Algérie, Maroc, Tunisie...La démocratie est-elle possible au Maghreb?

Algérie, Maroc, Tunisie...La démocratie est-elle possible au Maghreb?

La révolution tunisienne n'a certainement pas encore trouvé son dénouement et bien malin celui qui pourra dire si la démocratie sortira de ce mouvement populaire qui a déjà renversé la dictature de Ben Ali.

Unknown La troisième démocratisation, pour reprendre un concept de Samuel Huntington, a concerné dans les années 1970, l'Europe méridionale, puis dans les années 1980, l'Amérique latine, et dans les années 1990, l'Europe centrale et orientale. Le monde arabe et notamment le Maghreb ont échappé à cette vague alors que comme ailleurs, la libéralisation économique aurait pu/dû porter la démocratisation. Au contraire, même, les régimes autoritaires se sont renforcés dans les années 1990 et 2000 au point de poser la question même de la possibilité d'une démocratisation du Maghreb. L'Indice de démocratie de The Economist ne laisse guère de doute sur l'enracinement de l'autoritarisme dans les trois États du Maghreb. http://fr.wikipedia.org/wiki/Indice_de_démocratie

Cette question renvoie toujours à deux idées largement reçues. D'une part que l'Islam n'est pas soluble dans la démocratie et d'autre part que les puissances occidentales ont favorisé les régimes autoritaires qui servaient leurs intérêts. 

L'argument religieux résiste mal à l'analyse. D'abord parce que ces trois régimes ne sont pas des républiques islamistes ou des théocraties. Ensuite et surtout parce que partout dans le monde, des musulmans sont de grands démocrates. Enfin, parce que dans le monde musulman, il y a des démocraties, certes imparfaites, mais tout de même des démocraties: Oman, Turquie, Indonésie, Malaisie, Mali...

L'autre argument a plus de force. On sait bien que les démocraties et notamment la France, ont fermé les yeux sur les exactions des régimes autoritaires du Maghreb (Hassan II et Ben Ali étaient "nos amis" Unknown-2 pour paraphraser les titres de deux livres fameux). Cela répondait à la fois à la volonté de garantir une stabilité dans une région potentiellement soumise à la montée du communisme dans les années de guerre froide, mais aussi de soutenir les intérêts économiques de la France (que ce soit dans la construction, dans la gestion des ports, de l'eau ou encore les infrastructures touristiques). Pour la France, il s'agissait aussi, surtout dans le cas algérien, d'éviter toute ingérence politique alors que les plaies de la colonisation étaient mal refermées au sud de la Méditerranée. 

Dans les années 1990, avec la chute du Mur, les grandes démocraties évoquent clairement la fin du soutien aux régimes autoritaires. François Mitterrand prononce un célèbre discours à la Baule. Oui mais voilà, cela ne concerne pas vraiment le Maghreb. Et surtout, alors que la menace islamiste se précise (en 1989, Ben Ali se présente comme un rempart, en 1992, le FIS est proche de remporter les élections générales avant que celles-ci ne soient annulées, en 2001, la synagogue de Djerba est prise pour cible et en 2003 les attentats de Casablanca ébranle la monarchie marocaine...), les "vieux" dirigeants apparaissent comme un rempart contre l'islamisation de trois Etats clefs aux portes de l'Europe. 

Il y a cependant également des facteurs propres aux Etats du Maghreb. Le niveau de développement, condition à la démocratisation (souvenons-nous du fiasco du suffrage universel dans le cadre de la IIème République en France...) peut être pris en compte. Mais il y a, selon moi, davantage. 

Le rejet de la démocratie s'ancre dans l'histoire de la colonisation. Dans les années 1950 et 1960, les nouveaux Etats se construisent autour du mythe de l'unité nationale et du rejet de l'occident et donc de la démocratie. Il faut dire que celle-ci a pris plusieurs fois dans l'histoire la forme d'un cheval de Troie.

Images De l'expédition d'Egypte de Bonaparte en 1798 à la guerre en Irak en 2003 en passant par la prise d'Alger en 1830 ou la prise de Bagdad en 1917, la justification démocratique a signifié pour les peuples colonisés la fin de la souveraineté, la dépossession. 

Le discours post-colonial s'est en partie construit autour du rejet de la démocratie en tant qu'outil de la mainmise colonial. Ce sentiment s'est renforcé lors de la poussé du salafisme au Maghreb dans les années 1970 et l'intégration de ses valeurs par les régimes, en témoigne l'arabisation des noms de villes et de villages. Dès lors, les démocrates sont systématiquement soupçonnés d'être des ennemis de la nation. 

On en arrive finalement à un paradoxe certain. Pendant plus de 50 ans, les régimes autoritaires ont rejeté la démocratisation, avatar d'un néocolonialisme tandis que les démocraties elles soutenaient les régimes autoritaires qui garantissaient leurs intérêts. Un joli numéro de duettiste qui a permis, bon an mal an, à la démocratie d'être éjectée du Maghreb. La révolution tunisienne et son écho international pourrait, enfin, changer la donne. 



28/01/2011
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