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Une attaque meurtrière contre un convoi militaire en Algérie, à Boumerdès, qui fait huit morts et plusieurs blessés, l'assassinat revendiqué d'un citoyen britannique, Edwin Dyer, au nord du Mali, plus loin, sur les hauteurs de l'Afghanistan, l'appel sur les ondes d'Al Jazeera de Oussama Ben Laden et du numéro deux d'Al-Qaïda, Al-Zawahiri pour dénoncer la visite de Barack Obama dans la région du Moyen-Orient. Ce sont là trois événements, sans doute à première vue, isolés, mais dans le fond liés par un fil noir : le terrorisme ! On peut y ajouter ce procès en cours contre le réseau Abdelkader Belliraj qui nous rappelle que notre pays, pour autant, n'échappe pas au cycle infernal de la violence , car visé lui aussi.
Le terrorisme, on ne l'a que trop dit, constitue le récent avatar d'une guerre qui ne dit pas son nom, qui frappe indistinctement, sans faire de différence, les Etats, les infrastructures, les populations innocentes et les symboles. Depuis le 11 septembre 2001, date à laquelle les tours jumelles du Twin Center de New York ont été détruites, le monde ne cesse de s'interroger sur un phénomène qui se répand comme une traînée de poudre, se produit partout, ne s'en va que pour resurgir sous d'autres formes, en d'autres lieux, impliquant d'insoupçonnables réseaux, des hommes et des femmes que les gouvernements ont pris l'habitude de désigner au mieux comme des desperados, au pire comme des criminels.
L'organisation Al-Qaïda a fait florès, parce que des émules, se réclamant de plus en plus de l'idéologie islamiste radicale, ont trouvé leur terrain de prédilection en Afghanistan, au Pakistan, en Irak, en Jordanie même, au Maghreb ensuite, dans cette frange du territoire désertique, ce « no man's land » qui sépare le sud de l'Algérie, pas loin de la Mauritanie, du Mali et du Niger. C'est une zone que les géostratèges appellent pudiquement « zone grise », et que les gouvernements de la région et les services de renseignements occidentaux, américains notamment, considèrent comme un terreau où prospère le mouvement Al-Qaïda et qui, non content de frapper par deux fois en Mauritanie, est monté jusqu'au cœur d'Alger pour attaquer le bureau de l'ONU.
«Obama et son gouvernement ont jeté les semences de plus de haine et de volonté de revanche contre l'Amérique », a dit le chef d'Al-Qaïda. « Que le peuple américain se prépare à continuer à cueillir les fruits de ce qui a été semé par les dirigeants de la Maison-Blanche pendant les années et les décennies à venir ». L'allusion est à peine voilée sur l'offensive de l'armée pakistanaise contre les islamistes dans la vallée de Swat, mais la menace est précise. Le président américain qui prononcera son discours aujourd'hui à l'université du Caire sur la « réconciliation de l'Amérique avec le monde musulman » en prend, apparemment, note pour ne pas trop verser dans un optimisme béat et excessif. L'Amérique est confrontée de nouveau au phénomène du terrorisme. Qu'elle soit gérée par Georges Bush ou par Barack Obama, elle ne semble guère échapper au terrible dilemme : sévir ou composer, les deux options relevant en vérité d'un artifice politique mais l'exposant tout de même aux vociférations. La région du Maghreb, et les attentats contre un convoi militaire algérien le prouvent, n'est pas en reste.
Une frontière poreuse, fragilisée par une déshérence à nulle autre pareille, des mouvements de combattants islamistes en provenance d'Irak, d'Afghanistan, de Tchétchénie, de Bosnie même, rescapés de l'ancien FIS algérien, une indifférence inquiétante des gouvernements de la région, ce sont là les ingrédients aggravés d'une situation chaque jour plus explosive. Les Etats-Unis, du temps de Georges Bush, avaient déployé le fameux « Africom» dans le but de contribuer à la « stabilisation des Etats d'Afrique » avec, au niveau de l'Afrique du Nord, un programme spécifique de surveillance et de veille stratégique. Les gouvernements se sont peu ou prou prêtés à cette initiative, celui de l'Algérie la rejetant catégoriquement. Or, sans coordination et une volonté exprimée de coopérer des Etats, de tous les Etats de la région, la lutte contre le terrorisme restera vaine et inefficace. Les frontières dans la région qui borde le Mali, le Niger, le sud de la Mauritanie et de l'Algérie, sont réduites à leur plus simple expression, les membres d'Al-Qaïda Maghreb – ou autres – les franchissent allègrement, avec une facilité déconcertante.
Les attaques meurtrières menées en territoire de Mauritanie, en 2005 et en 2008, obéissent à une tactique que le terrain abandonné et le ramollissement des gouvernements de la région favorisent. Force nous est de tirer de nouveau la sonnette d'alarme sur une situation qui ne cesse de nous interpeller, tant il est vrai que les divergences régionales constituent la brèche dans laquelle, manifestement, se glisse le terrorisme aveugle, patent ou avéré, auquel sont confrontés les pays du Maghreb. Une veille collective ne suffit plus, les déclarations intempestives ou triomphales encore moins. Il est nécessaire de mettre en place une politique commune, une coordination impérative pour opposer un front commun. Car il y va de la stabilité et de la liberté des peuples. |
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Par LE MATIN | |