Quel chameau ce Moubarak !
Quel chameau ce Moubarak !
Dans le centre du Caire, des partisans du président égyptien ont chargé, le 2 février, les manifestants réclamant son départ à dos de chameau. Un spectacle édifiant qui illustre l'archaïsme du régime, ironise le quotidien panarabe Asharq Al-Awsat.
05.02.2011 | Mamoun Fandy | Asharq Al-Awsat
© Droits réservés
En Egypte, on s'affronte désormais à dos de chameaux et ùnes d'un cÎté, à coup de messages Facebook de l'autre. C'est l'étrange spectacle qu'on a vu sur la place Tahrir, le 2 février, mettant aux prises l'archaïsme animalier d'un cÎté, une jeune génération post-moderne qui a grandi avec le software de l'autre. Et entre les deux, le hardware des chars de l'armée. L'Egypte vit aujourd'hui dans la confrontation entre ce qu'elle a de pire - représenté par des caïds à chameau -, ce qu'elle a de meilleur - représenté par des jeunes qui manifestent pacifiquement à travers tout le pays - et l'esprit issu des valeurs tribales d'honneur et d'obstination - représenté par le discours qui dit qu'il "ne partira pas".
C'était le face-à -face entre une Egypte de liberté et une Egypte de laideur, entre l'esprit ouvert et l'esprit fermé, entre le caïd avec sa trique et l'internaute avec son Facebook. Je ne connais pas l'histoire entre le chameau et le parti du président, mais déjà pendant ses campagnes électorales, cet animal lui avait servi de symbole et ses partisans avaient attaqué leurs opposants en y ayant recours.
Les Egyptiens n'auraient pas imaginĂ© que le nouvel esprit du parti au pouvoir allait ĂȘtre reprĂ©sentĂ© par des voyous Ă dos de chameau. Ce spectacle a rĂ©veillĂ© des souvenirs des beni Hilal, [hordes de bĂ©douins qui avaient Ă©tĂ© envoyĂ©es dĂ©vaster l'Afrique du Nord]. On avait l'impression d'entendre leurs chants de guerre. En revanche, leurs montures n'Ă©taient pas dignes des Ă©popĂ©es du passĂ©, mais efflanquĂ©s comme pour indiquer que leurs propriĂ©taires n'Ă©taient pas de grands Ă©leveurs.
Tout cela Ă©tait d'une symbolique lourde de sens. Deux courants se disputent aujourd'hui en Egypte : l'un, fort et impĂ©rieux, veut faire partie du monde moderne, l'autre, en rĂ©action, voudrait ramener l'Egypte Ă l'Ă©poque prĂ©-industrielle. En tout Ă©tat de cause, le train est dĂ©jĂ en marche, et il va dans la bonne direction. Ce ne sont pas quelques bĂȘtes qui vont l'arrĂȘter.