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Libye: 15 nouveaux morts liés à l'Otan, selon Tripoli, après deux bavures
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Des bâtiments détruits par des frappes de l'Otan, selon les affirmations du gouvernement libyen, le 19 juin 2011 à Tripoli (Photo Mahmud Turkia/AFP)
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Le régime libyen a affirmé que 15 personnes, dont trois enfants, avaient été tuées lundi dans un nouveau raid de l'Otan, à Sorman à l'ouest de Tripoli, une accusation aussitôt démentie par l'Alliance atlantique qui a reconnu deux bavures au cours du week-end.
Ce raid, mené vers 04H00 du matin (02H00 GMT), a visé une résidence d'un vieux compagnon de route du leader Mouammar Kadhafi, à environ 70 km à l'ouest de la capitale, selon un responsable du régime, qui a précisé que celle-ci avait été "touchée par huit missiles".
Lundi 20 juin 2011, 14h55 En début d'après-midi, un responsable de l'Otan a "fermement" démenti tout raid à Sorman. "Nous n'avons pas opéré là-bas", a-t-il déclaré sous couvert de l'anonymat, ajoutant: la seule frappe cette nuit dans la région de Tripoli s'est déroulée "à Tripoli même, et pas à 04H00 du matin".
Le porte-parole du régime libyen, Moussa Ibrahim, présent sur les lieux, a souligné de son côté que le raid avait "fait 15 morts dont trois enfants", dénonçant "un acte terroriste et lâche, qui ne peut être justifié".
Un journaliste de l'AFP, emmené sur place avec d'autres correspondants de la presse internationale, a constaté que plusieurs bâtiments avaient été détruits. Il a ensuite été conduit à l'hôpital de Sabratha, à une dizaine de km de Sorman, où il a vu neuf corps entiers, dont celui de deux enfants, et des morceaux d'autres cadavres, dont celui d'une enfant (moitié de tête, etc.).
La résidence touchée appartient à Khouildi Hemidi, qui faisait partie du conseil de commandement de la révolution de 1969.
Selon M. Ibrahim, la plupart de victimes appartiennent à la famille Hemidi et deux de ses petits-enfants figurent parmi les enfants tués. Parmi les morts se trouvent également des membres de deux familles habitant des maisons situées à proximité, dont au moins trois membres d'une famille soudanaise.
Khouildi Hemidi s'en est sorti sain et sauf: il se trouvait au moment du raid dans un bâtiment qui n'a été que partiellement endommagé.
Sa résidence, immense, s'étend sur plusieurs hectares, avec une ferme et des animaux (gazelles, paons, autruches...) dont certains ont été blessés ou tués.
En l'espace de 24 heures, l'Alliance atlantique a déjà reconnu deux "bavures" en Libye à un moment où la légitimité de son intervention reste contestée et où elle stagne sur le terrain.
Dimanche, elle a admis avoir tué par erreur des civils lors d'une frappe nocturne à Tripoli, dans laquelle neuf personnes dont cinq membres d'une même famille sont mortes.
Elle a expliqué avoir voulu viser "un site militaire de missiles" mais qu'il y a pu y avoir "une erreur dans le système qui peut avoir fait un certain nombre de victimes civiles".
"L'Otan regrette la perte de vies de civils innocents", a assuré le général Charles Bouchard, qui dirige l'opération en Libye.
Samedi, l'Alliance atlantique avait déjà dû admettre avoir accidentellement frappé une colonne de véhicules rebelles dans la région de Brega (est) le 16 juin.
Au moins deux autres incidents du même type étaient déjà survenus.
La coalition internationale a commencé son intervention le 19 mars, sous mandat de l'ONU pour protéger la population civile en Libye où un mouvement de contestation sans précédent contre Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis 42 ans, était réprimé dans le sang. L'Otan a pris le commandement des opérations le 31 mars.
Depuis, l'Alliance a effectué quelque 1.500 sorties. Chacune a été "préparée et exécutée avec un grand soin pour éviter les victimes civiles", s'est défendue dimanche l'Otan.
M. Ibrahim a au contraire accusé l'Otan de commettre des actes "barbares" en visant "délibérément des civils".
Ces événements interviennent à un moment difficile pour l'Otan. Le 10 juin, la Norvège, qui a envoyé six chasseurs F-16 pour contribuer aux frappes, a annoncé qu'elle allait réduire son engagement, puis qu'elle y mettrait fin à compter du 1er août, deux mois avant l'expiration de l'actuel mandat de l'Otan.
Ce pays est le premier membre de la coalition à planifier ouvertement son retrait des opérations.
Mais la contestation la plus forte vient des Etats-Unis, où le président Barack Obama se prépare à un conflit ouvert cette semaine au Congrès, dont nombre de membres ne digèrent pas qu'il ne les ait pas consultés pour autoriser l'intervention.
Face au risque d'enlisement du conflit, une réunion de hauts responsables de l'ONU, de l'Union européenne, de la Ligue arabe, de l'Organisation de la conférence islamique et de l'Union africaine a insisté samedi au Caire sur la nécessité d'une solution politique.
Depuis le 15 février, le conflit a fait entre "10.000 et 15.000" morts et obligé près de 952.000 personnes à prendre la fuite, selon des organisations internationales.
Sur le front, de violents combats se sont produits dimanche soir à l'est et à l'ouest de l'enclave rebelle de Misrata (200 km à l'est de Tripoli), où neuf personnes ont été tuées et 51 blessées dimanche, selon la rébellion, qui a affirmé avoir repoussé plusieurs tentatives des loyalistes d'avancer vers la ville.
