Home de Yann Arthus-Bertrand

http://www.dailymotion.com/relevance/search/home/video/x9ielv_home-de-yann-arthusbertrand-le-film_newsLe film est magnifique du point de vue graphique. Les Ă©missions “La Terre vue du Ciel” nous avaient dĂ©jĂ  habituĂ© au style et Ă  la patte de Yann Arthus Bertrand, mais dans ce film, l’artiste Ă©colo s’est surpassĂ©. Je ne vous en ferait pas ici une critique ou une description. Si vous l’avez ratĂ©, il est disponible sur YouTube gratuitement, et en HD. Si vous avez l’occasion de le voir dans un multiplex, apprĂȘtez vous Ă  en prendre plein les yeux, et plein la tĂȘte, car l’essentiel n’est pas dans les images, pourtant Ă©poustouflantes, mais dans le message qu’elles portent. L’urgence d’agir, le danger des tergiversations politiques, un un mot comme en cent : courrez le voir (ou cliquez ici).

Le copyright pour flouer les artistes

Lors de l’avant premiĂšre, le 3 juin dernier Ă  Paris, Yann Arthus Bertrand dĂ©clarait enthousiaste : “il n’y a pas de droits, n’y a pas de copyright, montrez-le au maximum de gens”. Un enthousiasme qui confine ici Ă  la naĂŻvetĂ©. Le film est bel et bien protĂ©gĂ© par un copyright, et la sociĂ©tĂ© de Luc Besson, EuropaCorp, a bel et bien l’intention d’en contrĂŽler l’usage, et de toute Ă©vidence, d’en tirer un profit, d’une façon ou d’une autre. Si l’intention de l’auteur Ă©tait de diffuser son message au plus grand nombre, c’est un semi-Ă©chec, en pactisant avec le Diable, le film de Yann Arthus Bertrand pourrait y perdre son Ăąme, et ce serait une catastrophe.

L’intention de Yann Arthus Bertrand ne fait aucun doute, et son oeuvre plaide en sa faveur, mais celle de Luc Besson, fervent partisant d’Hadopi et de Loppsi est bien moins claire. S’agit-il de rĂ©cupĂ©rer des profits au passage, ou est-ce simplement une tentative de Green Washing, trĂšs Ă  la mode en ce moment, doublĂ©e d’une contre attaque vis Ă  vis de l’internet qui l’a dĂ©ja sĂ©vĂšrement critiquĂ©, et Ă  qui il tente de faire passer des vessies pour des lanternes ? Luc Besson nous avait dĂ©ja habituĂ© Ă  une confusion mentale entre Libre et Gratuit, il s’est ici surpassĂ©.

La stratégie internet de Luc Besson : le minitel 2.0

Nous avons eu l’occasion de rencontrer l’une des plus proche collaboratrices de Yann Arthus Bertrand quelques jours avant la sortie de Home, et l’entretien (en cours de montage) a portĂ© essentiellement sur le message Ă©cologique portĂ© par le film (sa rĂ©action, ainsi que celle de YAB ne devraient pas tarder)

Je n’ai cependant pas manquĂ© de l’interroger sur le rĂ©gime de protection de l’oeuvre, sujet que Yann Arthus Bertrand et son Ă©quipe ont de toute Ă©vidence nĂ©gligĂ© (en mĂȘme temps, ce n’est pas leur mĂ©tier, et apparemment Luc Besson et Yann Arthus Bertrand ont des vues trĂšs diffĂ©rentes sur le sujet). Je l’ai Ă©galement interrogĂ©e et sur la possibilitĂ© d’en faire d’en faire des remix, ce Ă  quoi il m’a Ă©tĂ© objectĂ© le besoin de conserver l’intĂ©gritĂ© de l’oeuvre. Une rĂ©ponse qui n’avait, de toute Ă©vidence, pas fait l’objet de la moindre rĂ©flexion sur ce qu’est un remix et sur ce que le remix peut apporter en terme de diffusion d’un message politique. On n’a Ă  faire plus Ă  une ignorance de ce mouvement culturel, qui est la base du web social, qu’à une quelconque volontĂ© de contrĂŽle, en tout cas de la part de Yann Arthus Bertrand et de son Ă©quipe. Du cotĂ© de Besson, ce n’est, bien Ă©videmment, pas le cas.

