“Constantine sera la capitale de l’Algérie culturelle”

Mme Nadia Labidi, ministre de la Culture, hier, au forum de “Liberté”

“Constantine sera la capitale de l’Algérie culturelle”
 
Mme Nadia Labidi, ministre de la Culture, hier, au Forum de “Liberté” ©Zehani/Liberté
 

Si l’on avait accepté le principe de l’alternance, il aurait fallu attendre… 22 ans, comme les 22 pays arabes pour recevoir de nouveau en Algérie cette manifestation. Enfin, “le fait du prince” en a décidé autrement.

En se proclamant “proche du milieu journalistique”, la ministre de la Culture a d’emblée souhaité que le Forum de Liberté constitue “une rencontre d’échanges” au lieu d’une simple séance de questions-réponses. À ce sujet, elle ne tarira pas d’éloges à l’endroit de la presse dont l’apport est, selon elle, “extraordinaire”. Elle avoue même y puiser : “Beaucoup d’idées”. “La presse nous aide à nous mettre en éveil et à attirer notre attention notamment sur la situation des artistes. Il s’agit d’un travail permanent. C’est pourquoi, nous envisageons en sa faveur de nouveaux dispositifs d’accès à l’information. De même que nous voulons asseoir cette collaboration avec le ministère de la Communication à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale de la liberté de presse.”
Attendue de pied ferme par les journalistes au sujet notamment de la manifestation “Constantine, capitale de la culture arabe” qui avant même sa tenue défraye déjà la chronique, la ministre saura, et de manière subtile, désamorcer la bombe. Elle y veillera notamment en anticipant quelques questions. Comme celle ayant trait “au combien ça coûte ?” “Se préoccuper du coût n’est pas un tabou. On doit pouvoir en discuter. C’est d’ailleurs une chose tout à fait naturelle, voire légitime. Aussi, nous veillerons, pour notre part, non seulement à ne pas dépasser le budget alloué, mais nous garderons aussi un œil vigilant quant à une utilisation rationnelle des deniers publics ainsi qu’un respect absolu des règles et des procédures en vigueur.” Elle prendra l’exemple de l’édition. “Pour le livre, nous nous sommes aperçus que le budget consacré avait été dépassé par la commission. Dès lors, il faut surseoir à éditer un certain nombre de titres. Et ce n’est pas par mesure d’austérité mais par rigueur budgétaire.”
La ministre de la Culture, une cinéaste de profession, ne répugne pas à l’orthodoxie financière. Et c’est tant mieux. “Nous avons besoin de transparence !”, n’hésite-t-elle pas à clamer. La ministre indique même que des mécanismes de contrôle ont été mis en place et s’appliqueront à “tous les événements” qu’organisera son ministère. Sur ce registre, Nadia Labidi entend impliquer les experts, les universitaires et les professionnels dans le processus décisionnel et dans la gestion des fonds. “Il faut rompre avec les commissions maison car c’est trop lourd et cela peut créer parfois des dysfonctionnements”, assène-t-elle. “S’agit-il donc d’une rupture ?”, lui demande alors sans détour une consœur plutôt avertie. Avec son ton mesuré et non moins diplomatique, la ministre rétorque que c’est au contraire dans la continuité du programme du gouvernement qui prône, rappelle-t-elle, “la démocratie participative” et “la bonne gouvernance” dans les affaires publiques. Sur ce registre, la ministre de la Culture veut donner un prolongement aux rencontres qu’elle a eues l’été dernier avec les acteurs du monde de la culture et des arts.
C’est pourquoi, elle entend organiser les assises ou les états généraux de la culture en Algérie, un événement au cours duquel “un document sera proposé au débat”. Si l’on s’en tient à ses déclarations, la politique culturelle, selon Nadia Labidi, doit être élaborée par le “dialogue” avec les artistes et la prise en compte de leurs propositions. Qui s’en plaindrait d’ailleurs ! Aussi, sans verser, à aucun moment, dans la langue de bois, Nadia Labidi tentera toutefois de resituer l’enjeu, du moins celui qui lui incombe. Pour elle, la véritable gageure est surtout d’instituer “le fait culturel” ou du moins “laisser quelque chose après la manifestation”. Le défi est d’impulser, selon elle, “une dynamique culturelle et une création artistique” qui puissent survivre après le baisser de rideau de l’événement.

