Contribution : 3 et 5 juillet : la manipulation fatale Par Nordine AĂŻt-Hamouda
Le 3 juillet, jour effectif de notre indĂ©pendance, le colonel Mohand ou Lhadj plantait le drapeau algĂ©rien Ă Sidi-Ferruch, sur les lieux mĂȘmes oĂč dĂ©barqua lâarmĂ©e coloniale qui allait mettre entre parenthĂšses le destin algĂ©rien pendant 132 ans. Par la suite, Ben Bella dĂ©cida que la date officielle de notre libĂ©ration devait ĂȘtre dĂ©calĂ©e au 5 juillet, reportant du mĂȘme coup lâaccomplissement de la souverainetĂ© algĂ©rienne. Depuis, le pays survit entre les coups dâEtat, les scandales financiers, les rĂ©voltes avortĂ©es et le dĂ©sespoir de la jeunesse. 48 ans aprĂšs, presque jour pour jour, jâaperçus en face de lâAssemblĂ©e nationale un pĂšre qui menaçait de se jeter dans le vide quarante mĂštres plus bas avec ses trois enfants. Ancien policier, il Ă©tait sans emploi ni logement. Jâai dĂ» ruser pour pouvoir lâapprocher, le ramener Ă la raison avant de lâaccompagner dans des dĂ©marches qui lui permettraient de retrouver un semblant de dignitĂ©. Maintenant que les dĂ©sillusions footballistiques nous ramĂšnent Ă la rĂ©alitĂ©, nous pouvons retrouver notre quotidien avec ses amertumes, ses Ă©garements et ses lĂąchetĂ©s. Il ne se passe pas une semaine sans quâun Ă©vĂšnement vienne nous rappeler notre malĂ©diction. En quelques jours, jâai pu lire le courrier dâun citoyen anonyme dans El Watan, un communiquĂ© du prĂ©sident de lâAssociation des anciens condamnĂ©s Ă mort, lâinterview de monsieur Mahsas dans Echchourouk, une contribution dâun ancien trotskyste dans le Quotidien dâOran et, pour boucler la boucle, deux interventions de M. Addi Lahouari, lâune publiĂ©e par le Soir dâAlgĂ©rie et lâautre par un quotidien Ă©lectronique ( le Quotidien dâAlgĂ©rie). Ces positions illustrent, chacune Ă sa maniĂšre, la crise qui nous paralyse depuis un demi-siĂšcle. Injurieuses pour certaines, rĂ©visionnistes pour dâautres, malsaines pour toutes, ces sorties nâont ni Ă©mu, ni inquiĂ©tĂ© les gardiens du temple qui ont trouvĂ© Ă©nergie, solidaritĂ© et colĂšre pour appeler au lynchage de SaĂŻd Sadi aprĂšs la sortie de son livre sur Amirouche. La diabolisation et la rente Le citoyen anonyme reprend le slogan du MALG : tout AlgĂ©rien issu de la Kabylie ne peut ĂȘtre quâun dangereux rĂ©gionaliste sâil ne maquille pas son origine. Le prĂ©sident de lâAssociation des condamnĂ©s Ă mort, M. Mostefa Boudina, monte au crĂ©neau pour nous apprendre que le pays est toujours sous la menace des ennemis du peuple, que lâHistoire a ses propriĂ©taires et quâil faut faire front contre les pĂ©rils qui pĂšsent sur lâAlgĂ©rie maintenant que «la nation a atteint sa vitesse de croisiĂšre» en matiĂšre de dĂ©veloppement. Je connais bien M. Boudina. Ne voulant pas tomber dans le piĂšge de la polĂ©mique primaire dans laquelle il veut nous entraĂźner, je lui Ă©pargnerai certains dĂ©tails de son parcours qui lui ont permis de traverser toutes les turbulences de la politique algĂ©rienne depuis 1962. Je lui rappellerai seulement que dans les annĂ©es 1980, mouhafedh, il pourfendait en Kabylie les opposants «alliĂ©s de lâimpĂ©rialisme» qui attaquaient un Etat fragilisĂ©. Il hurlait avec les maĂźtres dâalors pour exiger le silence de tous. Maintenant que le pays est, selon lui, en pleine croissance, il