Actualités : MALGRà LE DISCOURS DE BEN ALI La Tunisie gronde toujours
Pas dâaccalmie en Tunisie aprĂšs le discours prononcĂ© lundi par Ben Ali. Des sources syndicalistes affirment que le centre-ouest de la Tunisie Ă©tait hier en proie Ă de violents affrontements. Le bilan â non officiel â sâĂ©tablirait Ă une cinquantaine de morts. Nawal ImĂšs- Alger (Le Soir) - Hier, au lendemain du discours prononcĂ© par le prĂ©sident tunisien, le calme nâĂ©tait pas encore revenu. Plusieurs tĂ©moignages faisaient Ă©tat dâune situation chaotique Ă Kasserine, chef-lieu du centre-ouest de la Tunisie. Le bilan des violences serait en hausse. La prĂ©sidente de la FĂ©dĂ©ration internationale des ligues de droits de l'homme (FIDH), Souhayr Belhassen indiquait quâau moins 35 personnes auraient trouvĂ© la mort au moment oĂč le gouvernement tunisien en dĂ©nombrait 14 et Amnesty International en comptait 23. La prĂ©sidente de la FIDH dit «s'appuyer sur une liste nominative» et prĂ©vient que le nombre total de tuĂ©s est encore plus important. «Ăa tourne autour de la cinquantaine», dit-elle. Les tĂ©moignages Ă©taient loin dâĂȘtre optimistes hier. «C'est le chaos Ă Kasserine aprĂšs une nuit de violences, de tirs de snipers, pillages et vols de commerces et de domiciles par des effectifs de police en civil qui se sont ensuite retirĂ©s», indiquait Sadok Mahmoudi, un autre reprĂ©sentant de lâUGTT. Un jeune s'est suicidĂ© par Ă©lectrocution dans un village de la rĂ©gion de Sidi-Bouzid, dans le centre- ouest tunisien. Allaa Hidouri, 23 ans, diplĂŽmĂ© de l'universitĂ© et sans emploi, a grimpĂ© sur un pylĂŽne Ă©lectrique pour se donner la mort en s'accrochant aux cĂąbles Ă haute tension. Originaire du village d'El-Omrane, il avait Ă©tĂ© blessĂ© par balle dans les sanglants affrontements du 24 dĂ©cembre Ă Menzel-Bouazaine. Quatre autres suicides se sont produits depuis, le dernier lundi soir dans la rĂ©gion de Sidi-Bouzid. Dâun autre cĂŽtĂ©, la police a dispersĂ© une manifestation dâartistes au niveau de la capitale. Signe de cette tension persistante, le gouvernement annonçait la fermeture des Ă©coles et des universitĂ©s jusquâĂ nouvel ordre. «A la suite des troubles survenus dans certains Ă©tablissements, il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© de suspendre les cours jusqu'Ă nouvel ordre Ă partir de mardi», annonçaient conjointement les ministĂšres de l'Education et de l'Enseignement supĂ©rieur. Ce dernier ajoutait quâ«en attendant l'aboutissement des enquĂȘtes ouvertes pour dĂ©terminer les responsabilitĂ©s des actes de vandalisme commis, les examens actuellement en cours dans les universitĂ©s seront suspendus et reportĂ©s Ă une date ultĂ©rieure ». Dans un discours tĂ©lĂ©visĂ©, le prĂ©sident tunisien dĂ©nonçait «des actes terroristes impardonnables perpĂ©trĂ©s par des voyous cagoulĂ©s», accusant des manipulateurs «n'hĂ©sitant pas impliquer nos enfants dans des actes de vandalisme et de destruction en diffusant des slogans et des informations mensongĂšres » et des «élĂ©ments hostiles Ă la solde de l'Ă©tranger». Un discours qui nâa pas eu pour effet dâapaiser la rue qui continuait hier Ă gronder. N. I.
ABID BRIKI, SECRĂTAIRE GĂNĂRAL ADJOINT Ă LâUGTT : «La situation est grave!»
