Séisme : des jeunes Haïtiens témoignent caméra au poing
"Les Handicaps" by Vadim Janvier from Ciné Institute on Vimeo.
Séisme : des jeunes Haïtiens témoignent caméra au poing
Lundi 22/02/2010 |
Posté par Alexis Buisson
A Jacmel, ville du sud d'Haïti, les étudiants de l'école de cinéma locale filment la détresse des survivants et l'espoir de la reconstruction. VIDEOS EN +
Lesly Décembre se tient dans un parc de Jacmel, devant un camp improvisé pour rescapés du tremblement de terre. Un micro à la main, face caméra, cet Haïtien d'une vingtaine d'années décrit la détresse des centaines de familles qui s'y entassent depuis le séisme. « Ils vivent sous des tentes et des draps dans des conditions très difficiles et attendent les premiers secours et l'aide du reste du monde. »
Vadim Janvier, elle, n'apparaît pas à l'écran. Mais d'une voix-off timide, elle lance le même appel à l'aide dans son reportage « Les Handicaps » qui montre sans détour les blessures des victimes du tremblement de terre. « Les quelques médecins présents à l'hôpital Saint-Michel n'ont pas eu assez de pansements et de medicaments pour subvenir à leurs besoins » dit-elle.
Voir la vidéo de Vadim http://www.vimeo.com/8818178
Lesly et Vadim sont étudiants au Ciné-Institute de Jacmel, une école de cinéma – la seule en Haïti – créée en 2006 pour favoriser l'éclosion d'un tissu de production cinématographique local. Au total, ils seraient une vingtaine d'apprentis réalisateurs à arpenter les rues de Jacmel caméra au poing et un tee-shirt « Ciné-Institute » sur le dos pour partager avec le monde entier les images de leur ville, longtemps oubliée par les medias et l'aide internationale. A Jacmel, cité portuaire de 40 000 personnes considérée comme la capitale culturelle et artistique d'Haïti, le séisme et ses répliques ont été aussi destructeurs qu'à Port-au-Prince.
« Deux jours après le séisme, j'ai commencé à recevoir des sujets de deux minutes montés par les élèves. Les images montraient l'étendue des dégâts, des gens cherchant à extraire d'autres personnes des décombres, les sans-abri, etc. », précise Elana Salcer qui réceptionne les sujets à New York, dans les locaux de Crowing Rooster, la boîte de production partenaire du Ciné-Institute. « J'ai vu beaucoup d'images tragiques sortir d'Haïti ces dernières années, mais cette fois-ci, être plongée dans une catastrophe qui évolue de minute en minute rend la situation encore plus émouvante. »
Si le Ciné-Institute est en ruines, les étudiants, qui travaillaient sur des projets à l'extérieur du bâtiment au moment du séisme, s'en sont tous sortis indemnes. Un miracle. Pour eux, malgré la perte de proches, le besoin de témoigner a vite pris le dessus. Galvanisés par le staff de l'école sur place, ceux qui avaient déjà des caméras entre les mains sont partis en reportage.
D'autres ont déterré six cameras des décombres de l'école. Des ordinateurs et des tables de montage sont installés dans les locaux de la MINUSTAH, la mission des Nations-unies sur place, d'où nos reporters en herbe montent et envoient leurs sujets à New York, où ils sont remontés et traduits par des volontaires avant d'être postés sur le site de l'école http://www.cineinstitute.com/news/. « C'est choquant de voir les images qui arrivent, avoue Pamela Ralat, monteuse volontaire. Parfois, assise devant l'écran, je me sens très triste. »
Outre le camp de rescapés de Lesly et les handicapés de Vadim, Fritzer raconte, lui, les premières minutes après le séisme, Manasse enregistre une prière, Keziah filme elle l'arrivée des premiers secours, tandis qu'un autre étudiant suit une séance de médecine holistique. Au total, une vingtaine de mini-vidéos sont déjà en ligne.
Voir la vidéo Holistic Doctor http://www.vimeo.com/9055094
« C'est une information différente de celle qui sort de CNN. Ces histoires ne sont pas manipulées, affirme Sak Constanzo, l'autre monteuse volontaire de service mercredi dernier. Le seul objectif de ces jeunes est de dire ce qu'il se passe. » CNN fait partie des grands networks qui se sont précipités sur les images pour les diffuser.
Sur place, les étudiants continueront à filmer et à monter tant que le générateur qui alimente leurs ordinateurs fonctionnera. « Nos étudiants ont une perspective personnelle et unique sur ce qui se passe, précise Andrew Bigosinski sur le site de l'école. Le directeur du Ciné-Institute supervise le montage des sujets à Jacmel. Les encouragements de tous nos supporters nous motivent malgré le sentiment de perte qui nous entoure. »
Alexis Buisson (New York)