Ni Yann Arthus Bertrand ni ses proches collaborateurs ne connaissaient l’existence des licences Creative Commons, et leur ignorance juridique Ă©tait telle qu’ils pensaient sincĂšrement que l’on pouvait produire une oeuvre sans le moindre rĂ©gime de protection (par dĂ©faut, et sans mention contraire, c’est le copyright qui s’applique, mĂȘme si cela n’est pas explicitement marquĂ© oĂč que ce soit).

En adoptant une licence Creative Commons (by-nc), Yann Arthus Bertrand aurait pu laisser un milliard d’internautes remixer son oeuvre, en faire des montages alternatifs, plus adaptĂ©s Ă  certaines cultures, Ă  certaines situations Ă©cologiques, Ă  certains endroits sur Terre, mais Ă©galement plus adaptĂ©es Ă  une diffusion virale du message, et toutes, bien Ă©videmment, pointant vers l’oeuvre originale, lui assurant de facto une diffusion encore plus grande.

Mais force est de constater que le rĂ©gime de copyright et l’apprĂ©hension qu’à Luc Besson de l’internet se limite Ă  y voir une tĂ©lĂ©vision gĂ©ante, un minitel 2.0.

And now what ?

Le respect du copyright, et plus encore de Luc Besson, n’est pas particuliĂšrement rĂ©pandu sur internet, et les semaines Ă  venir ont toutes les chances de voir apparaĂźtre, un peu partout sur le net, une multitude de remix de Home. Certains remix seront excellents, d’autres mĂ©diocres, c’est la loi du genre.

Face Ă  cela, Besson ne dispose que de trois approches :

Faire le mort, et laisser faire, accepter l’inĂ©vitable. C’est la moins pire des solutions, celle qui limitera les dĂ©gĂąts sur son image, celle de sa sociĂ©tĂ©, lui Ă©vitera peut ĂȘtre une multitude d’attaques venues de toutes parts, fort dangereuse pour une sociĂ©tĂ© cotĂ©e en bourse quand on sait Ă  quel point le marchĂ© est sensible aux rumeurs.

Passer Ă  l’attaque, contre l’internet tout entier. Mouvement qu’il a dĂ©ja quelque peu entammĂ©, et se retrouver non seulement la cible d’attaques pour le restant de sa vie, ĂȘtre Ă©galement responsable d’un semi Ă©chec vis Ă  vis de l’écologie, sa stratĂ©gie internet Ă©tant pour le moins lamentable, mais Ă©galement mettre en difficultĂ© le groupe PPR, qui a participĂ© au financement de ce film, et qui verrait ses marques faire l’objet de moqueries et de dĂ©nigrement par bon nombre d’internautes qui se dĂ©fouleraient en remix vengeurs : Gucci, Yves Saint Laurent, Puma, Conforama, Surcouf
 La liste est longue, et la FNAC, dĂ©ja complice de Hadopi et propriĂ©tĂ© de PPR, fait peser de lours soupsons sur les rĂ©elles intentions du Groupe.

Passer “Home” en licence Creative Commons, et permettre explicitement aux internautes de s’approprier son message, de l’adapter Ă  leurs besoins, et Dieu sait que mĂȘme si ce film peut viser Ă  l’universalisme, il n’en demeure pas moins facilement remixable pour l’adapter Ă  des cas particulier, pour ĂȘtre plus incisif sur des situations prĂ©cises et certaines populations, plus touchĂ©es par un problĂšme que par un autre. C’est de trĂšs loin la meilleure des solutions, mais cela suppose de reconnaĂźtre son erreur, pas Ă©vident vu la caractĂšre du bonhomme.

Ne jettons pas le bĂ©bĂ© avec l’eau du bain

Si la tentative de Green Bashing de Luc Besson a toutes les chances d’ĂȘtre un Ă©chec, il est impĂ©ratif que le message de Home ne soit pas mis de cotĂ©. Si Luc Besson, qui avait jusqu’ici au moins le mĂ©rite de financer des films intĂ©ressants avec l’argent issu de navets, a dĂ©sormais endossĂ© le costume du Diable aux yeux des internautes, et probablement sous peu des Ă©cologistes, ne laissons pas Yann Arthus Bertrand ĂȘtre sa premiĂšre victime.



19/06/2009
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