Le dinar à la dérive
Conséquence de la chute des recettes d’hydrocarbures et de l’envolée du dollar
Le dinar à la dérive
Pour combler les manques à gagner induits par la baisse des prix du pétrole, il est de tradition que l’autorité monétaire américaine ajuste à la hausse la parité du dollar par rapport aux autres devises. La valeur du billet vert a, de ce fait, enregistré une remontée significative depuis que les prix des hydrocarbures ont amorcé leur déclin à la fin du premier trimestre de l’année 2014.
Il se serait apprécié d’au minimum 25% par rapport à l’euro à la fin du mois de cette même année, faisant craindre le pire aux autres devises que les détenteurs de capitaux ont commencé à bouder, préférant convertir leur argent dans la monnaie américaine qui présente d’indéniables signes de solidité. Cette hausse inattendue mais malheureusement bien réelle, installée dans la durée, commence également à impacter sérieusement le dinar algérien qui n’arrête pas de faiblir par rapport au billet vert. La dérive du dinar est telle qu’il faut aujourd’hui pas moins de 92 dinars pour acquérir un dollar au niveau d’une banque algérienne.
La même envolée est constatée sur le marché informel (Port Saïd Alger) où le dollar était échangé ces premiers jours de janvier 2015 entre 116 et 118 dinars. Dopé par une demande élevée et une constante évolution, l’euro continue, quant à lui, son ascension (1 euro = 160 DA) en dépit de son très net recul par rapport au dollar. L’Algérie qui commercialise ses hydrocarbures en dollars tire évidemment profit d’un dollar fort en termes de pouvoir d’achat et de compensation des pertes engendrées par la baisse des cours pétroliers et gaziers qui ont sérieusement réduit le niveau de ses recettes en devises.
Mais le drame est que les quantités d’hydrocarbures exportées par Sonatrach sont en baisse et qu’environ la moitié de nos importations, notamment les biens d’équipement et les produits alimentaires, sont payés en dollars. Quand bien même l’Algérie pourrait acquérir des quantités plus importantes de marchandises à la faveur du raffermissement du dollar, l’impact sur leurs prix de vente sur le marché algérien ne peut être que négatif.
Les entreprises comme les consommateurs devront s’attendre, si ce n’est déjà fait, à payer plus cher les produits et services achetés en dollars du simple fait du surcroît d’appréciation du dollar par rapport au dinar. Une inflation importée du même type que celle que l’Algérie avait auparavant subie du fait de l’envolée de l’euro est, par conséquent, à craindre, notamment pour les denrées alimentaires et les équipements de production essentiellement payés en dollars.
Mis à mal, aussi bien par l’euro qui conserve une forte parité par rapport au dinar que par le dollar qui continue son envolée, les Algériens devront se résoudre à payer plus cher tous les produits importés, qu’ils soient réglés en monnaie européenne ou en monnaie américaine. La dérive du dinar va évidemment poser problème aux opérateurs économiques qui devront mobiliser davantage de trésorerie pour acquérir des dollars dont la valeur ne cesse d’augmenter.
Les pertes de change qu’ils subiront augmenteront au gré du raffermissement du billet vert, au point où leurs manques à gagner financiers seront insupportables. Leur inquiétude est d’autant plus grande qu’ils savent qu’ils ne pourront pas compter sur un Etat empêtré dans de sérieux déficits budgétaires pour les aider à combler, comme il l’avait fait au milieu des années 90’, leurs pertes de change.
Autre conséquence de l’envolée du dollar, les commandes publiques confiées à des entreprises étrangères coûteront nécessairement plus cher à l’Etat, qui devra augmenter au gré de la dérive du dinar par rapport à la monnaie américaine, les montants des crédits de paiement pour pouvoir rémunérer des travaux et services faits payables en dollars.
Outre le renchérissement des coûts de réalisation que le Trésor devra supporter, la nécessaire mobilisation d’un surcroît de dinars pour faire face à la hausse du dollar ne manquera certainement pas d’exacerber le niveau général de l’inflation, avec toutes les répercussions négatives que cela pourrait avoir, notamment sur la promotion de l’investissement et le pouvoir d’achat des citoyens.
Cette grave dérive du dinar algérien ne satisfait malheureusement pas le Fonds monétaire international qui recommande une dévaluation encore plus substantielle au regard de la modicité de nos performances productives, de notre faible croissance économique, de la persistance des déficits du Trésor et, plus grave encore, de l’érosion qui commence à affecter nos réserves de change.
Au vu de toutes ces contraintes qui bloquent l’essor de l’économie algérienne et fragilisent implicitement le dinar étant des données structurelles qui ne sauraient être améliorées à brève échéance à la faveur d’une décision politique, tout porte à croire que les autorités algériennes finiront par acquiescer aux souhaits du FMI : fixer les taux de change du dinar algérien, au gré des cotations effectives du dollar américain.
Nordine Grim
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