Maroc: le roi ébauche les contours d'une monarchie parlementaire sans trancher

Maroc: le roi ébauche les contours d'une monarchie parlementaire sans trancher

le 09.03.11 | 21h17

Attentif au vent de révolte qui balaie le monde arabe, le roi du Maroc a annoncé une vaste réforme constitutionnelle qui pourrait profondément modifier le visage de la monarchie, sans se prononcer clairement sur la question cruciale de la répartition des pouvoirs.
Attentif au vent de révolte qui balaie le monde arabe, le roi du Maroc a...

Attentif au vent de révolte qui balaie le monde arabe, le roi du Maroc a annoncé une vaste réforme constitutionnelle qui pourrait profondément modifier le visage de la monarchie, sans se prononcer clairement sur la question cruciale de la répartition des pouvoirs.
Dans un discours qualifié jeudi d'"historique" tant par la classe politique marocaine que par les observateurs, Mohammed VI a jeté les bases d'un vaste chantier, interprété comme un premier pas vers une monarchie parlementaire.
Une "réforme constitutionnelle globale", qui sera soumise à référendum, prévoit notamment de renforcer les pouvoirs du Premier ministre, qui deviendra le "chef d'un pouvoir exécutif effectif", "pleinement responsable du gouvernement, de l'administration publique (...) et de la mise en oeuvre du programme gouvernemental", a annoncé le souverain.
Salué par des cris de joie dans la rue et avec soulagement par une classe politique décriée pour son affairisme et son incapacité à porter une offre crédible, ce discours est le signe d'une "rupture" mais "n'instaure pas une monarchie parlementaire", juge le politologue Mohamed Darif qui veut y voir un rééquilibrage des pouvoirs entre le palais et le parlement.
Pour l'expert Haizam Amirah Fernandez, de l'Institut d'études internationales Elcano de Madrid, "il n'y a aucune raison culturelle ni religieuse qui empêche le Maroc d'avoir un système démocratique participatif, probablement une monarchie constitutionnelle avec une séparation des pouvoirs".
"Mais cela dépend de la volonté politique et de la capacité des agents politiques et sociaux à travailler pour répondre aux demandes de la population", prévient-il.
Pour l'historien Pierre Vermeren, la marge de manoeuvre est importante dans un pays "tenu d'une main de fer depuis 50 ans" où le roi "exerce directement ou indirectement la totalité des pouvoirs".
"Si le gouvernement devient responsable devant le parlement, on s'oriente vers une monarchie constitutionnelle. Le roi garderait son magistère religieux (il est à la fois le chef temporel du pays et le commandeur des croyants, ndlr) et conserverait la mainmise sur l'armée", avance-t-il.
Ni monarchie absolue ni royauté au pouvoir essentiellement symbolique, suivant les modèles espagnol ou britannique: ce nouveau pouvoir reste à inventer.
"L'exemple turc prouve qu'un partage des pouvoirs est possible: ceux qui remportent les élections gouvernent, tandis qu'une armée veille au grain, se posant en garante des institutions", affirme Pierre Vermeren.
Plusieurs observateurs soulignent que Mohammed VI renoue avec les promesses d'ouverture qui avaient marqué les débuts de son règne, il y a près de 12 ans, mais cette fois sous la pression d'une population impatiente qui ne se contentera pas de mots et qui a réclamé nommément la tête de plusieurs proches du roi.
La promesse royale d'une "consolidation" de l'Etat de droit "heurte de plein fouet les intérêts d'une certaine caste aux affaires qui n'est prête à aucune concession. Mais c'est le prix à payer pour préserver le trône d'une révolution ou de velléités séparatistes", estime Pierre Vermeren.
Car dans un contexte mondial de flambée des prix des denrées alimentaires de base et du pétrole, les observateurs jugent que Rabat a peu de marges financières et ne fera sans doute pas l'économie d'un changement de gouvernement, première suite logique et concrète au discours royal.
Même si cela ne répond pas directement à la demande sociale, il n'y a pas d'autre choix que de faire des concessions politiques, car "si les attentes de la population ne sont pas satisfaites, l'effet du discours (royal) peut être contre-productif", prévient Haizam Amirah Fernandez.
Prudente, la rue a pour le moment maintenu son appel à manifester pour le 20 mars, un mois après les premières grandes mobilisations qui avaient rassemblé des dizaines de milliers de jeunes à travers tout le pays.

AFP


11/03/2011
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