Le pétrole cher, une manne pour certains

Quelles réponses à l'envol du prix du pétrole ?

 

 

 

 

 

 

 

 

09/06/2008 20:30

Le pétrole cher, une manne pour certains



Les pays producteurs, les compagnies pétrolières et parapétrolières, les autres sources d'énergie et certains investisseurs profitent des cours élevés du brut


Du gaz naturel se consume devant une raffinerie de pétrole à Baba Gurgur, en Irak, le 24 janvier 2004 (photo Mohammed/AP).

Onze pays, représentant les deux tiers de la consommation d’énergie de la planète, se sont déclarés inquiets dimanche 8 juin des prix du pétrole et ont appelé à une augmentation de la production, alors que plane le risque d’une récession mondiale.

Les ministres de l’énergie des pays industrialisés du G8 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon, Russie) ont tenu une première réunion à Aomori (nord du Japon), élargie ensuite à trois puissances économiques asiatiques (Chine, Inde, Corée du Sud). « Nous partageons de vives inquiétudes à propos du niveau actuel des prix du pétrole », ont déclaré les onze pays dans un communiqué commun.

À Paris, les dirigeants socialistes ont attiré l’attention sur les profits de Total. Il faut les « taxer davantage » pour Bertrand Delanoë. Il faut les « prélever » en faveur des énergies renouvelables selon Ségolène Royal. Face au nouveau record de prix du baril, qui a atteint 139 dollars vendredi (88 €), les esprits s’échauffent.

Nationalisme pétrolier

Les pays producteurs de pétrole sont les premiers bénéficiaires de cette hausse. Ceux réunis au sein de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) assurent 40 % du marché. Le reste de la production mondiale est fourni par des pays comme la Russie, la Norvège, le Canada et les États-Unis.

Ces pays producteurs ont généralement cédé des blocs d’exploration à des compagnies pétrolières. Si celles-ci trouvent du pétrole sur les sites attribués, elles l’exploitent et le vendent, moyennant une taxation de 80 % à 90 % effectuée par le pays pétrolier.

« Ce sont les prix chers qui créent du nationalisme pétrolier. Et non l’inverse. Depuis le début de la hausse, les contrats ont été renégociés par les pays producteurs. Actuellement les positions se durcissent et, pour les compagnies pétrolières, les relations avec les pays hôtes sont de plus en plus difficiles », explique à La Croix, Didier Houssin, directeur du pétrole à l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

Des placements dans les fonds souverains

Les pays producteurs du Moyen-Orient se retrouvent ainsi à la tête d’une manne financière. Ils l’emploient dans la réalisation de grands projets immobiliers ou industriels. Ils la placent dans des fonds souverains, comme le Fonds Adia d’Abou Dhabi qui gérerait plus de 800 milliards de dollars (500 milliards d’euros). En juin, à Paris, des ministres irakiens se sont même proposés à aider la France à la constitution d’un fonds pour gérer la crise alimentaire. Même dans l’Irak en ruines, le pactole pétrolier est une réalité.

Les producteurs de gaz sont également à la fête. Depuis les années 1970, le prix du gaz est indexé sur celui du pétrole, en Europe continentale et en Extrême-Orient. « Indirectement cette hausse des hydrocarbures a aussi laissé un peu d’air au prix du charbon qui a pu augmenter, poussé par la forte demande des pays émergents, notamment de la Chine », souligne pour La Croix Olivier Appert, président de l’Institut français du pétrole (IFP).

Du côté des compagnies pétrolières, on observe « une hausse des profits pour le court terme. Mais, à moyen terme, ces compagnies ont de plus en plus de difficultés à avoir accès au domaine minier, du fait des nationalismes », explique Olivier Appert. Alors, elles continuent à chercher en territoire connu, en mer du Nord, aux États-Unis ou dans le golfe du Mexique.

"Une flambée des coûts d'investissements"

« Le chiffre d’affaires des compagnies explose, mais leurs bénéfices n’augmentent pas dans les mêmes proportions, car les compagnies doivent compter avec une flambée des coûts d’investissements », observe Didier Houssin. L’IFP a calculé que, dans les deux dernières années, 80 % de la progression des investissements du secteur s’expliquait, en fait, par une hausse des coûts.

Après avoir connu le marasme dans les années 1990 – le pétrole avait baissé jusqu’à 10 dollars le baril –, l’industrie parapétrolière connaît l’euphorie. Tout est rare : les vannes, les pompes, les centrales électriques. Des entreprises comme Vallourec, Technip ou les américains Halliburton et General Electric ont des carnets de commandes remplis.

« Le pétrole, maintenant, demande plus de technologie. On doit aller le chercher en offshore profond ou dans les extra-lourds du Canada », explique Dominique Michel, président du Groupement des entreprises parapétrolières et paragazières (GEP). Dans ce secteur, devant la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, on propose à des retraités, que l’on avait incité il y a dix ans à partir en préretraite, de revenir donner un coup de main, pour un forage ou pour former de nouveaux cadres en Russie ou au Venezuela.

Une conjoncture favorable aux autres sources d'énergie

Les autres sources d’énergie bénéficient aussi des prix élevés des hydrocarbures. EDF, avec ses centrales nucléaires dont les coûts sont stables, en profite, face à des concurrents qui doivent faire fonctionner des centrales thermiques au gaz. Les énergies renouvelables rencontrent aussi un intérêt plus marqué, notamment l’éolienne et la photovoltaïque.

« Tout ce qui va dans le sens de la diversification des énergies est bon », souligne Didier Houssin. Dans ce contexte de rareté, les fournisseurs d’équipements d’économie d’énergie profitent aussi de la conjoncture. C’est le cas en France de Saint-Gobain qui fabrique et vend des matériaux d’isolation.
Pierre COCHEZ


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11/06/2008
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