Manifestations en Iran : le Mouvement vert est-il de retour ?

Manifestations en Iran : le Mouvement vert est-il de retour ?

 
Des milliers d'Iraniens sont descendus dans la rue, lundi, pour la premiĂšre fois depuis la mort de huit manifestants de l'opposition en dĂ©cembre 2009. Ce qui devait ĂȘtre un Ă©lan de solidaritĂ© avec les soulĂšvements populaires en Tunisie et en Égypte s'est rapidement transformĂ© en un rassemblement anti-gouvernemental avec des slogans comme : "Mort au dictateur " et " Non Ă  un rĂ©gime plus islamique". Est-ce le dĂ©but d'un nouveau soulĂšvement populaire dans le pays ? Selon nos Observateurs, le fossĂ© entre gouvernement et manifestants se creuse.
 
 
Lundi 14 fĂ©vrier, prĂšs de la place Enghelab, Ă  TĂ©hĂ©ran, les manifestants ont brĂ»lĂ© des poubelles en chantant "Nous ne voulons pas d'un rĂ©gime islamique !". Selon nos Observateurs, ces revendications visent le pouvoir religieux dans son ensemble et non plus uniquement Mahmoud Ahmadinejad, ce qui est un phĂ©nomĂšne nouveau.

"En cas de manifestations, il y aura de la violence. J’ai peur pour mon pays"

 
Ali X. est l’un de nos Observateurs Ă  TĂ©hĂ©ran. Il prĂ©fĂšre garder l’anonymat.
 
J'ai Ă©tĂ© trĂšs surpris par la foule qui est descendue dans la rue lundi en dĂ©pit de notre expĂ©rience traumatisante de rĂ©pression sanglante. Selon mes estimations, il y avait au moins 10 000 personnes. Je pense qu'aprĂšs une annĂ©e calme, les autoritĂ©s croyaient que plus personne n’oserait sortir dans la rue et ont Ă©tĂ© prises par surprise.
 
Dans un premier temps, les gens ont convergé silencieusement, en groupes dispersés, vers le centre-ville. Le but était d'éviter d'attirer trop l'attention, évidemment, mais aussi de créer une atmosphÚre pacifique. Les choses ont pourtant dégénéré vers la fin de l'aprÚs-midi : je crois que la police et les Bassidjis ont délibérément acculé les manifestants dans les petites rues entre les places Enghelab et Azadi pour déclencher la bagarre et leur infliger le plus de dégats possibles.
 
Certains manifestants ont également été trÚs violents : une vidéo montre un Bassidji capturé et lynché par la foule. Le peuple d'Iran a peur mais, désormais, sa colÚre est plus grande que sa peur. Ce qui s'est passé lundi est un signe que si la colÚre est libérée, tout va exploser.
 
S'il y a plus de manifestations, la violence va devenir inĂ©vitable - Ă  la fois du cĂŽtĂ© des autoritĂ©s et de l'opposition. Le fossĂ© entre les deux blocs se creuse : certains dĂ©putĂ©s du gouvernementdemandent l’exĂ©cution des leaders de l’opposition [Mir Hossein] Moussavi et [Mehdi] Karroubi et certains manifestants appellent maintenant ouvertement Ă  la fin du rĂ©gime des mollahs. J'ai trĂšs peur pour mon pays. Si un mouvement massif de protestation recommence, cette fois, cela pourrait tourner Ă  la guerre civile."
 
Des manifestants Ă  TĂ©hĂ©ran, lundi, lynchent un homme pour son appartenance supposĂ©e Ă  la milice islamique des Bassidjis. VidĂ©o postĂ©e sur YouTube par TEHRRAN.
 
Des dĂ©putĂ©s iraniens chantant “Moussavi et Karroubi devraient ĂȘtre pendus” pendant une sĂ©ance parlementaire, mardi 15 fevrier. VidĂ©o postĂ©e sur YouTube par Agaahi.

“Ces manifestants demandent la fin du regime islamiste, pas seulement des elections libres et transparentes.”

 
Omid Habibinia est un journaliste iranien et chercheur spécialisé dans les médias qui a activement suivi les soulÚvements en Iran et leur couverture sur les réseaux sociaux. Il vit actuellement en Suisse.
 
Tard dans la nuit de lundi, il y a eu un dĂ©bat houleux sur la page Facebook  'Bahman 25' ('14 fĂ©vrier', dans le calendrier persan) sur le fait d'appeller Ă  descendre dans la rue ou pas. Tout le monde sait que c'est dangereux - selon certains bilans, au moins 1 500 personnes ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©es lors des manifestations de lundi - mais en mĂȘme temps, le peuple iranien est profondĂ©ment malade et fatiguĂ© Ă  cause de ce gouvernement.
 
Les administrateurs de cette page Facebook eux-mĂȘmes - la plupart sont de jeunes Iraniens exilĂ©s - n'ont pas appelĂ© Ă  une nouvelle journĂ©e de protestations, mais de nombreux Ă©tudiants de TĂ©hĂ©ran ont organisĂ© un rassemblement le mercredi 15 en l'honneur de Sane Jaleh, un Ă©tudiant en art tuĂ© lundi par les GRI [Gardiens de la rĂ©volution islamique]. Il y aura donc peut-ĂȘtre plus de manifestations dans les prochains jours. [Mise Ă  jour aprĂšs l'entretien : les Ă©tudiants et les membres de la milice islamique des Bassidjis se sont affrontĂ©s Ă  l'universitĂ© d'art de TĂ©hĂ©ran, mercredi 16 fĂ©vrier, au cours des funĂ©railles de Sane Zhaleh. Plusieurs personnes auraient Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©es].
 
Beaucoup de gens ne veulent plus ĂȘtre Ă©tiquetĂ©s comme appartenant au Mouvement vert
 
Le problĂšme est que ces manifestations manquent de leadership. Karroubi et Moussavi sont devenus trop lents et prudents pour le mouvement populaire. Aujourd'hui, les Iraniens - en particulier les jeunes, la classe moyenne et les Iraniens urbains - n'en peuvent plus d'Ahmadinejad et de son rĂ©gime islamiste. Ils veulent s'en dĂ©barrasser complĂštement. Il y a une vidĂ©o des manifestations lundi montrant certaines personnes scandant : 'À bas le rĂ©gime islamiste'. Il s'agit d'un phĂ©nomĂšne nouveau. Jusqu'Ă  prĂ©sent, les dirigeants rĂ©formistes ont appelĂ© Ă  des Ă©lections libres et Ă©quitables, mais n'ont encore jamais remis en question le principe du rĂ©gime islamique. C'est peut-ĂȘtre l'une des raisons pour laquelle il y avait si peu de vert dans les manifestations, lundi, car la couleur est associĂ©e Ă  Moussavi et Ă  son parti. Aujourd'hui, ceux qui vont dans la rue ont un programme diffĂ©rent. Beaucoup de gens ne veulent plus ĂȘtre Ă©tiquetĂ©s comme appartenant au Mouvement vert."
 
Un seul ballon vert flottait au-dessus des manifestations, lundi, à Téhéran avant qu'elles ne tombent dans la violence. Selon notre Observateur, l'absence de drapeaux verts et de foulards - omniprésents dans les précédentes manifestations à Téhéran - s'explique par deux raisons : premiÚrement, les manifestants veulent passer inaperçu et, d'autre part, beaucoup de gens ne s'identifient plus avec le vert du parti de Moussavi.
Billet Ă©crit en collaboration avec Lorena Galliot, journaliste Ă  FRANC


16/02/2011
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