Autopsie d’une classe politique sclérosée


 

L’ALLIANCE S’ÉTIOLE, L’OPPOSITION À LA TRAÎNE ET LES ISLAMISTES S’EFFACENT
Autopsie d’une classe politique sclérosée
Karim AIMEUR
  - Lundi 29 Novembre 2010 - Page : 2

L´Expression
Les citoyens se mobilisent contre l’insécurité, bloquent les routes, ferment les APC et ont recours aux émeutes pour se faire entendre. La politique a fait son deuil.

Affirmer aujourd’hui que la classe politique algérienne ne se porte pas bien, c’est ressasser une évidence. C’est d’ailleurs, le constat que fait le commun des citoyens. Le contexte que vit le pays a fait que les activités des formations politiques, toutes tendances confondues, sont réduites à leur plus simple expression.
A l’exception des périodes préélectorales, c’est le calme plat qui caractérise la scène politique, les partis n’ont droit de cité que sporadiquement pour laisser apparaître les graves crises qui les déchirent.
Dans le contexte actuel et à quelques mois des échéances de 2012, la scène ne s’emballe toujours pas. Pourtant, ne sont pas les conditions qui manquent, notamment depuis l’adoption du plan quinquennal 2010-2014, le 24 mai 2010 en Conseil des ministres et le remaniement ministériel qui est intervenu quatre jours plus tard. L’adoption par le même Conseil des ministres du nouveau Code communal, le 28 septembre 2010, a été également un rendez-vous raté par les partis politiques qui n’ont eu des réactions plutôt timides que par voie de communiqués. Cette démission politique inquiète.
Le Front national algérien (FNA) a considéré quelques jours après, par la voix de son président, que ce nouveau code était une rumeur. La confusion de la situation a fait que ceux qui ont adopté le texte en Conseil des ministres, veulent, aujourd’hui apporter des changements avant son adoption par les deux chambres du Parlement.
Cet immobilisme est imputé par les formations politiques, notamment celles de l’opposition, à l’absence des espaces d’expression et au manque des capacités de mobilisation. Mais le grand ratage, c’est d’avoir laissé la société se débattre seule, face à de gros problèmes quotidiens.
Les citoyens, en perte de confiance, se mobilisent pour libérer une victime de kidnapping, bloquent les routes, ferment les APC et les institutions publiques, ont recours à des émeutes pour se faire entendre loin de tout brouhaha partisan. Les partis, comprenant peut-être l’équation, ne réagissent que rarement à ces situations. Le président du FNA, Moussa Touati, explique ces faits en mettant en avant la situation de crise que vivent les partis eux-mêmes. Endossant la faute au pouvoir et aux élus locaux qui sont, selon lui, plus proches de l’administration que des citoyens qui les ont élus, M.Touati considère que «les partis politiques ne peuvent réagir ou accompagner la société dans ses mouvements de protestation, car ils n’ont pas la solution aux problèmes posés par la société». «On réagit une fois et on a la solution», a-t-il regretté avant d’ajouter que «l’absence de la culture des partis influe sur l’état des choses».

Pourquoi une telle situation?
Certains observateurs politiques estiment que «le pays traverse une crise politique multiforme». Pour d’autres, «il s’agit d’une situation de blocage politique total. Ce qui est plus compliqué qu’une crise», car, nous explique le président d’un parti politique que nous avons rencontré récemment au siège de son parti à Alger:
«Dans le cas d’une crise, des solutions peuvent être trouvées et cette crise se dissipe lorsque la solution est trouvée, mais dans le cas Algérie, la situation est beaucoup plus complexe qu’on ne l’imagine.» «De ce fait, ajoute-t-il, en l’absence de perspectives réelles, tout le monde se retrouve en position d’attente.»

Le MAJD se prépare pour 2012

Les échéances électorales de 2012 constituent, d’ores et déjà, la priorité des partis politiques. Plusieurs formations ont déjà lancé les préparatifs en vue d’aborder dans de bonnes conditions les prochaines élections locales et législatives.
Le Mouvement algérien pour la justice et la démocratie (Majd) est l’une des formations qui s’investissent à présent pour ces joutes, après une longue absence sur le terrain. Dans un communiqué transmis, hier, à notre rédaction, le Majd souligne qu’il entamera dans les prochains jours des rencontres régionales en vue de relancer les activités du mouvement et expliquer son projet politique, économique et social. Des rencontres qui seront clôturées le 19 mars 2011 qui coïncide avec la Fête de la victoire pour, a-t-on souligné, marquer la «fidélité au martyr de la paix Kasdi Merbah qui a participé aux accords d’Evian en tant qu’expert militaire». Selon le communiqué, les rencontres commenceront par des assemblées générales et l’installation des bureaux de wilaya pour préparer les élections locales et législatives prochaines et présenter ainsi ses listes électorales. «Le Mouvement Majd qui s’est éclipsé durant des années, revient aujourd’hui pour apparaître de nouveau, portant un projet politique important qui croit en le principe de la participation aux élections», lit-on dans le communiqué. Dans celui-ci, le Majd a tenu à dénoncer l’agression marocaine contre le Sahara occidental.


«Il y a comme un nuage noir et immense qui bouche l’horizon. Personne ne sait ce qui se prépare et tout le monde attend que le ciel se dégage pour voir de plus près», estime-t-il. Le maintien de l’état d’urgence qui dure depuis plus de 18 ans, et le verrouillage des médias lourds y sont pour beaucoup dans ce brouillard.

