Le succès commercial du halal
Aujourd'hui - 02 mars 2010
Le succès commercial du halal
Les produits halal font peut-être débat, mais ils rapporte Le business du halal : une nouvelle stratégie commerciale Certains politiques ont du mal à digérer le hamburger halal du Quick. Mais ils risquent bientôt d’avoir une indigestion beaucoup plus grave. « 30 % d’augmentation de notre chiffre d’affaires depuis le début du test », lance le responsable d’un des huit établissements de la chaîne de restauration rapide franco-belge, qui préfère rester anonyme, de peur de subir des représailles de la maison mère. C’est donc un succès. Une réussite qui ne surprend pas les habitants des villes concernées par le programme halal du Quick. « Les gens se rendaient habituellement dans les snacks musulmans. Le Quick, pour sa part, situé dans une zone commerciale, était malgré tout très peu fréquenté, jusqu’au jour où il est devenu entièrement halal », raconte Skander, résident à Garges-lès-Gonesse. Certains voient tout simplement dans cette affluence retrouvée la mise en place d’une stratégie commerciale en vogue : « Pour conquérir des parts de marché, les marques segmentent leurs prospects. Elles mettent sur le marché des produits à destination d’un groupe de personnes uniforme », analyse Fabrice Constantini, consultant commercial. « La Bred commercialise une carte de paiement à destination des femmes, BHV lance des campagnes commerciales à destination des homosexuelles, le magasin Franprix du XIe arrondissement propose des produits exclusivement casher… Les exemples sont nombreux », affirme-t-il. Et, tout naturellement, la communauté musulmane est elle aussi sollicitée : « Cette communauté a évolué. Aujourd’hui on parle davantage de la beurgeoisie, ces Français musulmans de parents maghrébins qui ont réussi professionnellement », explique Fabrice Constantini. Au même titre que les bobos, les « beurgeois » représentent un marché à conquérir. Même s’ils se démarquent de leurs ascendants, la plupart conservent certaines traditions et habitudes alimentaires : ramadan, fêtes religieuses et nourriture halal… Devant ce nouvel eldorado, les marques françaises se sont donc mises à la mode « charia » : Fleury Michon, Carrefour, Leclerc, Crédit agricole… Et pour cause : le marché progresse deux fois plus que celui du bio, avec une part de marché en augmentation de 10 % tous les ans, et on s’attend cette année à un chiffre d’affaires global de 5 milliards d’euros. Et, pour célébrer l’avènement de cette nouvelle opportunité commerciale, un salon du halal se réunit tous les ans à Paris. Un secteur qui n’attire d’ailleurs pas que les musulmans : « Mes produits halals ne sont pas achetés exclusivement par les personnes de confession musulmane ; beaucoup de mes clients qui recherchent des produits sains et bio achètent du halal », affirme Georges, manager au rayon charcuterie du Leclerc de Gonesse. Le halal, un produit bio en devenir ? Une annonce qui plaira sans doute à une autre communauté : les bobos.
Chaker Nouri
Le récent passage du restaurant Quick de Roubaix à la viande exclusivement halal et la polémique lancée par le maire (PS) de la ville, René Vandierendonck, sur la 'discrimination' dont se serait rendue coupable l'enseigne de restauration rapide, illustrent l'importance économique croissante de la communauté musulmane de France.
C'est dans l'alimentaire que la demande des musulmans de France devient de plus en plus manifeste. Selon la société Solis, spécialisée dans le marketing ethnique, le marché halal ('licite' au sens religieux du terme) explose au rythme de 15 % de croissance par an.
Son chiffre d'affaires devrait atteindre les 5,5 milliards d'euros en 2010 (4,5 milliards d'euros en 2009). Toujours selon Solis, 80 % de ces dépenses iront dans l'achat de produits alimentaires et le reste dans la restauration rapide (fast-food, kebab...).
Néanmoins, si l'on en croit des statistiques rendues publiques au World Halal Forum qui s'est tenu en Malaisie en 2009, le marché halal en France serait beaucoup plus vaste et représenterait 17 milliards de dollars (12,2 milliards d'euros). Pour l'Europe, le World Halal Forum estime le marché à 67 milliards de dollars.
Cette fourchette très large permet au moins de constater une chose : le halal dépasse aujourd'hui largement le bio (2,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires). Abbas Bendali, directeur de Solis, feint de s'étonner : 'Tout le monde ouvre de grands yeux, mais le halal a toujours existé. J'ai 49 ans, dans mon enfance déjà , les immigrés s'étaient organisés.' En réalité, la visibilité halal 'est apparue lors du ramadan 2009 avec pour la première fois des campagnes publicitaires télévisées', indique Cedomir Nestorovic, professeur à l'Essec, spécialiste du halal.
Mais cette visibilité est accrue, ajoute-t-il, par le fait que la consommation a quitté les produits typés ou exotiques (couscous, chorba, etc.) pour 'des produits élaborés'. Plats cuisinés, hachis parmentier et pizzas surgelées s'arrachent sur les rayons halal des supermarchés. 'Le marché s'est démultiplié en dix ans', reconnaît Serge Barraud, commercial de Corico, une des plus anciennes entreprises françaises à exploiter la dinde halal sous la marque Medina Halal. Celle-ci réalise le tiers du chiffre d'affaires global (45 millions d'euros) sur plus d'une trentaine de produits.