faut aussi se taire pour jouir de la prospĂ©ritĂ© ramenĂ©e par celui qui a fait de lui un membre du Conseil de la nation. En fait, la croissance concerne les comptes en banque de monsieur Boudina et de ses amis. Car ni les anciens condamnĂ©s Ă mort ni leurs enfants nâont trouvĂ© son Ă©coute ou son soutien. Je lâinforme que le fils de SaĂŻd Babouche, le deuxiĂšme militant exĂ©cutĂ© par la France coloniale, aprĂšs le chahid Zabana, est dĂ©cĂ©dĂ© dans le plus grand dĂ©nuement il y a seulement un mois sans que le prĂ©sident de lâAssociation des condamnĂ©s Ă mort ait daignĂ© adresser le moindre message Ă la famille. Il est vrai que Nacer Babouche nâavait pas su se mettre du cĂŽtĂ© de ceux qui savent profiter de «la vitesse de croisiĂšre» puisquâil Ă©tait avec nous en prison en 1985 lorsque nous avions crĂ©Ă© la Ligue des droits de lâhomme. Pour monsieur Boudina, mĂȘme pour les condamnĂ©s Ă mort, il y a un premier et un deuxiĂšme collĂšge. Monsieur Mahsas, pour sa part, reste fidĂšle Ă lui-mĂȘme. Depuis 1955, il passe son temps Ă intriguer, insulter les hĂ©ros martyrs et Ă assouvir ses haines. Abane, qui lâaccusait, avec de bonnes raisons, dâĂȘtre un danger ambulant pendant la guerre, est traĂźnĂ© dans la boue. Mahsas, qui fut arrĂȘtĂ© et emprisonnĂ© en 1957 pour opposition aux rĂ©solutions et aux organes issus du congrĂšs de la Soummam, c'est-Ă -dire de la RĂ©volution algĂ©rienne, nâavait dĂ» son salut quâĂ lâintervention des services secrets tunisiens qui lâont libĂ©rĂ© et envoyĂ© en RFA oĂč il coula des jours paisibles jusquâĂ lâindĂ©pendance, quand Ben Bella arriva dans les bagages de lâarmĂ©e des frontiĂšres. BoumediĂšne, qui lâavait longtemps pourchassĂ©, se voit malgrĂ© tout saluĂ© comme un homme «innocent du sang dâAmirouche». Il y a toujours des prioritĂ©s dans la vie. Les sĂ©questrations des restes du colonel de la Wilaya III et de son collĂšgue de la Wilaya VI sont passĂ©es par pertes et profits. M. Mehsas, incorrigible bricoleur politique, estime que les deux officiers nâont eu que ce quâils mĂ©ritaient. La sĂ©questration est mĂȘme implicitement assumĂ©e comme une sanction lĂ©gitime. Jâai longuement hĂ©sitĂ© avant de rendre publiques les rĂ©vĂ©lations dâun agent secret espagnol qui a bien connu M. Mahsas quand il Ă©tait ministre de lâagriculture au lendemain de lâindĂ©pendance. Mais puisque M. Mahsas ne veut pas sortir des Ă©gouts autant lây suivre un moment. A la page 173 du livre intitulĂ© Cygne, mĂ©moires dâun agent secret publiĂ© par les Ă©ditions Grasset en 1976, Gonzales Malta raconte comment «le ministre malhonnĂȘte» a dĂ©tournĂ© un million et demi de dollars qui devait servir Ă payer 150 000 moutons achetĂ©s par lâAlgĂ©rie. Il fit payer les Espagnols par lâorge donnĂ© par les Ătats-Unis au peuple algĂ©rien et «le million et demi de dollars Ă©tait alors passĂ© sur un deuxiĂšme compte, personnel cette fois, qui appartenait au ministre algĂ©rien », Ă©crit lâagent espagnol. Evidemment, le compte en question a Ă©tĂ© ouvert en Suisse. Pour le reste des dĂ©tails montrant la moralitĂ© du personnage qui enregistrait dans des situations dĂ©licates certains membres du gouvernement, je renvoie le lecteur au livre sus-citĂ©. Cela fait 34 ans que ce rĂ©cit a Ă©tĂ© publiĂ©, M. Mahsas nâa toujours pas daignĂ© dĂ©poser plainte pour