Le 21 juin, jour du cinquantième anniversaire de la mort « officielle » de Maurice Audin, sera remis à la Bibliothèque nationale de France à Paris, à l’initiative de l’Association Maurice Audin, le Prix de mathématiques qui porte son nom. Le même jour, un colloque réunira également des historiens, avocats, journalistes et victimes de la torture.
MAURICE AUDIN
Il y a cinquante et un ans, Maurice Audin
L’hommage au mathématicienIl y a cinquante et un ans, Alger était sous l’autorité du général Jacques Massu, auquel le gouvernement français remit les pleins pouvoirs en janvier 1957 l C’était la Bataille d’Alger. Dans cette page d’histoire, le nom de Maurice Audin, jeune mathématicien d’Alger, figure parmi les milliers d’Algériens soumis à « la question » par l’armée coloniale française et portés « disparus » pour la plupart. Maurice Audin, assistant à la faculté des sciences d’Alger, est mort le 21 juin 1957, sous la torture, étranglé par le lieutenant de renseignements, André Charbonnier. Le colonel Roger Trinquier, instituteur dans les années 1940, avant de porter la tenue de tortionnaire, commandait le service « renseignements-action », dans l’appareil militaro-policier français en Algérie. Un immeuble en construction, boulevard Georges Clémenceau(*), à El Biar, abritait le centre de torture, Maurice Audin y fut conduit dans la nuit du 11 juin 1957 et soumis à d’atroces tortures durant dix jours. Les tortionnaires et auteurs de nombreux crimes ont pour nom : Devis, Roger Faulques, André Charbonnier, Philippe Erulin, Jacquet, Llorca. L’intelligence assassinée Né le 14 février 1932, à Béja, en Tunisie, Maurice Audin est venu à Alger en 1940. Après de brillantes études secondaires et supérieures, il est nommé assistant d’analyses supérieures à la faculté des sciences d’Alger (chaire de mathématiques du professeur Pomel), le 1er février 1953. Très doué, il préparait une thèse de doctorat d’Etat sur « L’équation linéaire dans un espace vectoriel et cycles limités dans les systèmes différentiels ». Son directeur de thèse était René de Possel, professeur à la Sorbonne (Paris). Epris de justice sociale, Maurice Audin se lança dès l’âge de 19 ans dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, dans les rangs du PCA, aux côtés de son épouse Josette, professeur de mathématiques comme lui. Maurice Audin avait trois enfants, sa fille aînée est agrégée de mathématiques. Afin de perpétuer le souvenir du savant, la République algérienne a donné le nom de Maurice Audin à la place centrale d’Alger au carrefour du tunnel des facultés, du boulevard Mohamed V et de la rue Didouche Mourad. La place fut inaugurée le 5 juillet 1963, an I de l’indépendance. Par ailleurs, l’Ecole nationale d’administration (ENA) donna à sa promotion 2006 le nom du chahid. L’homme sans sépulture Où se trouve le corps du supplicié ? Le général Jacques Massu a refusé de dévoiler le secret. Quelques mois avant la mort du général en 2002, le commandant Paul-Louis Aussaresses, qui servit sous ses ordres en 1957, lui avait demandé : « Vous ne pensez pas, général, qu’après plus de cinquante ans, il faudrait parler pour Mme Audin ». L’ancien « patron » des milliers de parachutistes basés à Alger le rabroua : « Je ne veux plus rien entendre ; compris, Aussaresses ? », lança-t-il au téléphone à l’assassin de Larbi Ben M’hidi. L’histoire de la fin du mathématicien algérien sera-t-elle connue un jour ? *Aujourd’hui, avenue Ali Khodja, héros de la guerre d’indépendance, mort le 16 octobre 1956, les armes à la main dans un refuge à Fort-de-l’eau (Bordj El Kiffan). Par |
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Maurice Audin (1932-1957) est un assistant de mathématiques français à l’université d’Alger, membre du Parti communiste algérien et militant de la cause anticolonialiste, disparu pendant la bataille d'Alger.
L'affaire Audin |
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Lors de la bataille d'Alger, Maurice Audin est arrêté à son domicile, le 11 juin 1957, par le capitaine Devis, le lieutenant Philippe Erulin et plusieurs militaires du 1er régiment de chasseurs parachutistes, pour être transféré vers une destination où il est assigné à résidence. Une souricière étant installée dans l'appartement de la famille Audin, Henri Alleg, ancien directeur du journal « Alger Républicain », auteur de La Question, y est arrêté le lendemain. À l'exception des militaires, il est le dernier à l'avoir vu vivant. La trace de Maurice Audin est dès lors perdue pour son épouse et leurs trois enfants. Selon les membres de sa famille politique et une enquête de Pierre Vidal-Naquet qui écrit, en mai 1958, dans la première édition de « L'affaire Audin », que l'évasion était impossible, Maurice Audin est mort au cours d'une séance de torture, assassiné le 21 juin 1957 par le lieutenant Charbonnier, officier de renseignement servant sous les ordres du Général Massu. Selon l'armée française, Maurice Audin se serait "évadé" en sautant de la jeep qui le transférait de son lieu de détention. Dès juillet 1957, certains journaux commencent à évoquer « l'affaire Audin » et, le 2 décembre 1957, la soutenance in absentia de la thèse de doctorat d'État de mathématiques de Maurice Audin, « sur les équations linéaires dans un espace vectoriel », sous la présidence de Laurent Schwartz, provoque l'indignation de certains universitaires contre la situation en Algérie. Des « comités Audin » sont créés pour faire la lumière sur l'affaire et sensibiliser l'opinion sur la pratique de la torture en Algérie. Une enquête judiciaire est menée suite à la plainte de sa femme. À la demande des avocats de madame Audin, l'instruction est transférée à Rennes en avril 1959 et se prolonge jusqu'en 1962. Un non-lieu est prononcé, en avril de la même année, pour insuffisance de charges. De plus, le décret du 22 mars 1959 amnistie « les faits commis dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre dirigées contre l'insurrection algérienne. » Les avocats font appel puis saisissent la cour de cassation. Leur pourvoi est rejeté en 1966. Le corps de Maurice Audin n'ayant pas été retrouvé, un acte de décès est établi par le tribunal d’Alger, le 1er juin 1963, le jugement devenant exécutoire en France le 27 mai 1966. Un nouveau non-lieu sera prononcé en 2001 suite à une nouvelle plainte de son épouse pour séquestration et crime contre l'humanité. En juin 2007, sa veuve, Josette Audin, écrit au Président de la République récemment élu pour lui demander que soit éclairci le mystère de la disparition de son mari et que la France assume sa responsabilité dans cette affaire. Divers http://www.ann.jussieu.fr/AUDIN/web/affa.htm
Liens externes
Références [modifier]
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Un mathématicien aux prises avec le siècleUn article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.Un mathématicien aux prises avec le siècle est l'autobiographie du mathématicien français Laurent Schwartz parue aux éditions Odile Jacob en Février 1997. Elle retrace les découvertes mathématiques, mais aussi l'engagement politique de son auteur. La valise diplomatiquemercredi 20 juin 2007Maurice Audin, cinquante ans de silence |