées ou agressées. »

Islamophobie ? «terme imposé par des islamistes»

Pour Mohammed Moussaoui, il n'est pas question d'empêcher la critique des fondements de l'islam, « pleinement recevable quand elle s'inscrit dans une logique de connaissance et de dialogue », mais de condamner les manifestations violentes qui visent les institutions et les personnes.

Cela étant, la loi sur le voile intégral a elle aussi favorisé les amalgames entre une pratique marginale, qui ne constitue en rien une obligation coranique, et l'ensemble des musulmans de France. « Beaucoup parmi nous reprochent à cette frange radicale apparue récemment et qui voudrait imposer aux femmes le port du voile intégral d'avoir provoqué une stigmatisation générale. Mais en même temps, la généralisation a contribué à créer des solidarités… »

Faut-il pour autant parler d'« islamophobie » ? Dominique Sopo s'y refuse. Le président de SOS Racisme rejette en tout cas ce terme qui a été « imposé par des islamistes désireux d'introduire une confusion entre critique de la religion et racisme ».

«Une tendance à "islamiser" de façon abusive des questions sociales»

Il n'empêche. Dominique Sopo constate lui aussi la montée d'une haine anti-musulmans liée au reflux d'un racisme fondé sur la biologie ou les origines. « La figure du musulman a, dans le débat public, remplacé celle du beur ou de l'Arabe. On enferme les 4 à 5 millions de Français d'origine arabo-musulmane dans une identité religieuse alors qu'ils sont, dans leur immense majorité, sécularisés, ou qu'ils considèrent le Ramadan comme un repère essentiellement culturel », analyse-t-il.

« Les élites n'acceptent pas que des populations qui, il y a trente ou cinquante ans, rasaient les murs et baissaient la tête, manifestent tranquillement leurs pratiques culturelles et religieuses. Aujourd'hui être antiraciste, c'est reconnaître l'égalité entre toutes les personnes, à condition qu'elles se conforment aux lois de la République », soutient Dominique Sopo.

Présent depuis une quinzaine d'années, le thème de l'islam fait souvent l'objet d'une instrumentalisation.

«Apéro saucisson et pinard»

« Il existe une tendance à "islamiser" de façon abusive des questions sociales, économiques ou culturelles, sans que cela se traduise forcément par des phénomènes de rejet ou de discrimination, analyse Vincent Geisser, chercheur au CNRS et auteur en 2003 d'un ouvrage intitulé La Nouvelle Islamophobie (La Découverte). Beaucoup s'engouffrent dans le débat sur l'islam pour exprimer, de façon assez fédératrice, des craintes assez ordinaires : chez les féministes, ce sera le recul de la condition de la femme ; chez les enseignants, la perte des acquis de l'école publique ; chez les laïcs, une remise en cause de la laïcité, etc. »

C'est effectivement le discours que tient sur un mode très radical, voire provocateur, le site ripostelaique.com, qui revendique 30 000 abonnés à sa lettre d'information hebdomadaire. Comme lorsqu'en juin dernier, il appelle, avec le Bloc identitaire (extrême droite), à tenir en plein Barbès un « apéro saucisson et pinard ».

Son rédacteur en chef, Pierre Cassen, qui se présente comme étant « de gauche, laïque et républicain », reproche à son propre camp de « sous-estimer, au nom d'un certain relativisme, d'une mauvaise conscience, voire d'une culpabilité post-coloniale, l'offensive islamisante, principal danger pour nos valeurs et notre civilisation ».

«Le pays d'Europe où l'intégration des musulmans se passe le moins mal»

À entendre cet ex-trotskiste, à force d'accommodements « prétendument raisonnables », les musulmans les plus militants demanderaient à la République de s'adapter à leurs dogmes.

« Sans aller jusque-là, nombre de Français, constatant que le cours du capitalisme ne leur laisse plus de prise sur l'avenir, se sont recentrés sur des conceptions républicaines très rigoristes », constate Stéphane Rozès, président de CAP (Conseils, analyses, perspectives).

Pour autant, souligne le politologue, la France reste « le pays d'Europe où l'intégration des musulmans se passe le moins mal ». À preuve, dit-il, dès la deuxième génération, une bonne partie d'entre eux font leur vie avec un conjoint non musulman.
Denis PEIRON


12/11/2010
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