Le Pentagone veut débarquer au Sahel

 

DERNIÈRES RÉVÉLATIONS DU NEW YORK TIMES
Le Pentagone veut débarquer au Sahel
Ikram GHIOUA
  - Samedi 30 Octobre 2010 - Page : 3

Après l’Afghanistan et l’Irak, est-ce le tour du Sahel?
Le journal US vient de dévoiler aux yeux du monde l’esquisse de la stratégie mise au point par les Américains.

Lundi 18 octobre, le Président Bouteflika reçoit la ministre française de la Justice, Michèle Alliot-Marie, dans une audience qui a duré deux heures, selon des sources fiables. Le fait n’est pas habituel, protocolairement et conventionnellement. Il est plutôt dicté par des impératifs sécuritaires d’urgence dont l’examen peut passer outre ces considérations.
Ancienne ministre de la Défense, elle connaît le dossier. Et puis, entre elle et les Algériens, il n’y a aucun a priori, contrairement à l’actuel ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner. Selon nos sources, le sujet du Sahel a pris la part du lion dan cet entretien. Mais dans ce dossier épineux du Sahel, il n’y a pas que la France. La lutte contre le terrorisme dans cette région constitue un domaine où la coopération entre l’Algérie et les USA donne des signes de bonne santé.
Selon nos sources, la visite, il y a exactement un an, du sous-secrétaire d’Etat américain pour le Moyen-Orient, Jeffrey Feltman, a été révélatrice. Et les services de renseignement algériens ont fait une lecture approfondie du séjour de M.Fetman à Alger. En plus des audiences accordées à l’émissaire américain par de hauts responsables algériens dont le chef de l’Etat, Abdelaziz Bouteflika, ce séjour a coïncidé avec une intense activité politique, médiatique et sécuritaire au Maghreb, en France et en Amérique. Il a fallu attendre ces dernières semaines pour que tout ce puzzle éparpillé se mette en place. En effet, au début du mois en cours, le prestigieux journal américain le New York Times, a publié un dossier spécial intitulé «Le secret de l’offensive contre les terroristes sur les deux continents».
Quand c’est le New York Times qui le rapporte il faut y croire sachant que, il faut souligner, c’est un quotidien très proche des milieux opérationnels américains. Au même moment, la France multiplie les «tentatives» pour la libération des otages, cinq Français, un Togolais et un Malgache, enlevés le 17 septembre dernier sur le site de la mine d’uranium du groupe Areva situé à Arlit au nord du Niger.

Le plan du Pentagone
Au même moment, l’Algérie insiste également sur le fait que la gestion urgente imposée par le kidnapping de ressortissants étrangers au Sahel, les Occidentaux en particulier, doit demeurer entre les mains des Etats concernés. A propos justement de ce dernier point, le diplomate américain a déclaré: «Nous sommes inquiets de la question du terrorisme dans cette région. Nous croyons fermement qu’il est de l’intérêt de tout le monde de résoudre le problème de la sécurité au Sahel.»
Le même responsable a ajouté que les Etats-Unis respectent entièrement la souveraineté des pays du Sahel soulignant la «bonne coopération algéro-américaine contre le terrorisme». Cependant, plusieurs indices incitent à la réserve, à commencer par cette «folie délatrice» qui s’est emparée d’un journal dont la tuyauterie arrive jusqu’au bureau Ovale et à l’intérieur du Pentagone. C’est que le New York Times dévoile aux yeux du monde la stratégie mise au point par les Américains! Mais qui pourrait croire ça? En tout cas, il s’agit d’un effet d’annonce qui ne vaut que par son timing et non par son contenu, ont eu à observer nos sources.
Le message est destiné à préparer psychologiquement l’opinion publique américaine, échaudée par les meurtrières expéditions afghane et irakienne, et à prévenir les pays concernés. Seulement, à la Maison-Blanche, on semble conscient de la difficulté de convaincre les Américains de la nécessité d’une autre «aventure» armée en Afrique. Et c’est à peu près à travers ce lien offert par Al Qaîda que l’on essaie de tirer la France vers les sables mouvants du Sahel, une région que les Français connaissent parfaitement et qu’ils considèrent comme leur zone d’influence. Comme au Vietnam, toutes proportions gardées, les Américains auraient-ils l’intention de réactiver le rôle de sous-traitant joué par la France au Vietnam? se sont interrogées nos sources.
«Pour le moment, on n’en est pas encore à ce stade, mais les proportions prises ces dernières années par Al Qaîda au Maghreb islamique, offrent une grille de lecture qui n’écarte aucunement cette hypothèse. Il faut ajouter que pour des raisons historiques évidentes, les Français possèdent encore une longueur d’avance sur les Américains, cependant il n’est pas impossible que la situation aille dans le sens voulu par Washington. Les ingrédients sont à quelques détails près, les mêmes que ceux utilisés en Afghanistan ou en Irak: la guerre menée contre le terrorisme d’Al Qaîda, sauf que cette fois-ci, ce serait Par²is qui se charge des préliminaires», ont confié les mêmes sources.
Cela permettrait à l’Administration américaine de réunir toutes les conditions d’une présence militaire plus dense. Selon toujours le New York Times, l’Administration Obama mènerait actuellement une guerre secrète contre Al Qaîda et ses alliés. Une offensive qui concerne douze pays à travers le monde.

