Le gouvernement tunisien dont le Premier ministre Mohamed Ghannouchi a annoncé lundi la composition comprend plusieurs personnalités connues de l'administration du président déchu et trois dirigeants de l'opposition.Lire la suite l'article
La composition de ce gouvernement chargé de préparer une élection présidentielle dans deux mois consiste en un délicat compromis entre membres de la vieille garde et visages nouveaux, qui risque de décevoir de nombreuses personnes.
De nombreux Tunisiens ont été tués ou blessés par la police lors des manifestations contre le président Zine ben Ali grâce auxquelles ils espéraient obtenir un véritable changement dans leur pays.
Mais le Premier ministre ainsi que les ministres de la Défense, des Affaires étrangères, de l'Intérieur et des Finances sont restés en place, et la plupart d'entre eux appartiennent au RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique) de Ben Ali.
La présence au gouvernement de trois dirigeants de l'opposition ne pèse pas lourd aux yeux de leurs partisans qui auraient souhaité qu'ils aient davantage de responsabilités.
Cependant, le gouvernement comporte des personnalités qui ont promis d'agir en indépendants.
Mohamed Jgham, ministre du Commerce et du Tourisme, a ainsi fait partie du gouvernement de Ben Ali, mais il en a par la suite été écarté. Moufida Tatli, un réalisateur de cinéma internationalement reconnu, n'était pas associé à Ben Ali. Il devient ministre de la Culture.
Le gouvernement a, par ailleurs, promis des changements.
Ghannouchi a assuré que les prisonniers politiques seraient libérés, que les partis interdits seraient autorisés à fonctionner et que les restrictions imposées par Ben Ali à la Fédération tunisienne des droits de l'homme seraient levées.
DÉCEPTION ET MÉCONTENTEMENT
Des personnes interrogées dans le centre de Tunis peu après l'annonce de la liste des ministres se sont déclarées déçues et mécontentes.
Un millier de personnes avaient déjà manifesté lundi matin avenue Bourguiba, la grande artère de la capitale, contre la composition anticipée du gouvernement. La police n'a pas réussi à les disperser malgré un recours à des gaz lacrymogènes, des canons à eau et des tirs en l'air.
L'annonce de la liste a été reportée et n'est intervenue que quelques minutes avant l'entrée en vigueur du couvre-feu, empêchant les protestataires d'organiser une nouvelle manifestation.
L'ampleur de la manifestation de lundi est toutefois sans comparaison avec celles qui ont précédé la chute de Ben Ali.
Le gouvernement provisoire compte ainsi que la population mettra pour l'instant de côté son scepticisme dans l'espoir d'une certaine stabilité.
Mais si les Tunisiens jugent que leurs nouveaux dirigeants ressemblent trop à la vieille garde, les changer par leur vote pourrait être plus difficile qu'il n'y paraît. Le scrutin se tiendra en effet dans le cadre d'une Constitution taillée sur mesure pour Ben Ali.
Elle stipule notamment que quiconque brigue la présidence doit avoir dirigé un parti politique au cours des deux années précédentes.
Cette disposition avait été ajoutée pour empêcher Najib Chebbi, farouche adversaire de Ben Ali, de se présenter à l'élection présidentielle de 2009.
Chebbi avait abandonné peu auparavant la direction de sa formation. Reste à savoir si ces règles pourront être amendées au cours de 59 jours restant à courir avant la date limite pour le scrutin.
Nicole Dupont pour le service français