Le contraste est saisissant. Dimanche soir, Barack Obama apparaît, l'air grave, sur tous les écrans des Etats-Unis pour délivrer une nouvelle tonitruante: Ben Laden a été tué au cours d'une opération militaire américaine. Dimanche matin, le chef d'Etat, dans une performance digne d'un stand up comique, faisait rire les journalistes au diner annuel des correspondants à Washington et tentait de tordre le cou aux mauvais sondages. Et pourtant, le président savait à ce moment là que ses hommes étaient partis en mission sur le sol pakistanais dans le but de capturer le terroriste le plus recherché du monde. Retour sur un coup minutieusement préparé.
Lors de son intervention dimanche soir, Barack Obama a révélé avoir été mis au courant par son équipe de renseignement en août dernier de la possibilité d'une piste menant à Ben Laden. "Il a fallu plusieurs mois pour remonter ce fil. J'ai rencontré mon équipe de sécurité nationale à de nombreuses reprises pour développer davantage de renseignements relatifs à une localisation de Ben Laden dans un complexe de bâtiments en plein coeur du Pakistan", a-t-il ajouté. "Et finalement, la semaine dernière, j'ai déterminé que nous avions suffisamment de renseignements pour agir, et ai autorisé une opération destinée à capturer Oussama Ben Laden et à le présenter devant la justice", a encore dit le président.
Le 29 avril, Obama donne son feu vert
Obama a donné son feu vert au commando vendredi 29 avril, tôt le matin. Ensuite, le président a continué sa vie de locataire de la Maison blanche: visite dans le sud des Etats-Unis pour voir les victimes des tornades dévastatrices, rédaction d'un communiqué pour souhaiter "toute une vie de bonheur" au Prince William et à Kate Middleton, annonce de nouvelles sanctions contre le frère de Bachar el Assad, ou encore voyage à Cap Canaveral en Floride pour assister au lancement d'une navette qui n'a finalement pas eu lieu.
Le dimanche, alors que les forces spéciales sont en train d'effectuer les derniers réglages de l'opération, Barack Obama se rend au diner annuel des correspondants étrangers aux Etats-Unis, une institution à Washington à laquelle de nombreuses stars participent. Là, le président fait le show. Mal en point depuis la défaite aux élections de mi-mandat, celui qui s'est déclaré candidat pour l'élection présidentielle de 2012 a réalisé un véritable pied de nez à tous les journalistes qui le suivent et à l'opinion. Aux prises avec les rumeurs sur son lieu de naissance, alimenté par des républicains très conservateurs, dont Donald Trump, il met les pendules à l'heure.
Le pied de nez est total quand on sait, rétrospectivement, qu'Obama était à 24 heures de faire l'annonce la plus importante qu'un président américain ait pu faire en 15 ans. Et son service de presse a su faire monter la pression. Vers 22h00, heures locales, les journalistes ont été alertés d'une intervention présidentielle. Le directeur de la communication de la Maison blanche se refuse, surTwitter, de dire de quoi il est question, maintenant le suspense. Tout ce que les journalistes savent, c'est l'importance de l'événement. Après des fuites dix minutes avant son allocution et après avoir téléphoné à de nombreux chefs d'Etat, le président des Etats-Unis arrive dans un salon de l'aile est de sa résidence pour parler devant les caméras... Les observateurs s'accordent déjà à dire que ce succès de sa présidence pourrait lui garantir sa réélection.