Abid Briki, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral adjoint Ă lâUnion gĂ©nĂ©rale des travailleurs tunisiens (UGTT), qualifie la situation qui prĂ©vaut en Tunisie de «grave» et appelle Ă la constitution dâune commission dâenquĂȘte. LâUGTT est en Ă©tat dâalerte. Câest ce quâa affirmĂ© Abid Briki, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral adjoint de la Centrale syndicale. ContactĂ© hier par tĂ©lĂ©phone, il a estimĂ© que la situation qui continue de prĂ©valoir en Tunisie Ă©tait «grave» et «anormale». Le nombre de victimes par balle et la violence des affrontements ont poussĂ© lâUGTT Ă convoquer hier sa plus haute instance en session extraordinaire. A lâissue de cette rĂ©union tenue dans lâurgence, lâUGTT a, selon Abid Briki, dĂ©noncĂ© «lâusage des armes Ă feu contre les manifestants, ce qui est totalement contraire aux mĆurs tunisiennes». LâUGTT a appelĂ© Ă la crĂ©ation dâune commission qui aura pour rĂŽle dâenquĂȘter sur les Ă©vĂ©nements qui ont secouĂ© les diffĂ©rentes rĂ©gions et de dĂ©terminer les responsables. Lâinstance de lâUGTT a par ailleurs appelĂ© Ă lâouverture immĂ©diate dâun dialogue «loin de toute surenchĂšre » et a rappelĂ© son soutien aux manifestants. M. Briki a tenu Ă rappeler que lâUGTT avait dĂšs le dĂ©but des affrontements exprimĂ© sa «solidaritĂ© avec les populations de Sidi-Bouzid et avec lâensemble des rĂ©gions intĂ©rieures dans leur revendication lĂ©gitime dâun meilleur vĂ©cu et dâun modĂšle de dĂ©veloppement garantissant lâĂ©galitĂ© des chances, le droit Ă un travail dĂ©cent et dâopportunitĂ©s dâembauche qui leur procurent un revenu stable Ă mĂȘme de leur permettre de subvenir Ă leurs besoins. Ils appellent Ă©galement Ă une intervention urgente en vue de rĂ©parer les dĂ©gĂąts matĂ©riels occasionnĂ©s dans la rĂ©gion de Sidi-Bouzid». Les membres de lâUGTT avait «exprimĂ© leur mĂ©contentement face au blocus des locaux des unions rĂ©gionales et locales de lâUGTT et face aux affrontements violents dont les syndicalistes locaux et rĂ©gionaux ont Ă©tĂ© la cible suite Ă leur mouvement pacifique de soutien et leur solidaritĂ© avec les familles des victimes et demandent dâengager des poursuites Ă lâencontre de toute personne dont la culpabilitĂ© aura Ă©tĂ© Ă©tablie dans la mort des victimes innocentes. Ils avaient Ă©galement appelĂ© à «la libĂ©ration des personnes arrĂȘtĂ©es, Ă lâannulation des poursuites Ă leur encontre ainsi quâĂ la levĂ©e du blocus sĂ©curitaire Ă Sidi-Bouzid et dans les autres rĂ©gions et au recours au dialogue en tant que mĂ©canisme appropriĂ© dans le traitement de toutes formes de mouvement» et soutenu les avocats et lâensemble des composantes de la sociĂ©tĂ© civile qui ont Ă©tĂ© solidaires avec les habitants de Sidi-Bouzid dans leur mouvement. N. I.
Des journalistes observent un sit-in
La police a empĂȘchĂ© hier une manifestation de journalistes contre la rĂ©pression des troubles sociaux et les «entraves» Ă l'exercice de leur travail, a indiquĂ© l'un d'entre eux. «Nous sommes une centaine dans les locaux du Syndicat national des journalistes (SNJT) encerclĂ©s par la police, qui bloque les accĂšs», a dĂ©clarĂ© Neji Bghouri, ancien prĂ©sident de ce syndicat. «Nous voulions manifester pour dire cesser de tuer les gens, dĂ©noncer les obstacles faits au travail des journalistes empĂȘchĂ©s de rendre compte librement des troubles que connait le pays», a-t-il affirmĂ©. «Nous rĂ©clamons la libertĂ© de la presse, la libertĂ© de mouvement pour les journalistes», a-t-il ajoutĂ©. Selon lui, des reprĂ©sentants de divers mĂ©dias de la presse Ă©crite et audiovisuelle observaient encore dans l'aprĂšs-midi un sit-in dans les locaux du syndicat en prĂ©sence de son prĂ©sident, Jamel Karmaoui. Les membres de ce syndicat avaient envisagĂ© la veille «une grĂšve gĂ©nĂ©rale» dans le secteur, a poursuivi M. Bghouri. RĂ©cemment un groupe de six journalistes s'Ă©taient introduits au ministĂšre de l'IntĂ©rieur pour protester contre des «entraves au libre exercice» de leur mĂ©tier, une action dĂ©mentie par une source officielle. Des opposants et des artistes avaient Ă©galement Ă©tĂ© empĂȘchĂ©s de manifester hier Ă Tunis, au lendemain des Ă©meutes sanglantes dans le centre tunisien en proie Ă la violence depuis quatre semaines
Une manifestation d'artistes réprimée par la police à Tunis
La police a dispersĂ© hier un dĂ©but de manifestation «pacifique» dans le centre de Tunis oĂč un groupe d'artistes en colĂšre a tentĂ© de se rassembler devant le thĂ©Ăątre municipal, ont constatĂ© des journalistes de l'AFP. «Le rassemblement devait se tenir Ă midi pour dĂ©noncer la violence et l'usage excessif des armes dans le centre du pays», a indiquĂ© Fadhel Jaibi, homme de thĂ©Ăątre. «Nous voulions exprimer pacifiquement notre colĂšre et notre indignation», a-t-il dit, alors que la police le bousculait devant les passants sur l'avenue centrale Habib-Bourguiba. Parmi les protestataires, les comĂ©diennes Raja Amari et Sana Daoud ont Ă©tĂ© frappĂ©es par des policiers en uniforme et en civil, prĂ©sents en grand nombre. «Honte Ă vous !», a criĂ© Sana Daoud, en direction des policiers, alors que l'autre actrice Ă©tait jetĂ©e Ă terre. «Ils nous Ă©touffent, c'est notre droit de manifester », a lancĂ© en colĂšre Jalila Baccar, comĂ©dienne et rĂ©alisatrice. La tension Ă©tait perceptible dans Tunis alors que des appels Ă manifester massivement sont relayĂ©s sur le rĂ©seau social Facebook. Plusieurs images de violences et de morts dans l'hĂŽpital de Kasserine y ont Ă©tĂ© partagĂ©s par les jeunes Tunisiens.
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