La coalition internationale menée par les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, est entrée en action samedi en bombardant par air et par mer des objectifs militaires, en vertu de la résolution 1973 de l'ONU.
- Prochaine étape : couper le soutien logitique du régime
Après le succès annoncé d'une première vague de frappes samedi et dimanche contre les défenses anti-aériennes et des blindés près des lignes des insurgés, la coalition a l'intention de viser les lignes de ravitaillement des pro-Kadhafi pour limiter la capacité d'action des forces gouvernementales. "Ces forces sont plutôt éparpillées entre Tripoli et Benghazi (à 1 000 km à l'est) et nous allons essayer de couper le soutien logistique" à partir de lundi, avait expliqué dimanche le plus haut gradé américain, l'amiral Michael Mullen.
En réponse à un appel de l'Union africaine à "la cessation immédiate des hostilités", l'armée libyenne a annoncé, dans un communiqué, un cessez-le-feu unilatéral à partir de dimanche 20 heures, heure de Paris. Une annonce qualifiée de"mensonge" par le conseiller du président Barack Obama pour la sécurité nationale, Tom Donilon. "Nous poursuivons, avec nos partenaires internationaux, les opérations en soutien à la résolution 1973 du Conseil de sécurité", a déclaré le ministère britannique de la défense.
- Les forces du guide "souffrent d'isolement et de confusion"
Des explosions sporadiques et des échanges de feu nourris ont été entendus dimanche soir à Benghazi. D'après des journalistes présents sur place, les tirs ont duré une quarantaine de minutes. Le fief de l'insurrection dans l'est du pays reste sous la menace des forces fidèles à Kadhafi, mais celles-ci "souffrent d'isolement et de confusion", a affirmé le vice-amiral américain Bill Gortney, directeur de l'état-major interarmées.
Sur la route entre Benghazi et Ajdabiya, dimanche 20 mars.REUTERS/GORAN TOMASEVIC
Dans la nuit, la coalition internationale a bombardé les forces loyalistes qui tiennent la ville d'Ajdabiya. "Les frappes aériennes ont visé les entrées est de la ville. Je les ai vues de mes propres yeux et je pense qu'il y a eu également des frappes sur les entrées ouest de la ville mais j'ai seulement vu de la fumée s'élever de cette direction", a déclaré Ahmed al Tir, un combattant rebelle.
Un missile a également détruit dans la nuit de dimanche à lundi un bâtiment administratif à l'intérieur du complexe résidentiel du guide libyen dans le sud deTripoli. Selon un responsable militaire de la coalition, il abritait un centre "de commandement et de contrôle" des forces gouvernementales. Le bâtiment en question est situé à une cinquantaine de mètres de la tente où le colonel Kadhafi avait l'habitude de recevoir ses invités de marque, mais plusieurs responsables au sein de la coalition ont assuré qu'elle ne cherchait pas à viser directement le colonel Kadhafi.
Le bâtiment en question est situé à une cinquantaine de mètres de la tente où le colonel recevait en général ses invités de marque. Il a été totalement détruit par un tir de missile, a indiqué un porte-parole du régime.REUTERS/ZOHRA BENSEMRA
A Misrata, une ville tenue par les rebelles à 200 km à l'est de la capitale, des chars gouvernementaux sont entrés en mouvement après le bombardement d'une base proche de la ville par les Occidentaux. "Il y a tellement de victimes que je ne peux pas les compter", a déclaré un porte-parole des insurgés dimanche après-midi.
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- La position ambiguë de la Ligue arabe
Le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, a déclaré lundi qu'il soutenait la résolution de l'ONU autorisant l'intervention militaire en Libye, tout en insistant sur la protection des civils. La veille, il avait dénoncé des bombardements ayant"provoqué la mort et les blessures de nombreux civils libyens" et annoncé la convocation d'une réunion extraordinaire de l'organisation. Des propos vivement critiqués par les rebelles, qui affirment que plus de 8 000 insurgés ont été tués depuis le début de l'insurrection, à la mi-février.
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La mise en place de l'opération militaire avait été facilitée par le soutien affiché de la Ligue arabe à la résolution 1973. Si l'organisation venait à désapprouver son déroulement, cela compliquerait grandement la tâche des Occidentaux. Le chef d'état-major interarmées américain, l'amiral Mike Mullen, a concédé sur CBS que l'issue de cette campagne était très incertaine et que l'opération pourrait déboucher sur une impasse.
- Les Américains veulent transférer le commandement des opérations
Le secrétaire à la défense Robert Gates a souligné que les Etats-Unis, qui commandent actuellement l'intervention depuis leur quartier général Africa Command basé à Stuttgart, ne comptaient pas jouer un "rôle prééminent" pour la maintenir. Reflétant la volonté de Washington de ne pas paraître trop impliqué dans l'opération, le chef du Pentagone souhaite transférer le commandement des opérations dans les jours à venir. Il a évoqué un commandement conjoint franco-britannique ou un commandement de l'OTAN. Mais à Bruxelles, l'Alliance ne s'est pas mise d'accord sur son implication dans la surveillance d'une zone d'exclusion aérienne.
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Dimanche, le président Barack Obama s'est entretenu avec le roi Abdallah de Jordanie et le vice-président Joe Biden a téléphoné aux dirigeants algérien et koweïtien pour obtenir de nouveaux appuis au sein des pays arabes. Le très influent prédicateur qatari cheikh Youssef al-Qardaoui a affirmé que l'intervention internationale était "nécessaire" pour arrêter l'effusion de sang.
Un Rafale de l'armée de l'air française décolle de la base de Saint-Dizier, en direction de la Libye, le 20 mars 2011.REUTERS/HO
Mais l'Italie a fait part lundi matin de son scepticisme, refusant toute "guerre" contre la Libye et réclamant des assurances sur la conformité des premières frappes avec la résolution de l'ONU.
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- Renverser ou non Kadhafi ?
Plusieurs hauts responsables ont assuré que la coalition ne cherchait pas à viser directement le colonel Kadhafi. "Je pense qu'il est important d'agir dans le cadre du mandat de la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU", a déclaré dimanche le secrétaire à la défense américain, Robert Gates.
Son homologue britannique s'est montré, lui, moins catégorique. "Cela pourrait être une possibilité (...) mais il faudrait prendre en compte les victimes civiles qui pourraient en résulter", a-t-il estimé. "Je ne vais pas spéculer sur les cibles (...) qui dépendent des circonstances du moment", a expliqué de son côté le ministre des affaires étrangères britannique, William Hague, qui était interrogé sur la BBC sur la possibilité que la coalition lance une attaque directement contre le numéro un libyen.