Marché du poisson à Beni Saf : La sardine «dynamitée»…
Marché du poisson à Beni Saf
La sardine «dynamitée»…
Ce n'est pas un poisson d'avril ! A Aïn-Témouchent, la sardine, un poisson très prisé par la classe moyenne, a complètement disparu, ne serait-ce que momentanément, des étals des poissonneries. Même les anchoyades ne font plus partie du décor culinaire témouchentois.
Connu surtout pas sa sapidité assez particulière, ce clupéiforme brille toutefois par son absence alors que sa rareté se fait de plus en plus ressentir, notamment dans les deux importants pôles d'exploitation au niveau de la wilaya, à savoir les ports de de Beni-Saf et Bouzedjar.
Cette pénurie remontait, selon certains revendeurs, au mois de mars et avait déjà commencé, disent-ils, à paralyser le marché local où mareyeurs et pêcheurs sardiniers ne cessent de se plaindre de cette crise. Les transporteurs, pour leur part, n'auraient pas manqué d'exprimer leur courroux à l'heure où cette rareté aurait continué de soulever un véritable tollé dans les milieux industriels, plus précisément chez les propriétaires de conserveries.
Les amateurs de poisson ne comprennent pas pourquoi à Aïn- Témouchent, la sardine est vendue au même prix qu'ailleurs, entre 200 DA et 300 DA, alors que la localité bénéficie d'une façade maritime de 80 km et deux ports de pêche dont l'un est considéré comme le plus important en termes de production de poissons bleu.
La question à cet égard paraît, on ne peut plus pertinente. Comme nul n'est prophète en son pays, nous allons tenter d'apporter des éléments de réponse face à ce paradoxe qui veut que la sardine se fait désirer dans son fief. Il faut rappeler que la wilaya d'Aïn- Témouchent produit en moyenne près de 20 000 tonnes de poissons chaque année.
Le poisson bleu, dont la sardine, représente environ 87% de cette quantité, le poisson blanc 11% et les crustacés seulement 2%. En réalité, la montée des prix enregistrée ces derniers mois touche tous les types de poisson mais la tendance cette fois-ci s’est creusée de manière spectaculaire pour la sardine que d'aucuns assimilent au «poisson des pauvres».
Les informations obtenues auprès des gens de la mer ainsi que celles fournies par les responsables du secteur de la pêche évoquent en premier lieu une faiblesse avérée de la production due, semble-t-il, au déplacement des bancs de sardines. Les spécialistes affirment en effet que ce poisson migrateur a fui le littoral pour des raisons biologiques jusqu'à la mi-juin correspondant au cycle de reproduction. Mais la thèse ne tiendra pas longtemps la route.
C'est pour lever une partie du voile que d'anciens marins pêcheurs finiront d'abord par mettre en cause les nouveaux arrivants qu'ils rendent responsables de la surexploitation des fonds. Une virée au port de Béni-Saf nous a permis également de constater de visu que le prix de ce poisson pélagique est soumis, lui aussi, à la loi de l'offre et de la demande.
En effet, ce sont ceux qui payent le mieux - les restaurants en particulier - qui arrivent à enlever les caisses de sardines disponibles au niveau du port. Les poissonniers de la localité, faute de moyens, se rebattent généralement sur la «bouga» (la bogue) ou la «latcha» (l'allache) plus appropriés pour la préparation des «dolma» (poisson farci). Un plat hautement prisé par les vieilles familles de la localité.
En fait, d'autres explications sont venues lever le voile sur cette pénurie de sardines. Certains n'hésiteront pas à parler de pratiques déloyales de la part de certains armateurs et patrons de pêche. Pour eux, la diminution de la ressource s'explique par le recours à la dynamite qui pousse le poisson vers le large à des profondeurs inaccessibles.
D'autres pêcheurs avertis évoquent l'utilisation de filets «diaboliques» qui font remonter même les oeufs en phase d'éclosion. Enfin, il y a ceux qui pointent du doigt les braconniers de la mer qui orientent clandestinement leurs produits de la pêche vers les usines d'anchois où la petite sardine est traitée au sel avant d'atterrir dans les plats des restaurants huppés de la côte espagnole.
De nombreux professionnels de la pêche que nous avons croisés au port de Béni- Saf s'accordent, eux aussi, à reconnaître que le risque de disparition des espèces comme celle du phoque moine, une espèce qui facilitera la capture de la sardine, provoquera sa rareté.
Une chose est certaine toutefois, depuis quelque temps, et sur tout le littoral témouchentois, les marins pêcheurs ne veulent plus s'aventurer dans la pêche de la sardine, de peur de revenir bredouilles. Pourtant, tous ces aléas n'excluent pas un retour à la normale, la sardine nous a, par le passé, habitués à ces surprenantes fluctuations de prix.
A certains moments n'est-elle pas redescendue à 50 DA le kg ? Aucune raison de désespérer parce que la sardine reviendra à coup sûr à de meilleurs sentiments. Elle se lassera vite des assiettes en porcelaine pour échouer dans les plats de ceux qui l'ont toujours aimée c'est-à dire les pauvres…
Mohamed Mouas
- Le bord de mer avec son double point de vue del'autre côté de la MEDITERRANEE