  
C’était au moment où notre pays était au creux de la vague et que le FMI venait dicter ses lois, qu’il y eut des départs massifs en retraite. Nos gouvernants de l’époque, élèves obéissants, étaient prêts à toutes les concessions, afin d’entrer dans les bonnes grâces de cette institution ; ils ont suivi à la lettre toutes les ignominies et diktats ordonnés par ce soi-disant sauveur de notre économie. On nous répétait à longueur de journée que notre pays était au bord de la banqueroute et que la famine nous guettait si nous ne suivons pas les injonctions de notre nouveau créancier. La première offrande exigée par cet organisme monétaire était l’allégement des effectifs dans toutes les structures étatiques et les premiers dindons de la farce qu’il fallait servir, sur un plateau d’argent, afin de calmer l’appétit vorace de cet ogre financier, étaient les travailleurs des usines publiques. Ordre était donc donné à toutes les entreprises de dégraisser leurs effectifs sous peine de fermeture définitive. Chaque PDG avait sa petite stratégie afin de pousser le maximum d’employés vers la porte de sortie. Des oiseaux de mauvais augure, auxquels on a promis promotions et rémunérations conséquentes, sont chargés du sale boulot de réduire leurs personnels, et ce, par tous les subterfuges et manipulations possibles. Ces messieurs voulant à tout prix sauvegarder leurs postes de cadres, et les privilèges qui vont avec, se sont mis à conditionner et terroriser des pères de familles nombreuses, qui bouclaient difficilement leur fin de mois, et ce, en semant de fausses rumeurs, du genre notre pays est au bord de la faillite, l’usine vit ses derniers jours, il n’y aura plus de virement de vos salaires, vous allez recevoir une indemnité de chômage pendant une courte période puis plus rien, la misère guette vos enfants, à votre âge impossible de retrouver du travail par ces temps de crise, votre seule planche de salut, c’est le départ en retraite anticipée ou proportionnelle, là au moins vous aurez un petit revenu pour subsister. Quand on déverse et martèle ces sentences aussi désastreuses sur des travailleurs terrorisés et psychologiquement fragiles, à quoi pouvait-on s’attendre d’autre qu’à une panique généralisée et un afflux de demandes de mise à la retraite. Donner à ces malheureux juste de quoi ne pas crever de faim Au niveau des directions des ressources humaines, toutes les conditions étaient prises pour faciliter ces allégements d’effectifs, même la demande manuscrite était rédigée par des chefs de service sans scrupules, le berné n’avait qu’à signer et le tour était joué. Les caisses de l’Etat étant vides à l’époque et le FMI vigilant sur la moindre petite dépense, il fallait donner à ces malheureux juste de quoi ne pas crever de faim. Les calculs de leurs pensions de retraite ont été évalués sur leurs maigres salaires de l’époque auxquels il fallait déduire les années de non-cotisations, le montant mensuel que devait toucher ces abusés était plus qu’insignifiant. Il fallait faire d’énormes restrictions alimentaires en s’interdisant toute consommation de viande et en ne se vêtant que dans des friperies pour boucler des fins de mois difficiles, et si par malheur un membre de la famille tombait malade un seul recours : la dette que l’on arrivait presque jamais à rembourser. Aujourd’hui, que notre pays a retrouvé sa stabilité économique, on reproche à ces malheureux d’être des fainéants qui veulent se la couler douce en partant très tôt à la retraite : on a vite fait d’oublier le contexte dans lequel on les a forcés à opter pour ce douloureux choix. Ceux qui ont fait leur service national en trimant comme des damnés pour réaliser les projets pharaoniques des années 70, route transsaharienne, barrage vert, reboisement et autres mégalomanies, se voient refuser le comptage de ces années pour le calcul de leur retraite, c’est plus qu’arbitraire et discriminatoire par rapport aux autres retraités. Ces recalés de la retraite vivent dans une misère indescriptible, ils ont juste le droit à une petite aumône mensuelle, qui ne suffit même pas à payer une petite facture d’électricité. L’augmentation de 10% de cette année 2011 et la plus faramineuse depuis leur éviction forcée, quand on sait que la pension de retraite de la majorité de ces travailleurs, qui se sont fait arnaquer à l’époque des dégraissages par leurs responsables, ne dépasse pas les 10 000 DA, que voulez-vous qu’ils fassent avec un relèvement de moins de 1 000 DA par mois, ils ont été et resteront jusqu'à la fin de leurs jours les dindons de la farce. D’ailleurs, plusieurs d’entre eux ne sont plus de ce monde, ils sont partis silencieusement sans bruit ni fracas, leur départ définitif va sûrement alléger les caisses de l’Etat qui n’aura plus à verser que des pensions de réversion, c'est-à-dire la moitié de la pension des défunts, aux veuves des proscrits de la retraite. Merci pour le Soir d'Algérie qui reste le seul lieu où les retraités peuvent encore exprimer librement leurs légitimes revendications. Bélaïd Mokhtar, Béjaïa
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