La récente session du baccalauréat a provoqué un débat sur la tricherie aux examens et sur la contribution de la téléphonie mobile à cette pratique.
La mĂ©diatisation dâun flĂ©au social ainsi isolĂ© de son contexte est en soi une mystification. Depuis quelques dĂ©cennies, dĂ©sormais, la rĂ©ussite nâest considĂ©rĂ©e que dans sa phase ultime, sociale et matĂ©rielle ; ce nâest plus un processus par lequel un individu, un groupe ou une famille Ă©volue. Il faut ârĂ©ussirâ donc ici et maintenant, quâimporte le moyen. Et la rĂ©ussite est faite dâattributs prĂ©cis : ce sont, selon les ambitions, des postes de responsabilitĂ© quâon peut presque lister, des avantages qui leur sont rattachĂ©s, des niveaux de fortune, mĂ©ritĂ©s ou pas, etc.
Si lâon interroge, aujourdâhui, un Ă©lĂšve qui triche, il y a beaucoup de chances quâil vous rĂ©plique, probablement sans le moindre embarras : âNormaaal, kho !â
Lâexemple vient de lĂ -haut : il y a toujours moyen dây arriver si on ne prĂȘte pas attention Ă la qualitĂ© de ces moyens.
Il y a un devoir de pĂ©dagogie de lâĂtat envers la sociĂ©tĂ©. Or, arriver Ă tout prix et par nâimporte quelle voie : telle est, en filigrane, la rĂšgle de vie que notre systĂšme nous a enseignĂ©e. Tant que la devise ne concernait quâune nomenklatura, le pays avait les ressources de financer et les ambitions et les trafics des castes. Mais aujourdâhui, remis en cause et politiquement menacĂ©, il est obligĂ© de âdĂ©mocratiserâ ses pratiques pour sâallier un maximum de soutiens. Ses âvaleursâ se sont socialisĂ©es et le pays, presque entier, valorise les seuls attributs de dĂ©brouille et de pouvoir. âNormalâ et âtag aala men tagâ.
Aujourdâhui, la rĂ©ussite mal acquise est frĂ©quentable ; on ne se cache plus dâavoir dĂ©tournĂ© ou dâavoir fraudĂ©. Et les proches ne sâoffusquent plus que les leurs falsifient, manigancent ou se laissent corrompre, en marchandant jusquâĂ leurs convictions.
MĂȘme la piĂ©tĂ© est souvent affichĂ©e Ă lâintention de pontife politique du coin : on ne peut pas dĂ©crĂ©ter que le mobile intĂ©griste constitue un cas dâimmunitĂ© judiciaire et demander au citoyen de craindre la loi avant le barbu ! On ne peut pas ajouter la mention âuniversitaireâ au CV dâun âĂ©luâ quâon veut promouvoir et sâĂ©tonner que le diplĂŽme devienne un simple accessoire quâon doit se âdĂ©brouillerâ comme on peut. On ne peut pas pourvoir des institutions par le truchement dâĂ©lections toujours truquĂ©es et attendre de ces institutions quâelles diffusent la culture de la probitĂ©. La consĂ©quence la plus grave en celle-ci : la rĂ©ponse Ă lâamoralitĂ© politique se traduit par lâamoralitĂ© ordinaire gĂ©nĂ©ralisĂ©e.
La crise politique, en voulant se rĂ©gler en tordant le cou au systĂšme de valeurs qui organisait le rĂ©sidu de citoyennetĂ©, a transformĂ© le pays en jungle oĂč la lĂ©galitĂ© nâest plus quâun voile de pudibonderie Ă©thique. Nos enfants ne pouvaient pas sortir indemnes de cette rĂ©gression morale programmĂ©e. Vos enfants ne le peuvent pas. La preuve, le nombre de cas de concupiscence oĂč les fils de âflen ou flenâ sont citĂ©s, mais si souvent ils sont mis hors de portĂ©e de la loi, de maniĂšre arbitraire et⊠irrĂ©guliĂšre.
Quand pareil spectacle de fraude sâoffre Ă nous, câest donc Ă nous de nous demander : quâavons-nous fait de nos enfants ?