Edition du Lundi 15 Juin 2009 Chronique La triche ? Normaaal, kho

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Edition du Lundi 15 Juin 2009

Chronique

La triche ? Normaaal, kho !

La récente session du baccalauréat a provoqué un débat sur la tricherie aux examens et sur la contribution de la téléphonie mobile à cette pratique.
La mĂ©diatisation d’un flĂ©au social ainsi isolĂ© de son contexte est en soi une mystification. Depuis quelques dĂ©cennies, dĂ©sormais, la rĂ©ussite n’est considĂ©rĂ©e que dans sa phase ultime, sociale et matĂ©rielle ; ce n’est plus un processus par lequel un individu, un groupe ou une famille Ă©volue. Il faut “rĂ©ussir” donc ici et maintenant, qu’importe le moyen. Et la rĂ©ussite est faite d’attributs prĂ©cis : ce sont, selon les ambitions, des postes de responsabilitĂ© qu’on peut presque lister, des avantages qui leur sont rattachĂ©s, des niveaux de fortune, mĂ©ritĂ©s ou pas, etc.
Si l’on interroge, aujourd’hui, un Ă©lĂšve qui triche, il y a beaucoup de chances qu’il vous rĂ©plique, probablement sans le moindre embarras : “Normaaal, kho !”
L’exemple vient de lĂ -haut : il y a toujours moyen d’y arriver si on ne prĂȘte pas attention Ă  la qualitĂ© de ces moyens.
Il y a un devoir de pĂ©dagogie de l’État envers la sociĂ©tĂ©. Or, arriver Ă  tout prix et par n’importe quelle voie : telle est, en filigrane, la rĂšgle de vie que notre systĂšme nous a enseignĂ©e. Tant que la devise ne concernait qu’une nomenklatura, le pays avait les ressources de financer et les ambitions et les trafics des castes. Mais aujourd’hui, remis en cause et politiquement menacĂ©, il est obligĂ© de “dĂ©mocratiser” ses pratiques pour s’allier un maximum de soutiens. Ses “valeurs” se sont socialisĂ©es et le pays, presque entier, valorise les seuls attributs de dĂ©brouille et de pouvoir. “Normal” et “tag aala men tag”. 
Aujourd’hui, la rĂ©ussite mal acquise est frĂ©quentable ; on ne se cache plus d’avoir dĂ©tournĂ© ou d’avoir fraudĂ©. Et les proches ne s’offusquent plus que les leurs falsifient, manigancent ou se laissent corrompre, en marchandant jusqu’à leurs convictions.
MĂȘme la piĂ©tĂ© est souvent affichĂ©e Ă  l’intention de pontife politique du coin : on ne peut pas dĂ©crĂ©ter que le mobile intĂ©griste constitue un cas d’immunitĂ© judiciaire et demander au citoyen de craindre la loi avant le barbu ! On ne peut pas ajouter la mention “universitaire” au CV d’un â€œĂ©lu” qu’on veut promouvoir et s’étonner que le diplĂŽme devienne un simple accessoire qu’on doit se “dĂ©brouiller” comme on peut. On ne peut pas pourvoir des institutions par le truchement d’élections toujours truquĂ©es et attendre de ces institutions qu’elles diffusent la culture de la probitĂ©. La consĂ©quence la plus grave en celle-ci : la rĂ©ponse Ă  l’amoralitĂ© politique se traduit par l’amoralitĂ© ordinaire gĂ©nĂ©ralisĂ©e.
La crise politique, en voulant se rĂ©gler en tordant le cou au systĂšme de valeurs qui organisait le rĂ©sidu de citoyennetĂ©, a transformĂ© le pays en jungle oĂč la lĂ©galitĂ© n’est plus qu’un voile de pudibonderie Ă©thique. Nos enfants ne pouvaient pas sortir indemnes de cette rĂ©gression morale programmĂ©e. Vos enfants ne le peuvent pas. La preuve, le nombre de cas de concupiscence oĂč les fils de “flen ou flen” sont citĂ©s, mais si souvent ils sont mis hors de portĂ©e de la loi, de maniĂšre arbitraire et
 irrĂ©guliĂšre.
Quand pareil spectacle de fraude s’offre à nous, c’est donc à nous de nous demander : qu’avons-nous fait de nos enfants ?


www.liberte-algerie.com

Dilem du Lundi 15 Juin 2009 | Vu 113 fois


15/06/2009
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