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POINT NET

La rentrée par l'image

Les enfants vont finalement pouvoir faire leur rentrée scolaire dans une ambiance «normale».  Eloignées donc les promesses de débrayage que rien ne semblait pouvoir empêcher. Habitués de ces situations, les parents d'élèves ont fini par développer un optimisme de fatalité.

Alors, quand on évoque à leur intention le «risque» de vivre une rentrée chahutée ou une rentrée qui n'aura pas lieu, ils rétorquent systématiquement : «Non, ils ne vont pas faire ça !» On sait aussi que «faire ça» s'adresse aussi bien aux enseignants et autres personnels de l'éducation nationale et surtout au ministère. Pas difficile de les convaincre, les parents d'élèves : Boubekeur Benbouzid ne peut pas «se permettre une rentrée mouvementée».  C'est trop grave pour un secteur qui a passé une année chaotique de commencer une autre année par l'indice le plus sérieux du chaos. Et puis la rentrée scolaire, c'est la rentrée par excellence. 

On ne va quand même pas se compliquer l'existence. Ce n'est plus un jeu d'enfants d'«arranger les choses» pour les caméras de l'ENTV. ça devient de plus en plus compliqué de trouver le meilleur angle de prise de vue, l'école la moins touchée par la grève, les enseignants les plus disponibles à une envolée de langue de bois et des enfants qui ont appris la «leçon» une semaine durant, avant de venir la réciter «spontanément» à un micro qui traînait miraculeusement dans sa cour de récréation.

Il paraît qu'il devient même de plus en plus problématique de dénicher des preneurs d'images et de son assez compréhensif pour sauver les meubles d'une reprise où seule compte l'image, même déformée. Bien sûr, les chiffres feront l'essentiel, comme d'habitude. 

On a déjà annoncé la couleur avec 60 millions de manuels scolaires dont une partie a été «distribuée» à l'avance. L'école, c'est la vie, on nous l'a appris et à toutes fins utiles, on nous le rappellera à la rentrée des classes. 

Et dans la vie, il faut de l'émotion. On ira alors chercher quelque portrait d'institutrice qui fait ses premiers pas dans le métier ou des habitants d'un bout perdu du vaste pays versant une larme à l'inauguration de la première école du coin. A moins que ce ne soit un vieil enseignant qui vient de prendre sa retraite, assistant à la première rentrée sans lui depuis quarante ans.

L'école, c'est la vie et la vie continue. Elle continue avec des manuels bourrés de coquilles, des enseignants qui ont fait preuve de «responsabilité» en reportant leur débrayage, un ministère qui a «tout fait» pour que les choses se déroulent dans «les meilleures conditions»,

des enfants qui feront semblant d'être heureux et des parents qui savent que le bonheur n'est pas dans le pré, mais éviteront de troubler la «fête». Oui, l'école, c'est une fête, on nous l'a appris aussi. On aura donc une image de la fête. Le reste ne compte pas aujourd'hui. Et demain ?