Ben Laden le catalyseur
Sans être explicitement cités, ces pays pourraient se situer dans le Sahara, à l’image de l’Algérie ou encore le Pakistan. Il y a, semble-t-il, également, des pays de l’ancien bloc soviétique minés actuellement par des guerres ethniques et religieuses. Pour mener ces opérations, l’armée américaine s’est dotée, d’après le New York Times, d’équipements technologiques ultrasophistiqués et d’équipes de commandos spécialisés. De même qu’elle a eu à recruter des compétences en matière d’espionnage et de collecte de l’information sur le terrorisme.
Même si elle reste dictée par des impératifs de haute importance stratégique pour les Américains, la lecture du quotidien new-yorkais demeure très instructive. La réapparition de Ben Laden à travers un message audio, transmis par le biais du canal «habituel» d’Al Jazeera en ce moment même, et que les Français déclarent avoir réussi à authentifier, n’est pas le fruit du hasard, mais celui d’un concours de circonstances élaboré sur une grande échelle.
«Dans ce message, un homme présenté comme Oussama Ben Laden déclare que l’enlèvement de cinq Français au Niger est la sanction du traitement injuste réservé aux musulmans en France», commente l’agence française de presse.
L’authenticité du message d’Oussama Ben Laden menaçant la France «peut être considérée comme acquise au vu des premières vérifications», a déclaré jeudi le ministère français des Affaires étrangères. «Ce message, dont l’authenticité peut être considérée comme acquise au vu des premières vérifications, ne fait que confirmer la réalité de la menace terroriste contre laquelle les autorités françaises ont pris et continuent de prendre les mesures appropriées pour assurer la sécurité du territoire et des ressortissants français», a dit le porte-parole du ministère, Bernard Valero.
«Ces déclarations de Ben Laden ne changent en rien notre appréciation de la situation de nos otages et n’entameront en rien nos efforts pour obtenir leur libération», a-t-il ajouté avant de conclure: «La France continuera à lutter contre le terrorisme aux côtés de ses partenaires.»
Interrogé sur une éventuelle intervention armée de la France, le président malien a précisé que «la France ne nous a rien demandé». «Pour le moment, nous n’avons pas de troupes françaises sur le sol malien. Si la demande est faite, nous apprécierons», a-t-il dit, ajoutant que «la réponse à la menace d’Al Qaîda était sahélo-saharienne».
«Nous ne sommes pas incapables de résoudre ces questions», a-t-il précisé, soulignant cependant que la France soutenait le Mali par l’échange de renseignements, d’équipement militaire et de formation des troupes.
Plus d’un mois après l’enlèvement des contractuels d’Areva, la situation reste encore floue, mais tout pourrait basculer d’un instant à l’autre, sacrifiant froidement les otages sur l’autel des intérêts stratégiques des Etats-Unis et de la France réunis.


 L'Expression



30/10/2010
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