Le Président a dit…
Faute d’existence en Algérie de véritables industries culturelles et d’un tissu économique adéquat, il est à parier que la ministre aura fort à faire pour exploiter de manière efficiente les nouvelles réalisations.
Pour cela, Mme Nadia Labidi s’engage résolument à réhabiliter et à renforcer les prérogatives des directeurs de wilaya qui, à leur tour, veilleront à rassembler non seulement les activités, mais également les artistes.
“Il s’agit de définir une carte artistique de la wilaya avec ses potentialités économiques et touristiques ainsi que ses associations.” Elle appelle de tous ses vœux à cette “synergie”. La ministre parle d’accompagner la société et de créer une culture de proximité. D’après elle, le ministère “gère seulement le secteur et non pas la culture. Et comme l’on ne va pas se substituer aux artistes et aux créateurs, on essaye donc de mettre en place les moyens et les infrastructures”.
Interrogée sur le boycott prêté à certains artistes amazighophones, à l’image des chanteurs Idir ou encore Allaoua, la ministre a vite minimisé cette prétendue abstention en tentant de rassembler les troupes. “Constantine, capitale de la culture arabe ne sera pas boycottée. Nous venons de rencontrer Takfarinas qui a confirmé sa participation. Enfin, je crois qu’il ne faut pas surréagir ni extrapoler à partir de certaines déclarations. Cette manifestation est ouverte à tous les Algériens. Constantine sera la capitale de l’Algérie culturelle. Il faut rester ensemble pour réussir cette manifestation !”, martèle-t-elle, optimiste en relevant une grande mobilisation des artistes. D’après elle, la spécificité berbère de l’Algérie va se refléter tout au long du programme culturel. “Il n’y a jamais eu de décision d’autorité d’exclure notre passé et présent amazighs. Il s’agit de notre ADN ! Le cachet algérien, c’est précisément le patrimoine amazigh qu’on va promouvoir à cette occasion.”
D’après elle, “Constantine, l’ancienne Cirta, capitale de Massinissa, est le cadre idoine à même de répondre de la double dimension amazighe et arabo-musulmane” de la ville des Ponts dont la topographie est unique au monde. Cela dit, l’appellation même de “Constantine, capitale de la culture arabe” semble poser un problème à un intervenant. L’opération ayant été inscrite à l’actif de l’Alesco, un organisme dépendant de la Ligue arabe, le sort était jeté. Il faut dire que cette question de privilégier une identité au détriment d’une autre n’a pas manqué d’être soulevée. L’hôte de Liberté tentera de lever le “malentendu” en remontant notamment à la genèse.
“Le concept, capitale de la culture arabe ou européenne ou autres est né à la suite d’une conférence de l’Unesco. Le 26 décembre 2012, le président de la République a décidé de doter Constantine d’infrastructures culturelles. Il a donné également instruction à mon prédécesseur de faire entériner par l’Alesco (Organisation arabe pour l’éducation, la culture et les sciences, ndlr) une proposition portant précisément sur cette manifestation, Constantine, capitale de la culture arabe”. Sur ce point précis, il y a lieu de rappeler que c’est la deuxième fois en moins de dix ans que l’Algérie accueille sur son sol cette manifestation et ce, après “Alger, capitale de la culture arabe” en 2007.
Or, si l’on avait accepté le principe de l’alternance, il aurait fallu attendre… 22 ans, comme les 22 pays arabes, pour recevoir de nouveau en Algérie ladite manifestation. Difficile donc pour la ministre qui, notons-le, s’en est acquittée, néanmoins avec brio, de justifier a posteriori une décision qui relève des pouvoirs régaliens du chef de l’État. Le “fait du prince” a décidé qu’il en soit ainsi. Il reste seulement à savoir si cet événement, qui intervient à l’heure même où certains pays arabes guerroient entre eux dans la Péninsule… arabique, a encore un sens.

M-.C. L.

http://www.liberte-algerie.com/actualite/constantine-sera-la-capitale-de-lalgerie-culturelle-222995



05/04/2015
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