Des dĂ©fenseurs de lâordre puritain ont attaquĂ© un bar-restaurant Ă El-Biar. On pourrait attribuer âlâincidentâ au zĂšle rĂ©dempteur et Ă la violence culturelle de quelques illuminĂ©s, comme le pays en forme tant depuis trois dĂ©cennies, si leurs agissements ne rejoignaient pas la mĂȘme ardeur que lâĂtat met Ă traquer les dĂ©bits de boissons. Son administration semble en avoir fait sa premiĂšre tĂąche dâordre public, Ă lâimage du wali prohibitionniste de BoumerdĂšs. Ce commis de lâĂtat a fait cette mĂ©morable dĂ©claration qui prouve que la mission rigoriste nâa pas besoin de se rĂ©fĂ©rer Ă la loi : âJe ne donnerai jamais de nouvelles autorisations pour la commercialisation dâalcool. Mieux, je ne raterai aucune occasion pour fermer des Ă©tablissements existants si lâoccasion se prĂ©sente.â De fait, Ă BoumerdĂšs comme ailleurs, ce qui semble ĂȘtre un mot dâordre national est appliquĂ© Ă tous les niveaux de lâadministration, avec un enthousiasme soutenu. En haut du boulevard Mohammed-V Ă Alger, un commerce de liqueurs et spiritueux. Ses clients, comme tous ceux des marchands dâalcool, se font nombreux en fin de journĂ©e et en dĂ©but de soirĂ©e. Souvent, quand on prend ce boulevard, on observe le mĂȘme manĂšge : des vĂ©hicules garĂ©s sur le cĂŽtĂ© de la boutique et, juste devant, un vĂ©hicule de police qui vient sâarrĂȘter pour leur âenlever les papiersâ. Au demeurant, lâexpression âenlever les papiersâ, aujourdâhui popularisĂ©e, et qui a remplacĂ© le terme âverbaliserâ, rĂ©sume dĂ©sormais aux yeux de lâusager de la route lâessentiel de ses rapports Ă lâagent de lâordre. Ă ce niveau du boulevard, la chaussĂ©e se rĂ©trĂ©cit quelque peu et le stationnement y engendre plus de risques. Mais, Ă premiĂšre vue, lâassiduitĂ© de lâintervention policiĂšre Ă cet endroit est remarquable et nâest observable nulle part ailleurs, si ce nâest devant certains bĂątiments officiels. On peut alors lĂ©gitimement penser que la nature du commerce est pour quelque chose dans la ferveur particuliĂšre Ă veiller Ă lâordre sur ce tronçon de rue. Plus gĂ©nĂ©ralement, et sâen prenant plus spĂ©cialement Ă la question de lâalcool, lâadministration semble avoir pris Ă son compte : une mise au pas bigote de la sociĂ©tĂ©. Il nâen fallait pas plus pour que des intĂ©gristes sâorganisent en milices de la vertu et lancent des expĂ©ditions punitives contre ces âlieux de dĂ©baucheâ, puisque lâĂtat les traite comme tels. Avant Alger, ce fut Annaba oĂč une cohorte de âjusticiersâ eut tout le loisir de dĂ©molir les accessoires dâun autre commerce proposant de lâalcool, de rouer de coups de barres de fer ses clients et de les dĂ©lester, trĂšs religieusement de⊠leurs tĂ©lĂ©phones et de leur monnaie. Quand lâĂtat et lâintĂ©grisme sâallient sur le terrain idĂ©ologique, il nâest pas Ă©tonnant quâils se retrouvent sur le terrain des âluttesâ. Et que des hordes rĂ©demptrices viennent porter main forte, câest le cas de le dire, Ă la surenchĂšre rigoriste du pouvoir. Bis repetita. Le ministre des Affaires religieuses ne se trompait pas quand, derniĂšrement, il exprimait, devant des religieux qui refusaient de se lever Ă lâhymne national, sa crainte de voir le pays âretourner Ă 1990â. Les salles Harcha et Atlas que les troupes de Ali Benhadj fermaient en 1990, nâouvrent plus tellement ; il ne reste que les dĂ©bits de boissons Ă offrir aux islamistes comme gage de ralliement.
M. H. musthammouche@yahoo.fr |