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Syrie: Assad promet des réformes, l'opposition veut sa chute
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Capture d'image de la télévision syrienne montrant le président Al-Assad lors d'un discours à la nation, le 20 juin 2011 à Damas (Photo /AFP)
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Le président Bachar al-Assad a promis lundi des réformes susceptibles de mettre fin à l'hégémonie de son parti en Syrie tout en se disant déterminé à faire cesser le "chaos", mais les opposants, loin d'être satisfaits, ont appelé à poursuivre la révolte jusqu'à la chute du régime.
Des manifestations hostiles au régime ont éclaté dans différentes régions de Syrie après le discours de M. Assad, selon des militants des droits de l'Homme.
Lundi 20 juin 2011, 16h38 Dans un discours à l'Université de Damas, sa troisième intervention publique depuis le début le 15 mars du mouvement de contestation, M. Assad, qui a aussi parlé de "complot" contre son pays, n'a pas annoncé de mesures concrètes immédiates.
Devant une salle comble qui l'a accueilli avec des applaudissements et des slogans à sa gloire, il a expliqué que les réformes envisagées ne pouvaient être décidées dans la précipitation, proposant d'attendre l'élection d'un nouveau Parlement prévu en août pour leur examen.
"Pas de réformes à travers le sabotage et le chaos", a-t-il lancé tout en appelant à un "dialogue national qui pourrait aboutir à des amendements à la Constitution ou à une nouvelle Constitution", et évoquant la possibilité "d'amender certaines de ses clauses, notamment la clause 8".
Cette clause fait du Baas le "parti dirigeant de l'Etat et de la société" en Syrie depuis 1963. Son annulation est l'une des revendications principales de l'opposition.
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Image tirée d'une vidéo postée sur internet d'une manifestation dans le centre de Hama, le 17 juin 2011 (Photo /Ugarit/AFP)
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"Il y a certainement un complot" contre la Syrie, a d'autre part affirmé le chef de l'Etat. "Les complots sont comme des microbes qu'on ne peut éliminer, mais nécessitent que l'on renforce notre immunité".
Les opposants, les militants pro-démocratie et les manifestants syriens réclament aujourd'hui la chute du régime et des élections libres, en plus de l'annulation de la clause 8.
"Nous jugeons inutile tout dialogue qui n'aboutirait pas à tourner la page du régime actuel", ont répété les Comités locaux de Coordination, une ONG syrienne qui chapeaute les militants organisant les manifestations, après le discours de M. Assad.
Ils ont appelé dans un communiqué à poursuivre "la révolution jusqu'à la réalisation de tous ses objectifs", estimant que le discours "consacre la crise".
L'avocat des droits de l'Homme Anouar Bounni, qui vient de purger une peine de cinq ans de prison, l'a jugé "décevant". "Une véritable solution politique est basée sur des conditions qui n'ont pas été évoquées comme le retrait de l'armée des villes et le respect du droit à manifester pacifiquement".
Le pouvoir a envoyé ces derniers mois des troupes et des chars dans de nombreuses villes pour réprimer les contestataires, arguant que leur intervention avait été dictée par la présence de "terroristes armés qui sèment le chaos", sans vouloir reconnaître explicitement l'ampleur de la contestation.
M. Assad a fait la distinction entre les manifestants qui, a-t-il admis, ont des revendications légitimes et les "saboteurs". "Nous distinguons entre ceux-là et les saboteurs qui représentent une petite partie qui a tenté d'exploiter la bonté du peuple syrien pour arriver à ses fins".
"Les responsables de l'effusion de sang rendront des comptes", a-t-il dit alors que la répression des manifestations a fait plus de 1.300 morts parmi les civils, selon des ONG syriennes.
"Il est du devoir de l'Etat de poursuivre les saboteurs, il n'y a pas de solution politique avec ceux qui ont porté les armes", a lancé le président, 45 ans, arrivé au pouvoir en juillet 2000, un mois après la mort de son père, l'ex-président Hafez al-Assad.
Il a parallèlement brandi le risque d'un "effondrement de l'économie syrienne", jugeant nécessaire de lui "redonner confiance".
Le régime de M. Assad, cible de sanctions des Etats-Unis et de l'Union européenne, est resté sourd aux appels à cesser la répression et à entreprendre des réformes immédiates, notamment de son allié turc.
Et même si l'allié russe a réaffirmé son refus de toute résolution à l'ONU sur la Syrie comme le souhaitent les Occidentaux, il a aussi admis que le régime était responsable du sang versé et que les promesses de réformes arrivaient sans doute trop tard.
Au Luxembourg, où l'UE étudie le renforcement des sanctions contre M. Assad, le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague a appelé le président syrien à engager des réformes ou à "se retirer" du pouvoir, un appel similaire à celui lancé par Washington.
Le 30 mars, dans sa première intervention publique, M. Assad avait dénoncé une "conspiration" contre son pays. Le 16 avril, il annonçait la prochaine abrogation de la loi d'urgence, en vigueur depuis 40 ans, avant de l'annuler une semaine plus tard.
Mais les opposants avaient jugé ces mesures insuffisantes, alors que la répression continuait.
Le discours de M. Assad a coïncidé avec la visite à Damas du président de la Croix-Rouge internationale, Jakob Kellenberger, venu réclamer l'accès aux personnes affectées par les violences.
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