diffamation. Comment un homme qui a commis tant de crimes et qui sâest mĂȘme mis au service dâune puissance Ă©trangĂšre pendant la guerre de libĂ©ration, ose-t-il continuer Ă dĂ©blatĂ©rer en toute impunitĂ© sans que les instances supposĂ©es veiller Ă la protection de la mĂ©moire des martyrs et la dignitĂ© de la nation ne pipent mot ? Le rĂ©visionnisme se dĂ©voile Quant au nostalgique du MNA, qui invite les AlgĂ©riens, Ă la veille de la commĂ©moration de lâindĂ©pendance, Ă accorder Ă Messali le statut que les Sud- Africains reconnaissent Ă MandĂ©la, il a peut-ĂȘtre raison de se poser en dĂ©positaire dâune mĂ©moire algĂ©rienne vacante ou abandonnĂ©e Ă la manipulation. Les milliers de militants du FLN tombĂ©s en France et en AlgĂ©rie sous les ordres de Messali et les balles de son chef militaire Bellounis sont des fantĂŽmes quâil faut savoir oublier. Ni les Kafi, ni le MALG ou tous ceux qui ont dĂ©versĂ© leur bile sur SaĂŻd Sadi ne semblent inquiets ou offusquĂ©s par ces trahisons, ces impostures et ces amalgames. Lâalerte de M. Si Ouali AĂŻt Ahmed, ancien officier de lâALN, publiĂ©e rĂ©cemment dans le Soir dâAlgĂ©rie, interpellant ses collĂšgues quant aux risques quâil y avait Ă dĂ©missionner devant ces agressions contre les symboles de la nation, rĂ©sonne comme la voix dâun juste dans un monde gagnĂ© par la compromission et la lĂąchetĂ©. Mais dans toute cette descente aux enfers, le signal le plus dĂ©solant et le plus inquiĂ©tant pour la nation est donnĂ© par lâuniversitaire Addi Lahouari. Les AlgĂ©riens ont lu, dans le Soir dâAlgĂ©rie, le texte de la confĂ©rence quâil avait donnĂ©e Ă Tizi- Ouzou il y a trois semaines de cela. Il y dĂ©clara que «SaĂŻd Sadi a dĂ©lĂ©gitimĂ© le pouvoir en Ă©crivant un essai sur lâhistoire» ; essai dont il avait saluĂ© la publication, ajoutant que le pouvoir «a Ă©tĂ© incapable de se dĂ©fendre». On ne sait sâil a Ă©tĂ© «sensibilisé» depuis par son clan mais, le naturel revenant toujours au galop, il commet une interview dans un quotidien Ă©lectronique oĂč je laisse le lecteur apprĂ©cier la qualitĂ© intellectuelle et la rigueur morale de lâuniversitaire. Je cite M. Addi : «Jâai cherchĂ© Ă donner mon point de vue Ă Tizi-Ouzou parce que jâĂ©tais gĂȘnĂ© par la tournure pro et anti kabyle que prenait la polĂ©mique dans les journaux. Il fallait âdĂ©kabyliserâ le dĂ©bat et le centrer dans son cadre politique et thĂ©oriqueâŠ. Il est de la responsabilitĂ© de notre gĂ©nĂ©ration de ne pas transmettre Ă nos enfants la haine entre groupes sociaux. Pour revenir Ă lâouvrage de SaĂŻd Sadi, il a le droit dâĂ©crire un essai dâhistoire. Je ferai nĂ©anmoins une remarque car SaĂŻd Sadi est un homme politique. Je pense que sa dĂ©marche nâest pas cohĂ©rente dans la mesure oĂč, dâun cĂŽtĂ© il critique le MALG et, en cela, il a tout Ă fait raison et, dâun autre cĂŽtĂ©, il a soutenu le nĂ©o MALG, le pouvoir rĂ©el, quand il a annulĂ© les Ă©lections de janvier 1992. Il a condamnĂ© le coup dâEtat de 1962 mais a soutenu celui de janvier 1992 ! Sâil rĂ©pond que lâarmĂ©e a sauvĂ© la RĂ©publique en 1992, il doit accepter lâidĂ©e que le MALG a sauvĂ© la rĂ©volution. Un homme politique doit ĂȘtre cohĂ©rent pour ĂȘtre crĂ©dible. Il dira quâil critique le rĂ©gime, mais en fait, il sâen prend surtout au pouvoir formel, alors que tout le monde sait que