Aujourd’hui, les pouvoirs publics, les opérateurs, les citoyens et les observateurs reconnaissent, implicitement ou explicitement, que le marché est hors de contrôle.
La flambée des prix des produits de large consommation, en ce mois de Ramadhan, est toujours d’actualité. La récente sortie virulente du président de la République en direction du ministre du Commerce et les décisions énoncées ne semblent pas peser, du moins actuellement, sur la tendance anarchique du marché.
Le 26 août dernier, Abdelaziz Bouteflika a, pour rappel, vertement sermonné Hachemi Djaâboub qu’il recevait pour audition, lui déclarant sèchement : “Mais cessez donc de me raconter les mêmes histoires à chaque fois !” Le chef de l’État a alors indiqué au ministre MSP que “la politique des prix, c’est vous”, en exigeant de lui de faire travailler les contrôleurs.
Si le ministre du Commerce a une grande part de responsabilité, dans cette affaire, il n’en demeure pas moins que la responsabilité du gouvernement, voire sa politique qui est définie par le premier magistrat du pays, sont entièrement engagées. En déversant souvent sa colère et en imputant la faute aux ministres, le président Bouteflika ne chercherait-il pas à se mettre à l’abri des critiques ? Par ailleurs, n’y a-t-il pas contradiction dans la démarche du premier magistrat du pays, lorsqu’il déclare, lors de l’audition de Hachemi Djaâboub, que ce dernier est incapable d’organiser le marché durant le mois de carême ou quand il lui soumet pratiquement des observations similaires à celles de l’année passée, tout en le maintenant à son poste ?
L’augmentation excessive des prix n’est pas un phénomène nouveau en Algérie. Aujourd’hui, les pouvoirs publics, les opérateurs, les citoyens et les observateurs reconnaissent, implicitement ou explicitement, que le marché est hors de contrôle. Face à cette situation, les instances concernées se rejettent la responsabilité sur les origines du problème. Les ministres du Commerce et de l’Agriculture, censés réguler le marché et équilibrer l’offre et la demande, ne semblent pas s’en soucier. La preuve, les promesses faites par les deux départements sur la maîtrise des prix durant le mois de Ramadhan sont loin d’être respectées.
La question de fond est ailleurs. Certes, plusieurs facteurs sont derrière l’anarchie des prix, où le commerce parallèle occupe une bonne place, mais tous dépendent d’une même raison, à savoir le retrait de l’État de la sphère de production et de celle de la distribution. Dans ce cadre, que compte faire le gouvernement, notamment Hachemi Djaâboub et Rachid Benaïssa, pour dissuader les spéculateurs ?
À ce stade, il est utile de rappeler que la flambée des prix, contrairement aux années précédentes, intervient deux ans après la mise en place d’une série de mesures visant l’arrêt des pénuries et des circuits de la spéculation. Ce dispositif s’est vu ensuite renforcer par la loi 09-03, relative à la protection des consommateurs et à la lutte contre la fraude, qui a été adoptée seulement le 25 février 2009. Cette loi a la particularité d’offrir de larges prérogatives aux agents de contrôle, leur permettant d’intervenir en tout temps et en tout lieu.
Comme on le voit, les mécanismes de protection des consommateurs et de lutte contre la spéculation ne sont pas suffisamment huilés. En réalité, l’absence d’application des différentes lois a encouragé des commerçants et des réseaux informels à s’enrichir par la spéculation. À cela viennent s’ajouter les révélations du département de Djaâboub, qui ont constaté que le marché des fruits et légumes est dominé par le marché parallèle. Un marché dictant sa propre loi et où sont écoulés 60% des produits disponibles sur le marché national.
Pour combattre ces réseaux informels, les pouvoirs publics parlent d’un projet en cours de réalisation portant sur la création de 50 infrastructures commerciales, dont 4 marchés de gros à vocation nationale, une vingtaine de marchés de gros régionaux, en plus d’une trentaine d’espaces qui seront ouverts localement.
Apparemment, la lutte contre la spéculation est reportée pour l’après-Ramadhan.