L'offensive du général Al Sissi

L’égypte s’enlise dans l’engrenage de la crise

L'offensive du général Al Sissi

le 19.08.13 | 10h00

 
 

Poigne de fer. L’armée égyptienne qui a renversé le président Mohamed Morsi, le 3 juillet dernier, refuse de faire machine arrière, alors que le pays s'enferre dans l'engrenage de la violence.

L'impasse politique est totale. Ferme et menaçant, le général Abdelfattah Al Sissi, le véritable homme fort du pays, a affirmé que l’Egypte «ne plierait pas devant la violence des islamistes». S’exprimant lors d’une réunion avec les principaux chefs militaires et de la police, hier au Caire, le ministre de la Défense égyptien a menacé de frapper encore plus fort : «Quiconque imagine que la violence fera plier l'Etat et les Egyptiens doit revoir sa position, nous ne resterons jamais silencieux face à la destruction du pays.» Cultivant l’image d’un chef militaire qui protège «son peuple contre le terrorisme», Al Sissi a assuré que l’armée ne cherchait pas le pouvoir. «Je dis à ceux qui disent que l’armée veut s’emparer du pouvoir que l’honneur de protéger la volonté populaire est plus cher que de gouverner l’Egypte.  Nous n’allons pas trahir», a-t-il déclaré.  Le chef militaire est revenu lors de son discours sur le refus des Frères musulmans de toutes les propositions de sortie de crise qui lui étaient soumises.

«Nous avons donné plusieurs chances aux partisans de l’ancien régime de travailler à une solution de la crise de manière pacifique et de reconstruire le processus démocratique et de s’engager sur la voie politique selon la feuille de route fixée par tous les acteurs politiques au lieu et place de la confrontation et de la destruction de l’Etat égyptien», s’est-il défendu. Mais la brutalité de l’armée dans la dispersion des sit-in des Frères musulmans de Rabaâ Al  Adawiya et Nahda qui a fait des centaines de morts, fait craindre le pire pour l’Egypte. L’aile dure au sein de l’armée l’a emporté dans le bras de fer qui a opposé les partisans du président déchu au pouvoir, alors que l’option d’une issue moins brutale défendue par le vice-président démissionnaire, Mohamed El Baradei, était sur le point d’être entérinée. Ainsi, le risque de basculement dans une violence généralisée a été précipité réduisant les chances d’une issue politique, tant les nouvelles autorités du Caire se disent en guerre contre «le terrorisme». Une situation qui permettrait aux nervis de l’ancien régime de Moubarak de réapparaître. Profitant du soutien d’une partie du peuple, l’appareil policier que Morsi n’a pas pu démanteler durant son règne écourté peut revenir à ses anciennes méthodes. L'état d'urgence et le couvre-feu décrétés donnent l'autorisation aux soldats et policiers d'ouvrir le feu sur les manifestants hostiles, qualifiés de «terroristes».

 

L’UE «réexaminera» ses relations avec le Caire      


Si l’armée est fortement soutenue par une bonne partie de l’opinion, elle fait face à des pressions diplomatiques accrues. «La violence et les tueries de ces derniers jours ne peuvent être ni justifiées ni tolérées», a souligné l’Union européenne dans un communiqué signé conjointement par Herman Van Rompuy et José Manuel Barroso. Ces derniers  ont menacé, hier, le gouvernement égyptien de «réexaminer» les relations de l’Union européenne avec l'Egypte s'il n'est pas mis fin aux violences. Le président de l'UE et celui de la Commission européenne ont prévenu  dans un long communiqué qu'une nouvelle escalade de la violence pourrait avoir «des conséquences imprévisibles» pour l'Egypte et la région, tenant  pour responsable l’armée et le gouvernement. «En coopération avec ses partenaires internationaux et régionaux, l'UE va   résolument poursuivre ses efforts pour promouvoir la fin de la violence, le rétablissement du dialogue politique et le retour au processus démocratique.  A cette fin, l'UE, avec ses Etats membres, va réexaminer urgemment dans les jours qui viennent ses relations avec l'Egypte, et prendre des mesures visant à atteindre ces buts (…)», soulignent Van Rompuy et Barroso. Les deux dirigeants de l'UE ont regretté le rejet des autorités égyptiennes concernant les efforts internationaux et les propositions destinés à relancer le dialogue. «Cette voie ne peut mener au succès. Il est crucial que la violence cesse immédiatement.

Les appels à la démocratie et aux libertés fondamentales venant de la population égyptienne ne peuvent  être ignorés, et encore moins être noyés dans le sang», arguent les deux responsables européens. Ces derniers ont  insisté sur la nécessité quant «respect et de protection des droits de l'homme et la libération des prisonniers politiques». Le texte de l’Union européenne est rendu public à la veille d'une rencontre diplomatique européenne de haut niveau sur le sujet, qui devrait décider d'une réunion des ministres des Affaires étrangères des 28 dans les jours qui viennent. Le chef de la diplomatie égyptienne, Nabil Fahmi, a vite réagi aux critiques et aux menaces de suspension des aides financières internationales. «Les menaces de suspendre les aides sont inacceptables», a-t-il asséné hier lors d’une conférence de presse au Caire, dénonçant «les ingérences dans les affaires internes au pays». Il a appelé tous les pays à «dénoncer les actes de violence» commis, selon lui, par les islamistes. Des experts s’interrogent sur la portée de ces pressions et leurs efficiences. «Les condamnations occidentales, à ce stade purement verbales, alimentent la propagande du régime Al Sissi : il peut se draper de la souveraineté nationale pour mieux 'résister' à des pressions inexistantes», analyse le politologue Jean-Pierre Filiu.             

Hacen Ouali


20/08/2013
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