Ray Bradbury, le grand poète de la science-fiction est mort
Ray Bradbury, le grand poète de la science-fiction est mort
Hier à 18h31. Rédigé par Scorpyo
Source : Le Figaro
C'était l'un des plus grands auteurs de science-fiction du XXe siècle.
Le créateur des Chroniques martiennes et de Fahrenheit 451
s'est éteint à Los Angeles, à l'âge de 91 ans
«J'ai toujours possédé un inextinguible enthousiasme pour la vie. J'écris pour célébrer la vie. Cela n'a jamais changé en soixante ans de carrière.» Voilà ce que déclarait Ray Douglas Bradbury à 82 ans, un an à peine après la tragédie du 11 septembre 2001. C'est avec la plus extrême tristesse que l'on vient d'apprendre le décès de l'immense auteur des Chroniques martiennes et de Fahrenheit 451, à l'âge de 91 ans.
Né le 22 août 1920 à Waukegan, dans l'Illinois, ce formidable fabuliste (auteur prolifique d'une trentaine de romans et de plus de 600 nouvelles en soixante ans) restera sans doute l'auteur de science-fiction le plus lu au monde.
Ses Chroniques martiennes (publiées en 1950) et qui étaient au départ la réunion de 26 nouvelles contant l'histoire de la conquête de la planète rouge entre 1999 et 2026 demeurent un indépassable chef-d'œuvre de poésie et d'humanité.
Issu d'une famille américaine d'origine modeste, un clin d'œil du destin aura voulu qu'il soit le descendant -par son père- d'une sorcière de Salem. Ses velléités littéraires semblent ainsi très tôt liées à l'imaginaire, au fantastique et à la science-fiction. Tout petit, sa mère lui lit les Contes d'Edgar Alan Poe. D'où sa fascination pour les créatures surnaturelles, vampires, gargouilles, momies et autres fantômes.
À trois ans, il assiste à sa première de cinéma: Le Bossu de Notre-Dame une adaptation du chef-d'œuvre de Victor Hugo. Ce film muet le bouleverse. Deux ans plus tard, il voit Le Fantôme de l'opéra. Ces deux productions cinématographiques inspirées d'œuvres littéraires françaises lui font ressentir des émotions très fortes.«J'ai tout de suite aimé le personnage de Quasimodo, ce bossu désespérément amoureux d'une Gitane et celui de ce fantôme musicien secrètement épris de la diva. Je me suis tout de suite projeté en eux. J'ai aimé ces deux monstres trop humains, injustement rejetés par les autres alors qu'ils sont remplis d'amour. Dans les deux cas, il s'agissait d'histoires d'amour impossible. Tout jeune, j'ai moi-même fait l'expérience du rejet amoureux», confiait-il volontiers.
Enfant de la Grande Dépression des années 1930, Ray Bradbury ne rêve que d'une chose, devenir écrivain et être publié. Ses débuts sont difficiles. Car les éditeurs trouvent sa prose «trop poétique». Sa première nouvelle, Le Pendule, est éditée en novembre 1941 dans Super Science Stories, un fanzine pas cher, imprimé sur de la pulpe de bois (d'où le surnom de «Pulps»). Il publie ensuite régulièrement des contes fantastiques dans des revues spécialisées.
Progressivement, ses nouvelles, oniriques et mélancoliques, sont regroupées en recueils: des Chroniques martiennes (1950) à L'Homme illustré (1951), en passant par les Pommes d'or du soleil (1953), Le Pays d'octobre (1955), Un remède à la mélancolie (1958) ou Je chante le corps électrique (1970).
En 1951, le cinéaste John Huston rencontre le jeune écrivain, la nuit de la Saint-Valentin. Il a lu la nouvelle La Sirène, dans laquelle Bradbury raconte comment un dinosaure tombe amoureux d'un phare, simplement en entendant sa corne de brume. Convaincu que Bradbury est le «fils bâtard d'Herman Melville», deux ans plus tard, il l'engage en tant que scénariste sur Moby Dick, adaptation ambitieuse du célèbre roman avec Gregory Peck dans le rôle du capitaine Achab à la poursuite de la mythique baleine blanche. Bradbury racontera les sept mois de travail hallucinés, passés en Irlande dans la demeure des Huston dans La Baleine de Dublin (1993).
Mais c'est en 1953 que Bradbury franchit une nouvelle étape, avec son roman Fahrenheit 451. Cette contre-utopie, écrite en pleine période de maccarthysme, met en scène Montag, un pompier chargé de brûler les livres dans une civilisation futuriste, apocalyptique, en forme de société moderne qui se donne l'apparence d'une société heureuse, où les êtres s'épanouissent dans des occupations superficielles, télévision omniprésente, jeux et badinages.
En réalité, à la manière du 1984 d'Orwell, Bradbury fustige une société totalitaire, où la barbarie se dissimule derrière le matraquage médiatique et où les livres sont considérés comme dangereux, car véhiculant des idées souvent critiques. Le titre du roman indique d'ailleurs précisément «le degré fahrenheit, c'est-à-dire la température à laquelle le papier s'enflamme et se consume». En 1966, François Truffaut portera ce roman à l'écran avec Oscar Werner et Julie Christie.
Tout en publiant régulièrement de nouveaux livres, La solitude est un cercueil de verre (1986) ou De la poussière à la chair (2002), Bradbury vivait, retiré dans sa maison jaune au coeur du quartier ouest de Los Angeles, avec sa femme Marguerite. Malgré une attaque cérébrale subie à l'automne 1999, et dont il mit trois ans à se remettre, Ray Bradbury n'aura jamais cessé de rester connecté au monde. Toujours fasciné par la planète rouge, le plus célèbre des écrivains ayant chanté Mars déclarait en 1997 «n'en être jamais revenu», alors qu'il avait assisté au Smithsonian Institute de Washington aux premiers pas du petit robot téléguidé Sojourner, baptisé Rocky. «J'aime l'idée d'avoir chanté l'odyssée martienne comme Homère a chanté celle d'Ulysse», déclara-t-il en 2002, alors qu'il venait de recevoir la médaille de la National Book Foundation pour sa contribution à la littérature américaine.
Cette même année, en avril, l'écrivain eut l'insigne privilège de devenir la 2913e étoile gravée sur les trottoirs de Hollywood Boulevard, à Los Angeles. Ray Bradbury est né dans les étoiles. Il était normal qu'il en redevienne une à la fin de sa vie
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