Que nous rĂ©servent, pour 2009-2010, les perspectives Ă©conomiques tracĂ©es par la Banque mondiale ? Son dernier rapport «Perspectives pour lâĂ©conomie mondiale 2009, les marchĂ©s des produits de base Ă la croisĂ©e des chemins», mĂȘme sâil nâest pas inquiĂ©tant pour le court terme, invite Ă la plus grande des prudences dans la conduite des politiques Ă©conomiques, notamment budgĂ©taires. LâAlgĂ©rie fait partie dâune rĂ©gion (Moyen-Orient et Afrique du Nord) qui a subi des changements difficiles liĂ©s Ă lâĂ©volution des prix mondiaux des produits de base ; elle a connu «des augmentations progressives puis une flambĂ©e des prix du pĂ©trole brut, des denrĂ©es alimentaires des cĂ©rĂ©ales en particulier) et des matiĂšres premiĂšres entre 2005 et le milieu de 2008, ainsi quâun Ă©clatement aussi soudain quâĂ©nergique de la bulle durant la seconde moitiĂ© de 2008» (le prix du pĂ©trole a chutĂ© de sa crĂȘte de prĂšs de 150 dollars le baril au dĂ©but du mois de juillet Ă environ 65 dollars le baril Ă la fin octobre 2008). Le rapport prĂ©voit un «revirement spectaculaire des comptes courants sur la pĂ©riode 2008- 2010». Les pays exportateurs de pĂ©trole connaissent depuis le troisiĂšme trimestre de lâannĂ©e Ă©coulĂ©e une baisse sensible des recettes pĂ©troliĂšres, des termes de lâĂ©change et de lâexcĂ©dent des comptes courants qui se manifestera plus nettement en 2009. Le solde positif des transactions courantes des pays exportateurs de pĂ©trole a, certes, continuĂ© dâaugmenter en 2008, quoique modĂ©rĂ©ment, passant de 17,2 % du PIB en 2007 Ă 18,7 % en 2008. Cependant, la rĂ©cession de lâĂ©conomie en 2009 exercera une pression vers le bas plus forte sur les cours du pĂ©trole et entraĂźnera un flĂ©chissement supplĂ©mentaire non nĂ©gligeable de la demande mondiale de pĂ©trole. LâexcĂ©dent des comptes courants du groupe devrait accuser une forte baisse Ă 8 % du PIB en 2009 et Ă 5,4 % au plus tard en 2010. La croissance de lâĂ©conomie rĂ©elle sera affectĂ©e par la contraction des revenus, avec une «rĂ©duction en nombre d'ambitieux projets d'investissement ou le report de programmes envisagĂ©s». Le PIB de la rĂ©gion devrait rĂ©gresser, passant de 5,8 % en 2008 Ă 3,9 % en 2009. La croissance des pays exportateurs de pĂ©trole et des Ă©conomies diversifiĂ©es devrait tomber Ă environ 4 % en 2009. L'augmentation trĂšs graduelle de la demande mondiale de pĂ©trole entravera probablement la progression du PIB dans les pays exportateurs de pĂ©trole, la limitant Ă 5 % en 2010. Jusque-lĂ , les effets directs de la crise financiĂšre sont relativement modĂ©rĂ©s ou peu visibles, mais plusieurs pays restent vulnĂ©rables. Que nos banques aient Ă©tĂ© dĂ©connectĂ©es de la finance internationale, de son ingĂ©nierie financiĂšre (les banques publiques locales ne dĂ©tiennent pas de titres hypothĂ©caires Ă risque Ă©levĂ© ou «actifs toxiques») et autres produits dĂ©rivĂ©s, dâune part, et que le pays ait entrepris le remboursement anticipĂ© de sa dette extĂ©rieure, dâautre part, cette conjonction de facteurs, quâelle ait Ă©tĂ© calculĂ©e ou quâelle rĂ©sulte du hasard, a largement protĂ©gĂ© lâĂ©conomie nationale. Les banques publiques, qui sont le principal allocataire de ressources pour lâinvestissement, ont vu leurs fonds propres connaĂźtre une croissance en hausse, du fait de leur assainissement, de la rĂ©Ă©valuation de leurs actifs et des rĂ©sultats positifs quâelles ont enregistrĂ©s en 2007 : le retour sur capital ou investissement a ainsi Ă©voluĂ© de 3 % en 2003 Ă 25 % en 2007 (de 25 Ă 27 % pour les banques privĂ©es). Les grands projets (eau, Ă©lectricitĂ©, transport, pĂ©trochimie) sont financĂ©s par des groupements de banques. Lâanticipation du remboursement a finalement participĂ© Ă amortir les effets indirects de la crise financiĂšre. Suite Ă lâannonce du plan de relance du secteur financier par les autoritĂ©s amĂ©ricaines au dĂ©but du mois dâoctobre 2008, les spreads sur la dette souveraine, donc la dette publique externe, ont augmentĂ© de 170 points de base pour le Liban (un des pays les plus endettĂ©s au monde) et de 100 points pour lâEgypte (fortement tributaire des ressources extĂ©rieures et des aides) ; ces augmentations soutenaient toutefois la comparaison avec la hausse moyenne de 250 points de base pour lâensemble des pays en dĂ©veloppement Ă cette pĂ©riode. Par la suite, chaque pays Ă©tant confrontĂ© Ă un