Sans les ârĂ©vĂ©lationsâ de militaires et
policiers algériens qui ont fait défection, la mort des moines de Tibhirine
nâaurait jamais empruntĂ©, aujourdâhui, ce chemin judiciaire.
Pour obtenir le statut de réfugié sur des terres plus
clémentes que celle irriguée par le sang des victimes du GIA, ces déserteurs
avaient rompu leur serment de combattant avec, en sus, lâopprobre jetĂ© sur leurs
compagnons affublĂ©s du rĂŽle de bourreaux quand ils nâĂ©taient que les victimes.
Câest ainsi que lâorganisation criminelle sâest retrouvĂ©e blanchie et
les services de sécurité désignés comme responsables de la mort des sept
religieux. Les documents dĂ©classifiĂ©s dans le cadre de lâenquĂȘte ouverte Ă Paris
aprĂšs les rĂ©vĂ©lations de ces fĂ©lons montrent que les autoritĂ©s françaises nâont
jamais cru Ă leurs allĂ©gations. Comme elles nâont jamais accordĂ© le moindre
crédit aux articles publiés dans une certaine presse dont le quotidien
Libération reste le phare.
DĂšs le lendemain de la capture des
religieux dans leur monastĂšre, le ministre des Affaires Ă©trangĂšres de lâĂ©poque
présidait une réunion avec des représentants de la Défense, de la Justice et de
lâIntĂ©rieur. Toutes les hypothĂšses Ă©voquĂ©es sur la responsabilitĂ© de la tragĂ©die
menaient au GIA. Et ce GIA est bien une organisation terroriste portant la
religion comme étendard et non un groupe manipulé par le DRS.
Pendant
la captivitĂ© des moines, lâambassade et les Ă©missaires venus de Paris ont
multipliĂ© les tĂ©lĂ©grammes Ă lâadresse de la hiĂ©rarchie. Ils notent que la thĂšse
dâune manipulation du GIA est rĂ©currente dans les dĂ©bats sur
lâAlgĂ©rie.
Mais ils nây croient pas. Tout au plus, envisagent-ils une
infiltration en prenant le soin dâobserver quââinfiltrer nâest pas manipulerâ ou
encore âinfiltrer un groupe ne veut pas dire le contrĂŽler ipso
factoâ.
Un document sâest attardĂ© Ă dĂ©monter avec une prĂ©cision
dâorfĂšvre les arguments dâun article du Monde tentant de mettre en cause les
services de sécurité dans la mort des moines. Le quotidien Libération ne trouve
aucune grĂące : les deux spĂ©cialistes de lâAlgĂ©rie sont prĂ©sentĂ©es lâune comme
ayant des engagements partisans et lâautre pour avoir des liens avec le MAOL (le
mouvement algĂ©rien des officiers libres) jugĂ© âpeu crĂ©dibleâ. Cette organisation
quâon a voulu prĂ©senter comme le signe plus Ă©loquent dâune immense conjuration
ne se rĂ©duirait, selon les informations des services français, quâĂ deux
individus.
Dâabord Abdelhassine Ouguenoune portĂ© dĂ©serteur en 1994.
âAnimĂ© par des motivations pĂ©cuniaires et par un dĂ©sir de vengeance, il a tentĂ©
Ă plusieurs reprises de proposer son aide Ă des services Ă©trangers sans grand
succĂšsâ. En son temps, ce dĂ©serteur avait lancĂ© un site internet. âIl utilise
divers pseudonymes pour faire accréditer la thÚse de plusieurs sources accusant
les services algĂ©riensâ.
Mohamed Samraoui, lâex-attachĂ© militaire en
Allemagne et auteur de Chronique des années de sang qui présente Djamal Zitouni
comme un agent du DRS, nâa pas plus de crĂ©dit. LibĂ©ration lâa souvent gratifiĂ©
du grade de colonel quâil nâa pas et du titre de âbras droitâ de feu le gĂ©nĂ©ral
SmaĂŻn Lamari, quâil nâa Ă©galement jamais eu selon ses collĂšgues. âSuite Ă sa
désertion, il a été entendu à plusieurs reprises de 1996 à 1997 par les services
allemands de renseignement BND. Ă lâĂ©poque, il nâavait jamais fait Ă©tat de
rĂ©vĂ©lations prĂ©cises concernant lâimplication de la hiĂ©rarchie militaire dans de
supposées manipulations. Il avait alors fourni des renseignements concordants
sur le fonctionnement des forces armées et les services de renseignements
algériens attestant de sa bonne connaissance des rouages de la structure. En
revanche, le dĂ©serteur Ă©tait demeurĂ© trĂšs vague et nâavait pu communiquer que
des infos parcellaires et générales sur la situation politique en Algérie. Quant
aux motifs de sa dĂ©sertion, ils Ă©taient demeurĂ©s confus et peu explicites. Ă
aucun moment, il nâavait parlĂ© dâune manipulation du GIA par les servicesâ.
Reste Abdelkader Tigha dont les affirmations ont conduit la famille
dâun des sept religieux Ă dĂ©poser une plainte qui a donnĂ© lieu Ă lâouverture de
lâenquĂȘte.
Une note indique que ce sous-officier qui avait des
problĂšmes dâaffabulations avait Ă©tĂ© virĂ© de lâarmĂ©e et son frĂšre, petit officier
de police, Ă©tait affublĂ© du sobriquet de âal farâ (le rat) et affirme quâil
nâĂ©tait pas âdans le secret des dieuxâ. Parent par alliance dâun haut gradĂ© de
lâarmĂ©e, il aurait quittĂ© les services par vengeance. Un de ses proches, aprĂšs
de bons résultats dans la lutte antiterroriste, a été jugé pour des affaires de
droit commun et révoqué.
MĂȘme le gĂ©nĂ©ral François Buchwalter qui a
Ă©voquĂ© une possible bavure de lâarmĂ©e devant le juge dâinstruction nâa pas donnĂ©
crédit à la thÚse de la manipulation du GIA par le DRS.
Les notes
signĂ©es de son nom en sont mĂȘme un dĂ©menti. Une note appelle sans hĂ©siter Ă un
soutien de lâarmĂ©e algĂ©rienne dans sa lutte contre le GIA.
Pour effacer
le traumatisme engendrĂ© par lâaffaire de lâAirbus, âla DCE se doit dâĂ©liminer
par tous les moyens Djamal Zitouni et ses comparses. Câest notre devoir de
lâencouragerâ, est-il
Ă©crit.