Bouteflika nâa aucune autoritĂ©. Un ami Ă Oran me disait : SaĂŻd Sadi critique le pouvoir formel qui est de lâouest et oublie le pouvoir rĂ©el qui est de lâest.» M. Addi qui demande de la cohĂ©rence au militant SaĂŻd Sadi ne sâembarrasse pas de logique en ce qui le concerne. Il refuse que lâon ethnicise le champ politique mais endosse la lecture de son ami oranais qui dĂ©plore que le pouvoir formel soit Ă lâouest alors que le pouvoir rĂ©el est Ă lâest. On ne voit pas pourquoi le pouvoir, rĂ©el, formel ou mĂȘme virtuel devrait, par principe, ĂȘtre de lâouest, de lâest, du nord ou du sud. A suivre M. Addi, il suffirait dâinverser la formule pour quâil y trouve son compte, les problĂšmes de lâAlgĂ©rie, otage dâun pouvoir pendulaire, peuvent attendre. Notre universitaire veut sortir le dĂ©bat politique des complicitĂ©s rĂ©gionales mais absout Bouteflika et ne semble pas gĂȘnĂ© par la tribalisation des institutions qui sâaccompagne dâun dangereux rejet de lâouest oĂč, ayant vĂ©cu mon enfance pendant la guerre de libĂ©ration, jâavais trouvĂ© aide et amitiĂ© quand cette partie de notre pays sâexprimait par des voix autres que celles de M. Addi et consorts. Enfin, il reproche Ă SaĂŻd Sadi de ne pas avoir adhĂ©rĂ© Ă sa «rĂ©gression fĂ©conde» qui allait accoucher dâun ordre politique dont il a pris soin de se protĂ©ger en dĂ©sertant le pays pendant toute la pĂ©riode oĂč celui-ci menaçait de se rĂ©aliser. AprĂšs les manipulations qui ont suivi lâassassinat de mon ami Matoub, jâai eu plusieurs fois lâoccasion de voir comment des cadres algĂ©riens ayant fui le pays ont retournĂ© leur veste du jour au lendemain pour se mettre en phase avec ceux qui nous expliquaient que nous nâĂ©tions pas mĂ»rs pour la dĂ©mocratie. Le discours prĂ©parĂ© dans les cercles dâune certaine gauche française fut ingurgitĂ© par des indigĂšnes comme M. Addi qui devaient apprendre la chanson du «qui-tue-qui ?» pour mĂ©riter quelques vacations dans certaines facultĂ©s ou quelques piges dans la presse au prix du reniement des valeurs de Novembre et de la Soummam. Lâivresse de lâarrogance Pour M. Addi, toutes les interventions remettant en cause une lĂ©galitĂ© formelle, pour reprendre son expression, seraient identiques et participeraient toujours dâune dĂ©marche putschiste : les acteurs de Novembre seraient des putschistes, et Ă le suivre, il en serait de mĂȘme pour Mandela, de Gaule en 1940⊠VoilĂ oĂč en sont certains universitaires algĂ©riens aujourdâhui. Ce que sait M. Addi et quâil prĂ©fĂšre taire, câest que des pans entiers de lâarmĂ©e et la plupart des institutions avaient fait allĂ©geance aux «chouyoukh». Câest la levĂ©e en masse des forces rĂ©publicaines auxquelles il sâest opposĂ© qui ont empĂȘchĂ© un basculement qui aurait irrĂ©mĂ©diablement menĂ© au naufrage du pays et Ă lâenterrement dĂ©finitif du projet de la Soummam. Aujourdâhui que des «naĂŻfs» ont provisoirement sauvĂ© lâAlgĂ©rie, M. Addi daigne nous rendre visite pour nous donner des leçons de crĂ©dibilitĂ© et de courage. Câest indigne. Ce nâest plus lâuniversitaire qui parle mais un «romain» de SantâEgidio, c'est-Ă -dire un acteur politique qui, au lieu de sâexcuser pour sa dĂ©sertion et sa fĂ©lonie, se rappelle Ă nous pour faire dĂ©vier lâhistoire et, pourquoi pas, se placer aprĂšs que dâautres, toujours les