Syrie: le conflit en passe de s'internationaliser
Le conflit en Syrie, qui entre vendredi dans sa troisième année, est en passe de s'internationaliser avec la volonté de Paris de lever l'embargo sur les livraisons d'armes aux rebelles "dans les prochaines semaines" et les menaces de Damas de frapper au Liban.
Alors que la révolte la plus longue et la plus sanglante du Printemps arabe a fait plus de 70.000 mortsselon l'ONU, les militants antirégime ont manifesté sous le slogan "deux ans de sacrifices vers la victoire" dans la guerre contre le clan Assad au pouvoir depuis plus de 40 ans.
Le Haut commissaire de l'ONU aux réfugiés Antonio Guterres a lancé à Beyrouth un cri d'alarme face aux risques d'embrasement de la région. "Si le conflit syrien se poursuit, il y a un réel risque d'explosion au Moyen-Orient et il sera impossible de répondre à ce défi tant sur les plans humanitaire, politique ou sécuritaire".
Face à l'insification des combats, le président français François Hollande a haussé le ton au sujet de l'embargo sur les armes. "Des armes sont livrées par des pays, dont la Russie, à Bachar al-Assad et son régime. Nous devons en tirer toutes les conclusions et l'Europe doit prendre sa décision dans les prochaines semaines", a-t-il dit à l'issue du sommet européen à Bruxelles.
L'Union européenne tentera de trouver la semaine prochaine une "position commune" sur cette question, a annoncé le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, expliquant que les ministres des Affaires étrangères doivent "examiner d'urgence la situation au cours de leur réunion informelle prévue la semaine prochaine à Dublin".
La tâche s'annonce délicate en raison de la réticence de nombreux autres pays européens.
Mais le forcing de Paris et Londres déplait au président du Parlement européen, Martin Schulz, qui a regretté que "des pays parlent individuellement avant les autres".
Le conflit risque de déborder après les menaces de Damas envers son voisin libanais. Alors que des militants libanais anti-Assad sont accusés de faciliter l'infiltration de rebelles via la frontière, le ministère syrien des Affaires étrangères a menacé jeudi de frapper en territoire libanais les "bandes armées" passant clandestinement en Syrie.
"Les forces syriennes font preuve de retenue en ne frappant pas ces bandes à l'intérieur du territoire libanais (...) mais cela ne durera pas indéfiniment", a-t-il averti dans une lettre adressée aux Affaires étrangères libanaises.
L'armée syrienne a tiré durant le conflit sur des zones frontalières libanaises, mais c'est la première fois que la Syrie menace officiellement et publiquement de frapper au Liban, qui est divisé entre partisans et adversaires du régime Assad.
Pour Nikolaos van Dam, spécialiste de la Syrie, "les menaces syriennes doivent être prises très au sérieux. Si le régime syrien pense que cela va servir ses intérêts, il ne va pas hésiter à attaquer les forces de l'opposition syrienne en territoire libanais".
Dans une rare démonstration d'unité, les 15 membres du Conseil de sécurité de l'ONU se sont dits "très inquiets" des "incidents frontaliers répétés" entre la Syrie et le Liban, en citant des tirs meurtriers "par-dessus la frontière, des incursions, des enlèvements et un trafic d'armes".
Damas a également accusé Amman de laisser entrer dans le sud du pays des jihadistes et des armes.
"Nous déplorons le changement d'attitude de la Jordanie qui laisse depuis une dizaine de jours passer par sa frontière des jihadistes et des armes croates achetées par l'Arabie saoudite", a affirmé vendredi à l'AFP une source de sécurité à Damas, jointe par téléphone à partir de Beyrouth.
L'opposition syrienne tentera de nouveau mardi et mercredi à Istanbul de désigner un chef degouvernement pour les zones rebelles, un choix cependant contrarié à plusieurs reprises par des "interventions extérieures", a affirmé vendredi à l'AFP un de ses membres.