Actualités : RÉCONCILIATION NATIONALE ET ATTENTATS TERRORISTES Le grand écart
Trois ans après l'entrée en vigueur de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, le discours politique reste totalement décalé de la réalité du terrain. Les dispositions de cette charte n'ont toujours pas mis un terme au terrorisme islamiste en Algérie. Les derniers attentats sont là pour l'attester. Tarek Hafid - Alger (Le Soir) -«Je suis déterminé d'abord, comme je m'y suis engagé, à poursuivre et à approfondir la démarche de réconciliation nationale », a insisté Abdelaziz Bouteflika en prononçant, le 20 avril dernier, son troisième discours d'investiture à la magistrature suprême. La poursuite de la politique de réconciliation envers les groupes terroristes armés figure donc parmi les priorités du troisième mandat de Bouteflika. Néanmoins, tout au long de la campagne électorale, l'homme n'a cessé de souffler le chaud et le froid : «Moi je dis à tout le monde que l'Algérie a certes un grand cœur et est toujours prête à accueillir les éventuels égarés. Mais que tout le monde sache que celui qui nous terrorise, nous allons le terroriser à notre tour (…) Je peux même affirmer que le laïc est plus musulman que l'islamiste car le laïc pratique moins ses devoirs religieux, comme la prière, le pèlerinage, etc. tandis que l'islamiste, lui, politise l'Islam. Eh bien, qu'il sache que nous ne permettrons plus jamais ça ! L'instrumentalisation de la religion, c'est fini (…) Ces gens-là (les islamistes, ndlr) s'imaginent qu'ils ont seulement endeuillé quelques citoyens. Non ! Ils ont été la cause de beaucoup de malheurs pour le pays. S'ils se sont égarés, ils sont tenus de le reconnaître publiquement devant le peuple algérien. Ils doivent reconnaître qu'ils ont porté atteinte à l'honneur du pays (…) Il n'y aura pas d'amnistie générale sans référendum, car c'est le peuple qui pardonne et nous ne ferons qu'appliquer, en toute souveraineté, sa décision.» En évoquant, même du bout des lèvres, l'éventualité d'un recours à une amnistie générale en faveur des terroristes, Bouteflika laisse entendre que cette mesure est la suite logique de sa volonté «à poursuivre et à approfondir la démarche de réconciliation nationale». Pourtant, la réalité du terrain devrait imposer une tout autre logique. Depuis 2006, année d'entrée en vigueur de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, la situation sécuritaire n'a cessé de se dégrader. 2007 et 2008 ont été des années sanglantes émaillées d'attentats kamikazes à la voiture piégée. Ces derniers mois, on assiste à une recrudescence des actes terroristes. Le 2 juin, 8 policiers et 2 enseignants chargés de superviser les épreuves du brevet d'enseignement moyen sont assassinés à Timezrit, dans la wilaya de Boumerdès. Le 17 juin, un convoi de la Gendarmerie nationale tombe dans une embuscade tendue par un groupe terroriste sur la RN 5, dans la wilaya de Bordj-Bou- Arréridj. Une vingtaine de gendarmes et des civils décèdent dans cette attaque qui s'est déroulée dans une zone censée être totalement sécurisée. Comme à son habitude, l'Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) revendique l'attentat sur le Net. Quelques semaines plus tard, les terroristes assassinent Rabah Boussenen, un des premiers Patriotes de la wilaya de Skikda. Personnage emblématique de la lutte contre le terrorisme dans la région depuis son engagement en 1993, Boussenen a été tué par un terroriste de 18 ans. Signe des temps, à Guelma, un autre Patriote est, quant à lui, condamné à la peine capitale par la justice. Mohamed Gharbi, officier de l'Armée de libération nationale, avait repris les armes pour combattre l'AIS et le GIA dans les maquis de Souk-Ahras. Menacé de mort par un «émir repenti», Mohamed Gharbi saisi l'ensemble des autorités de sa ville. Faute de réactions de ses interlocuteurs, il décide finalement de se faire justice. Présents en grand nombre le jour de son procès, des terroristes «repentis» célèbrent la sentence aux cris d'«Allah akbar». De son côté, le gouvernement se rappelle soudain le rôle joué par les Patriotes et les Groupes de légitime défense. Il décide de revoir à la hausse leurs indemnités dans le cadre de la loi de finances et du budget complémentaire de l'année 2009. Maigre reconnaissance dont bénéficient également les appelés et rappelés du contingent blessés dans le cadre de la lutte antiterroriste. Un droit longtemps revendiqué qui ne sera accordé qu'au terme d'humiliations et de vexations. L'embuscade perpétrée mercredi dernier à Damous, localité située à l'ouest de la wilaya de Tipasa, vient rappeler la menace qui pèse continuellement sur les hommes de l'ANP. Les 23 jeunes militaires assassinés en l'an III de la réconciliation. T. H.
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