contexte marquĂ© par des mesures concertĂ©es visant Ă rĂ©duire les taux dans lâensemble des pays de lâOCDE, des plans renforcĂ©s de relance Ă©conomique et le dĂ©but du dĂ©gel des marchĂ©s du crĂ©dit, les spreads ont grimpĂ© en Egypte atteignant 350 points, tandis quâils montaient en flĂšche au Liban, sâĂ©tablissant Ă 730 points de base au dĂ©but du mois de novembre. Il sâagit ici des emprunts Ă taux dâintĂ©rĂȘt variable ou flottant soumis Ă une double charge : la marge ou «spread» que le dĂ©biteur doit payer en couverture des coĂ»ts et des risques de lâintermĂ©diation bancaire et de la «prime rate» (ou taux de base, taux privilĂ©giĂ© ou taux dâescompte officiel appliquĂ© par les banques centrales Ă partir duquel les autres banques fixent leur taux de prĂȘts. Lâindice de vulnĂ©rabilitĂ© prĂ©sentĂ© (une mesure pondĂ©rĂ©e des risques encourus par un pays en raison de lâĂ©volution des spreads sur les fonds souverains, des marchĂ©s boursiers, des taux de change et des apports bruts de capitaux) donne Ă penser que le Liban, la Syrie, la Jordanie et lâEgypte comptent parmi les pays les plus affectĂ©s de la rĂ©gion. La rĂ©gion a enregistrĂ© une augmentation de lâinvestissement de lâordre de 20 % en 2008, ce qui reprĂ©sente 3,4 points de pourcentage compris dans les 5,8 % de taux de croissance de la rĂ©gion, tandis que les dĂ©penses de consommation ont augmentĂ© de 7 %. Parmi les exportateurs de pĂ©trole de la rĂ©gion, lâAlgĂ©rie affiche une croissance en hausse en 2008 avec un taux de 4,9 % contre 3,1 % en 2007, alors que se poursuivaient, Ă un rythme soutenu, les gains de croissance, Ă hauteur de 6 % dans le secteur non pĂ©trolier, notamment dans la construction et les services liĂ©s aux projets dâinfrastructure. Ces chiffres corroborent Ă la virgule prĂšs ceux du CNES qui a prĂ©vu pour 2008 une croissance de 4,9 % (contre 5,8 % selon la loi de finances et 3,5% selon la loi de finances complĂ©mentaire). Une croissance en hausse comparativement aux annĂ©es prĂ©cĂ©dentes : 2 % en 2006 et 3 % en 2007 contre respectivement 7,9 % et 6,7 % dans les pays Ă©mergents (2,7 et 1,3 % dans le monde). Elle est portĂ©e par les services et le BTPH. Moins par lâindustrie â 1 % (en volume) â qui voit sa part dans le PIB dĂ©gringoler de 18 % au dĂ©but des annĂ©es 1980 (hĂ©ritage de Boumediene) Ă un peu plus de 5 % aujourdâhui. A titre comparatif, lâindustrie fournit plus de 20 % du PIB tunisien, contre 18 % pour lâagriculture, un peu plus de 10 pour les TIC. Contrairement aux prĂ©jugĂ©s, le tourisme est relĂ©guĂ© aujourdâhui Ă la portion congrue du PIB (6 %). LâAlgĂ©rie est en bonne posture pour supporter les effets de la crise financiĂšre internationale non pas parce quâelle a rĂ©ussi Ă diversifier son Ă©conomie mais parce que la conjoncture pĂ©troliĂšre lui a Ă©tĂ© longuement favorable ; Ă la fin du mois de septembre 2008, les rĂ©serves du pays sâĂ©levaient Ă 140 milliards de dollars, soit 30 milliards de dollars de plus, comparĂ© Ă la fin de 2007. Les incertitudes qui plombent la croissance et le dĂ©veloppement tiennent essentiellement Ă lâĂ©volution moyenne des prix du pĂ©trole ; elles sont le facteur de risque le plus Ă©levĂ©. Se hasardant Ă Ă©tablir un ordre de grandeur, les auteurs du rapport Ă©crivent : «Le niveau auquel se stabiliseront les prix mondiaux du pĂ©trole, sur la base des fondamentaux et des pressions exercĂ©es par lâOpep, dĂ©terminera la dynamique de croissance potentielle des Ă©conomies de la rĂ©gion dominĂ©es par le pĂ©trole. Le scĂ©nario de rĂ©fĂ©rence repose sur lâhypothĂšse de prix mondiaux du pĂ©trole brut se situant entre 65 et 75 dollars le baril jusqu'en 2010, Ă©voluant ensuite vers un prix dâĂ©quilibre rĂ©el de 60 dollars le baril (2007) dâici 2015». NĂ©anmoins, si une rĂ©pĂ©tition du scĂ©nario de 1985-86, oĂč les cours du pĂ©trole ont plongĂ© Ă 10 dollars le baril, n'est pas envisageable, la probabilitĂ© de passer en dessous du seuil de 50 dollars le baril nâest pas Ă Ă©carter, cela sâaccompagnant des mesures dâajustement qui sâimposeront aux exportateurs de la rĂ©gion. La deuxiĂšme source dâinquiĂ©tude rĂ©side dans «l'Ă©ventualitĂ© de remous au sein de la population, face aux conditions potentiellement difficiles que crĂ©erait une rĂ©cession Ă©conomique mondiale». Le bouillonnement et le mĂ©contentement sociaux nâont pas encore dit toute leur ampleur et leur profondeur. A. B. |