mĂȘmes, eurent dĂ©noncĂ© des crimes commis au nom du peuple et quâil sâest bien gardĂ© dâaborder auparavant. Comme le MALG, M. Addi saisit lâoccasion dâun livre Ă©crit sur Amirouche pour attaquer un responsable politique dĂ©fendant un projet opposĂ© au sien. Pour lui, cela est honnĂȘte et cohĂ©rent. Si M. Addi sâest invitĂ© Ă nouveau Ă ce dĂ©bat dans la presse nationale avec un tel parti-pris, câest quâil compte peser dans un domaine quâil devine important pour la redĂ©finition de la scĂšne politique. On peut imaginer que M. Addi, en mal de notoriĂ©tĂ©, ne va pas lĂącher sa proie facilement, comptant sur lâusure, le dĂ©couragement et la censure qui brident les AlgĂ©riens pour rĂ©introduire ses thĂšses qui ont scandalisĂ© en leur temps ceux qui sont restĂ©s se battre pour lâhonneur et la libertĂ© de notre pays. Tant mieux, cela permettra dâĂ©clairer les positions politiques des uns et des autres et, dans ce combat, nous serons toujours prĂȘts pour rĂ©tablir la vĂ©ritĂ© des faits. Lâimpudeur de M. Addi est un signe important de la crise politique et morale qui frappe lâAlgĂ©rie. Dans des situations similaires, des gens coupables de ses mĂ©faits fuient, se cachent, se taisent ou, du moins, sâexcusent. En AlgĂ©rie, la confusion qui brouille tous les repĂšres et les protections claniques permettent Ă la trahison de sâexprimer de façon Ă©hontĂ©e. Pourtant, notre histoire devrait vous instruire M. Addi. A la veille du 1er Novembre 1954, des hommes de votre acabit, croyant que le peuple algĂ©rien Ă©tait exclu de lâhistoire, manifestaient la mĂȘme arrogance. On ne peut pas attendre du MALG, qui porte un hĂ©ritage politique fait de violence et dâĂ©checs, dâĂȘtre lucide. Il est vain de demander Ă des personnes comme MM. Boudina ou Mahsas de croire en une vie publique contrĂŽlĂ©e par les citoyens. Un vieux trotskiste refuse, par dĂ©finition, la rĂ©alitĂ©. Mais pourquoi un universitaire dĂ©fend-il des idĂ©es auxquelles il ne croit pas ? Pourquoi tient-il un discours en Kabylie et avant de soutenir son contraire dans un site Internet moins dâune semaine plus tard ? Pourquoi assume-t-il un pouvoir pour la seule raison quâil est confisquĂ© par les gens de sa rĂ©gion, un demi-siĂšcle aprĂšs lâindĂ©pendance ? Pourquoi ce dĂ©dain laisse-t- il indiffĂ©rent ? VoilĂ un vrai problĂšme dans lâAlgĂ©rie de 2010. M. Addi, les hĂ©ritiers du MALG, MM. Boudina et Mahsas, qui veulent refaire notre histoire, sont des sĂ©quelles dâune mĂ©moire blessĂ©e mais en cherchant Ă brouiller les cartes de la dĂ©cennie rouge, vous vous essayez, vous aussi, au rĂ©visionnisme. Vous ĂȘtes plus dangereux car, en vous abritant derriĂšre lâuniversitĂ© pour dĂ©sinformer, vous menacez lâavenir. Mauvaise conscience Quand je pense que des personnes de ce genre enseignent et dĂ©cident de lâavenir de nos Ă©tudiants, je suis inquiet. Non seulement ces Ă©lites ne jouent pas leur rĂŽle dans les luttes dĂ©mocratiques mais elles sont souvent les premiĂšres Ă attaquer ceux qui ont refusĂ© dâabdiquer. M. Addi, vous avez Ă peu prĂšs le mĂȘme Ăąge que SaĂŻd Sadi. Pendant que vous construisiez votre carriĂšre Ă lâombre du parti unique, il a menĂ©, au pĂ©ril de sa vie et de sa libertĂ©, tous les combats que des universitaires comme vous deviez porter. Les droits de lâhomme, la question identitaire, la laĂŻcitĂ©, le