Les partis de l’Alliance s’étiolent
Subissant de plein fouet cette situation, la majorité des formations politiques se découvrent à faire face à des crises internes. Plongé dans une crise profonde qui ressemble à celle de 2003, le FLN risque d’y laisser des plumes. Un mouvement de redressement, initié par des personnalités influentes au sein du vieux parti, est né juste après la tenue du 9e congrès du parti le mois de mars dernier. Pour les initiateurs de ce mouvement, il s’agit de remettre le parti sur les rails.
Le secrétaire général, Abdelaziz Belkhadem, qui fait mine d’ignorer royalement cette «dissidence interne», risque de faire les frais du mécontentement que couve son parti comme le cas de Ali Benflis en 2003.
M.Belkhadem s’est rendu jeudi dernier à Bouira, fief de la figure de proue du mouvement de redressement, Mohamed Seghir Kara, ancien ministre et actuellement sénateur, où il a animé un meeting et défié les contestataires. Mais ces nouveaux redresseurs ont-ils dit leur dernier mot? La encore c’est le flou total.
Riant sous cape, le RND suit en observateur intéressé «la symphonie» du FLN. Le parti de Ouyahia s’attelle à la préparation des prochaines échéances électorales en s’épargnant tout éclat. Est-il vrai que le parti ne couve pas de dissidence?
En tout cas, pour cette formation où règne une discipline de fer, tout se passe dans les coulisses. L’autre parti qui constitue l’Alliance présidentielle, le Mouvement de la société pour la paix (MSP) s’est curieusement effacé de la scène ces derniers temps.

L’opposition à la traîne
Cette entité n’est pas au top de sa forme, notamment depuis les sénatoriales de décembre 2009 où le RND s’est allié avec le Parti des travailleurs de Louisa Hanoune. Ce qui était énergiquement rejeté par le FLN. Depuis le sommet du mois de février 2010, l’Alliance présidentielle est au stade d’hibernation. On annonce un sommet pour ce 18 décembre mais...c’est encore flou. Cette alliance n’a développé, en outre, aucun projet politique qui puisse inscrire son action dans la durée. Ce qui crédite les prévisions de nombreux observateurs qui considèrent que les partis de l’Alliance n’ont plus d’avenir commun puisque, leur dernière mission étant accomplie, leurs visions divergent sur plusieurs points. Mais, sur le terrain, quoique beaucoup reste à dire, il faut souligner que les trois partis sont toujours solidaires, notamment à l’APN où les groupes parlementaires de ce conglomérat s’unissent pour faire passer les projets de loi.
Les partis de l’opposition dite démocratique, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) et le Front des forces socialistes (FFS), font les frais du verrouillage de la vie politique et médiatique. Aussi bien les responsables du RCD que ceux du FFS sont persona non grata à la Télévision nationale et ce, depuis plus de cinq ans. Un véritable embargo médiatique, une véritable stratégie d’étouffement qui, d’ailleurs, semble porter ses fruits: que reste-t-il aujourd’hui du FFS, ce parti symbole qui bravait le pouvoir? Où est passé le RCD et sa force de proposition du début des années 90 et qui défiait l’ex- FIS? Leurs activités se réduisent comme une peau de chagrin, pour n’en retenir que les rendez-vous organiques qui, eux, accusent parfois des retards dans le sens où ils ne respectent même pas les règles inscrites dans les règlements intérieur et les statuts de leur formations.
Sursaut d’une longue hibernation imposée, le RCD mobilise ses élus qui ont procédé jeudi dernier, à la fermeture de l’APC d’Azazga dans la wilaya de Tizi Ouzou pour contester les conditions dans lesquelles évolue la Kabylie. A cela il faut ajouter un léger frémissement au niveau de l’APN, lors de la présentation de la déclaration de politique générale du gouvernement par le Premier ministre Ouyahia.
En effet, l’envolée de charme et les critiques acerbes à l’égard de l’Exécutif des députés du RCD à l’APN, ont participé quelque peu à secouer le cocotier. Sinon, rien. Même la sortie du livre de son président, Saïd Sadi, sur le colonel Amirouche, n’a pas suscité un débat politique espéré sur ce sujet très sensible qu’est l’Histoire de la Révolution.
Pour le FFS, qui aspire à recouvrer sa verve d’antan, il est sur le point de préparer sa prochaine conférence nationale dont la date n’a pas encore été arrêtée.
Le premier secrétaire national du plus vieux parti de l’opposition, Karim Tabbou, s’est manifesté, ces dernières semaines, sur le terrain, par des conférences dans plusieurs wilayas du pays pour préparer justement ce rendez-vous et déterminer avec ses militants l’avenir de sa formation. Les partis de l’opposition modérée ou proche du pouvoir, comme le PT et le FNA, se contentent d’observer et de sortir la tête de l’eau de temps à autre.
Quant aux formations islamistes comme En Nahdha et El Islah, elles ont disparu de la scène en attendant les prochaines échéances électorales. Mais le cas du PT est différent à bien des égards.
Pas trop critique envers la direction politique du pays et éviter de décevoir les militants. Peut-être est-ce la bonne manière de faire de la politique en ces moments de doute, d’incertitude et de flou...

 (c) L'Expression



29/11/2010
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