Algérie: le gouvernement baisse les taxes pour bloquer prix et violences
Paradoxal profil des troubles à Constantine
Sereines le jour, les villes s’embrasent la nuit
Par A. Lemili
Curieux paradoxe d’une wilaya calme dans la journée et agitée dès la nuit tombée. Mais aussi un paradoxe qui vient superbement expliquer que tous les troubles qui rythment dans leur quasi-ensemble ses communes ne peuvent en aucun cas être argumentés rationnellement.Calme le jour, même si celui-ci est effectivement précaire, la situation peut vite balancer pour peu qu’une personne ou un groupe de jeunes s’avise, même par simulation, d’en être l’étincelle. Cette situation est telle que l’effet meute a de grandes chances de prévaloir en la circonstance et les conséquences d’être plus dramatiques dans la mesure où les débordements, jusque-là limités aux assauts contre les édifices publics, ont été étendus à la propriété privée, notamment dans les transports et les grandes et moyennes surfaces commerciales. Pis, contre les véhicules de particuliers.Parce qu’ils se déroulent la nuit, ces troubles renseignent, on ne peut mieux, sur les intentions, voire l’absence d’intention de leurs auteurs, ce qui est de nature à confirmer qu’il ne s’agit en réalité que d’actes de vandalisme à mettre sur le compte d’une oisiveté assassine, d’une absence quasi dramatique des parents, d’un mal de vivre général. Ensuite, ces troubles n’obéissent, depuis leur déclenchement, à aucune spontanéité et encore moins à un encadrement politique et/ou para-politique et n’ont finalement vu le jour que par phénomène d’onde de choc et en réaction de ce qui s’est passé d’abord au centre du pays et qui a gagné l’Ouest. Le même phénomène s’est reproduit d’ailleurs à l’échelle de la wilaya avec un départ de la contestation, si tant est qu’elle en soit une, à partir du chef-lieu de wilaya pour gagner subrepticement et partiellement des villes satellites sans pour autant que cette contagion touche l’ensemble des communes. L’exemple de la ville du Khroub est assez frappant en ce sens qu’il ne s’y est rien passé, exception faite d’une tentative de gamins à hauteur de la voie de circulation périphérique
rapidement avortée par les riverains mêmes. C’est dire que lorsque les citoyens veulent s’impliquer, il existe de très fortes chances pour que la raison prévale. Or, ce n’est malheureusement pas le cas dans le reste des villes où les troubles ont connu des pics, une majorité silencieuse ne cachant pas son vœu de voir l’instabilité continuer à régner au motif d’une logique qui voudrait que «parce que la vie est chère que le gouvernement ne fait rien pour se pencher sur les difficultés des Algériens à vivre ou même à survivre, il est normal que ces jeunes brûlent, cassent et tapent sur les policiers». Cette majorité silencieuse se dérobant quelque part à ses propres responsabilités qui consisteraient à revendiquer, se placer en première ligne pour recourir à des voies et procédures citoyennes. Les exemples ne cessent de nous venir des pays étrangers et le dernier en date est celui de Tunisie où la contestation a été phénoménale par son ampleur, mais tout également exemplaire par son déroulement pacifique. En France pendant plus de deux mois, 3 millions de manifestants occupaient les rues chaque semaine et cela ne s’est jamais soldé par des actes de déprédation, de violences physiques, etc.Il serait mal placé pour quiconque de tenir un réquisitoire et encore moins de faire l’amalgame entre la majorité des jeunes et leur aspiration à vivre mieux dignement en les confondant avec d’autres plus prédisposés à la violence, au vandalisme, comme il est clair de rappeler qu’ils appartiennent à l’un ou l’autre camp (regrettable lapsus du ministre de l’Intérieur au cours d’un entretien exclusif sur la Chaîne III hier). Cela n’absout en rien les pouvoirs publics de leur absence aux côtés de la plus importante population constituant le pays. Les personnes que nous rencontrons au cours de notre présence sur les lieux concernés sont unanimes à stigmatiser «l’amnésie» des uns et des autres entre peuple et représentants de l’Etat. «Ce qui se passe actuellement est grave et mériterait que le gouvernement n’en tire pas seulement des enseignements, mais se remette en cause. Dans des Etats démocratiques, et le nôtre en revendique le statut, bien des gouvernements auraient sauté pour moins que ça. Il est quand même des plus graves que des sujets de discorde, qui nous faisaient rigoler quand ils avaient lieu à côté de nous dans les pays voisins, braquent les projecteurs sur l’Algérie au motif que ses populations sortent dans la rue parce que les prix de l’huile et du sucre ont connu une augmentation», a considéré
un homme attablé à une terrasse de café.