statut de la femme, la rĂ©gionalisation⊠ont Ă©tĂ© adaptĂ©s Ă notre histoire et inscrits dans le dĂ©bat national par SaĂŻd Sadi et ceux, bien rares, qui ont acceptĂ© de lâaccompagner. Avec un certain nombre dâamis, nous avons longtemps essayĂ© de savoir pourquoi des hommes comme vous sâacharnent contre ces acteurs. Nous avons fini par comprendre. Vous ĂȘtes trop vaniteux pour assumer une dĂ©mission que vous voulez maquiller en essayant de salir ceux qui ont agi au moment oĂč vous vous cachiez. SaĂŻd Sadi et ceux qui se rĂ©clament de son combat sont votre mauvaise conscience. A la veille de la commĂ©moration de notre indĂ©pendance, des anonymes bannissent des citoyens au motif quâils sont originaires de Kabylie, un aventurier «en vitesse de croisiĂšre» sermonne, au nom du peuple, un responsable qui dĂ©nonce un crime symbolique, un «ministre malhonnĂȘte» insulte Abane, un messaliste Ă©tranger nous fait la leçon du patriotisme et un universitaire renĂ©gat sâaffiche comme arbitre de la conscience nationale. Lâespoir Tous les intellectuels, heureusement, ne sont pas frappĂ©s par votre cynisme. Jâai vu, dans lâĂ©migration, des AlgĂ©riens, universitaires, fonctionnaires, journalistes ou autres qui ont fui la barbarie vivre dans la pauvretĂ© et la dignitĂ© au moment oĂč vous viriez votre cuti pour ĂȘtre dans lâair du temps. Il y a deux mois de cela, des universitaires de Constantine ont organisĂ© un colloque sur Amirouche. Ils mây ont invitĂ© ainsi que SaĂŻd Sadi. Nâayant pas pu participer Ă leur rencontre, un des initiateurs hospitalo-universitaire eut lâamabilitĂ© de mâenvoyer une figurine cĂ©lĂ©brant lâĂ©vĂšnement. Jâen fus sincĂšrement Ă©mu. Il a adressĂ© Ă SaĂŻd Sadi un de ses ouvrages de mĂ©decine. Je ne rĂ©siste pas Ă lâenvie de vous rapporter une partie de sa dĂ©dicace. «Au docteur SaĂŻd Sadi. Pour le combat citoyen que vous menez⊠En vous Ă©coutant de temps en temps, jâai comme lâimpression que vous dites Ă certains : je comprends votre lĂąchetĂ©, respectez au moins mon courage. Merci pour ce que vous faites pour notre chĂšre AlgĂ©rie.» Je remercie du fond du cĆur les universitaires comme ceux de Constantine qui activent pour leur pays dans lâanonymat et les anciens maquisards qui ont trouvĂ© la force de sâexprimer librement et dignement dans un dĂ©bat qui a failli ĂȘtre dĂ©tournĂ©, une fois de plus, par ceux qui ont sĂ©questrĂ© les martyrs et endeuillĂ© la nation. Leur action Ă©claire malgrĂ© tout notre quotidien dans ce 48e anniversaire dâune indĂ©pendance confisquĂ©e. Au lieu de protĂ©ger notre histoire en organisant des dĂ©bats libres et contradictoires en vue de laisser la jeunesse algĂ©rienne dĂ©couvrir la vĂ©ritĂ© et le rĂŽle de chaque acteur afin de lui permettre de se construire dans la clartĂ©, le pouvoir confisque notre passĂ© pour renforcer ses privilĂšges et multiplier ses sectes. On vient dâannoncer officiellement que la commĂ©moration de lâindĂ©pendance devait se faire sous le haut patronage du chef de lâEtat. Câest la kermesse. Y a-t-il meilleur aveu des dirigeants algĂ©riens pour nous dire que lâhistoire nationale est une foire oĂč les plus malins savent se servir ? Tout cela se passe dans le pays des hommes de Novembre et de la Soummam. N. A.-H. * DĂ©putĂ© RCD.
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