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Algérie: le gouvernement baisse les taxes pour bloquer prix et violences
Le gouvernement algérien a annoncé samedi soir une série de mesures pour faire baisser les prix du sucre et de l'huile dont la flambée a provoqué des émeutes qui ont fait depuis le 5 janvier trois morts et quelque 400 blessés, dont 300 policiers, selon un bilan officiel.
A l'issue de plusieurs heures de réunion interministérielle autour du Premier ministre Ahmed Ouyahia, le gouvernement a annoncé l'exonération à titre temporaire de 41% des charges imposées aux importateurs, producteurs et distributeurs d'huile et de sucre.
Samedi 08 janvier 2011, 22h18
Dans son communiqué, le gouvernement précise qu'il "attend des producteurs et des distributeurs d'en répercuter en urgence les effets sur les prix de vente aux consommateurs" dans ce pays considéré comme un important acheteur de produits alimentaires.
Il a également annoncé la tenue d'une réunion urgente "dans les prochaines heures" entre le ministre du Commerce Mustapha Benbada et les opérateurs concernés.
Ces mesures, applicables rétroactivement depuis le 1er janvier jusqu'au 31 août 2011, sont destinées à "faire face à la hausse subite des prix de certains produits alimentaires de base" à l'origine d'émeutes qui se sont poursuivies samedi dans plusieurs régions.
"Je confirme le décès de trois jeunes à M'sila, Tipaza et Boumerdès", des villes respectivement à 300 km au sud-est, 70 km à l'ouest et 50 km à l'est d'Alger, a déclaré à la télévision le ministre de l'Intérieur Dahou Ould Kablia.
"Dans les deux premières wilayas (départements), les personnes décédées ont été retrouvées sans vie lors des émeutes, des enquêtes sont en cours pour en déterminer les causes", a-t-il indiqué.
La troisième personne, décédée à Tidjelabine (Boumerdès), a été retrouvée brûlée dans un hôtel incendié par les émeutiers, a-t-il ajouté.
M. Ould Kablia a souligné que la police avait reçu l'ordre de contenir les manifestations en évitant tout débordement, et que "plus de 300 agents entre police et gendarmerie, ont été blessés". "Dans l'autre camp, il y a moins d'une centaine de blessés", a indiqué le ministre.
A Annaba (600 km à l'est d'Alger), quatre policiers ont été blessés dans de nouveaux heurts entre jeunes manifestanst et forces de l'ordre, portant à un total de 21 le nombre de personnes blessés dans cette métropole industrielle, proche de la frontière tunisienne.
A Tizi Ouzou, principale ville de Kabylie, des émeutes ont eu lieu dans le centre-ville et dans des quartiers périphériques, notamment à Boukhalfa où des manifestants ont coupé vendredi la route menant vers la capitale avec des pneus en feu, selon des témoins.
Samedi, l'axe routier principal en direction d'Alger a été coupée à 75 km de là au niveau de Naciria, obligeant les automobilistes à rebrousser chemin.
A Alger, une vive tension persistait samedi notamment à Bab el Oued, quartier populaire densément peuplé et principal foyer de contestation. La nuit y a cependant été calme, selon ses résidents.
Les Algériens dont les moins de 30 ans représentent 75% de la population, avaient commencé à manifester le 5 janvier, malgré l'état d'urgence toujours en vigueur, contre l'augmentation jusqu'à 30% constatée depuis le 1er janvier des prix des produits de base.
Plusieurs partis politiques, dont le Mouvement de la Société pour la Paix (islamique modéré, membre de l'alliance présidentielle), et la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH, officielle) ont dénoncé des "actes de violence et de vandalisme", dont le coût n'a pas encore été évalué.